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Auteur : Michel Serres
Date de saisie : 21/05/2015
Genre : Philosophie
Editeur : le Pommier, Paris, France
Collection : Essais
Prix : 22.00 €
ISBN : 9782746506954
GENCOD : 9782746506954
Sorti le : 06/05/2015
Avec ce soixantième livre, Michel Serres synthétise le travail de toute une vie. Il réussit à décrire la façon dont il a pensé ses livres et sa philosophie depuis les débuts, avec Hermès, jusqu'à tout récemment, avec Petite Poucette, en passant par Le Contrat naturel, Le Tiers-instruit et Hominescence. Surtout, il explore la pensée et ses figures.
Penser, c'est inventer, pas copier ni imiter ! Pour y parvenir Michel Serres s'enrichit de l'apport des sciences, de la philosophie, de l'histoire et de la religion. Mais, pour lui, l'abstraction ne suffit plus, il faut y associer le monde dans sa totalité.
Alors, dans ce livre, il convoque le Grand récit de l'Univers, le réel ; le médiateur, gaucher boiteux, qui crée des personnages en foule et explore les vivants ; et le gaucher pensant qui nous parle de l'«âge doux». Celui de Petite Poucette, le nôtre.
Au total, voici une nouvelle philosophie qui parle du monde d'aujourd'hui. Mais qui est ce gaucher boiteux ? Et si c'était Michel Serres lui-même ?
Membre de l'Académie française, Michel Serres est l'auteur de nombreux essais philosophiques et d'histoire des sciences. Il est l'un des rares philosophes contemporains à proposer une vision du monde qui associe les sciences et la culture.
Surprise ! Voilà que tombe du ciel, émerge des flots, court en forêt un poème symphonique. Epopée pensante, hymne inclassable, flamboyant et ondoyant. Michel Serres veut y réincarner Lucrèce au temps du Web. Une seule question anime son chant : en quoi consiste donc l'acte de penser ? Réponse en un mot : inventer. Principale leçon : pour penser-inventer, inutile de se rendre grave, austère, abstrait. C'est néfaste. Mieux vaut s'abandonner, se laisser porter, plonger dans le flux, devenir ours, renard, castor, arbre ou torrent - tour à tour, ou tout ensemble -, se fier aux bifurcations qui s'offrent. Stérile la méthode, et féconde son absence. A ce qui est stable, il conviendrait donc de préférer déséquilibre et dissymétrie, qui seules font avancer...
Reste l'essentiel : festival de grande prose poétique, étincelant d'intuitions, écriture lumineuse, sensible, chantante. Michel Serres incite à penser en faisant confiance au corps, au cosmos, à la vie - c'est tout un. Il invite à inventer, à prendre des risques, à parier sur le mouvement, l'instable, le virtuel - conditions de la création. Que ce livre devienne un succès ne serait pas une surprise.
LES CHOSES DU MONDE
À mesure qu'il s'éloigne du big bang, le Grand Récit de l'Univers relate, tout justement, l'apparition de phénomènes nouveaux, rares, imprévisibles, telles, au début, les interactions et la masse ; le monde lui-même commence comme un événement d'une incalculable rareté. Par après, d ne cesse d'exploser de contingences inventives. Y émergent des corps dont le poids s'alourdit et la figure se complique. Dans les débuts apparaissent l'hydrogène, l'hélium, le carbone, l'azote et l'oxygène, aux propriétés diverses et parmi lesquels se trouveront, plus tard, les principes de la vie. Surabondent ces éléments innovants. Dans la fournaise des galaxies et de mille nuages disparates et brûlants naissent le fer, le manganèse, l'aluminium... Se déploie peu à peu la série des éléments. Suivant ce Récit - et selon le tableau de Mendeleïev pourtant périodique -, on ne peut pas déduire d'une loi simple les propriétés successives des corps émergents ni la figure qu'y prennent, pour chacun, la disposition et le mouvement, souvent stochastique, des particules. Chacun fait nouveauté, jaillit en dessinant un schéma corpusculaire inédit, oui, bifurque brusquement. Par véritables coups de théâtre, le Grand Récit raconte ces phénomènes contingents, apparitions d'éléments, productions de figures : inventions.
Plus tard, par alliance de ces corps simples, des millions de combinaisons feront apparaître nombre de molécules différentes, dont les formules figureront une topologie exquise et fortement différenciée : ADN-double hélice ou fullerène-ballon rond. Émergentes, leurs propriétés ne sont pas, elles non plus, prévisibles.
Le Grand Récit ne cesse donc de relater ces nouveautés, ces contingences inattendues, ces bifurcations inédites, issues dans et de l'Univers : masses, interactions, corps simples, molécules, galaxies, étoiles, planètes... Encore un coup, il explose d'inventions.
Qu'en est-il, alors et pour nous, de penser ? Penser exige de vivre et de suivre ces apparitions, ces phénomènes, ces figures, de plonger hardiment dans le mouvement qui les suscite. En tant que nouveautés, ces corps simples, ces objets célestes, ces molécules à conformations délicieusement pliées, apparaissent comme des synthèses. Pensons-nous ainsi ?
Autre image, plus ancienne : usuel depuis Kant, l'exemple de la Terre, du Soleil et de leur mouvement réciproque, ptolémaïque ou copernicien, qu'importe, évoque désormais des phénomènes trop stables pour leur site, trop répétitifs dans les rotations ou trop récents dans l'âge des astres, j'hésite à dire trop froids, pour figurer de manière précise la connaissance et la pensée, qui ne sont, justement, qu'émergences rares et jaillissantes comme des flammes. Et que dire, dans ce cas, du narcissisme dont la vantardise exhibe le sujet humain à la place du Soleil ? Paranoïaque, ce Moi-Soleil ! Et que dire, en réciproque, du mépris qui jette tout objet du monde au site et dans la fonction d'une planète, d'un satellite, moins ou plus refroidis ? Non. Substituons à cette image, stable, glacée, d'un orgueil enfantin, la formidable inventivité de l'Univers en expansion.
Je pense, donc je le mime ? Non, je plonge plutôt en son Récit, dont le dynamisme puissant me montre, pas à pas, comment inventer.
Partons donc des choses du monde ; que voici.