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Auteur : Louis-Philippe Dalembert
Date de saisie : 30/06/2017
Genre : Romans et nouvelles - français
Editeur : Sabine Wespieser éditeur, Paris, France
Prix : 21.00 €
ISBN : 9782848052151
GENCOD : 9782848052151
Sorti le : 02/03/2017
Un bel hommage à la république d'Haïti, qui fut un des premiers états à accepter, sans condition, les juifs chassés par le nazisme.
A travers la vie du docteur Schwarzberg et de sa famille poussée d'un pays à l'autre par l'antisémitisme, Louis-Philippe Dalembert propose une épopée comico-tragique dont le point de chute sera Port-au-Prince, havre de pays et de tolérance. Ruben y trouvera enfin l'envie de se poser et le sentiment d'appartenir à une nation à part entière.
Dans le prologue de cette saga conduisant son protagoniste de la Pologne à Port-au-Prince, l'auteur rappelle le vote par l'État haïtien, en 1939, d'un décret-loi autorisant ses consulats à délivrer passeports et sauf-conduits à tous les Juifs qui en formuleraient la demande.
Avant son arrivée à Port-au-Prince à la faveur de ce décret, le docteur Ruben Schwarzberg fut de ceux dont le nazisme brisa la trajectoire. Devenu un médecin réputé et le patriarche de trois générations d'Haïtiens, il a tiré un trait sur son passé. Mais, quand Haïti est frappé par le séisme de janvier 2010 et que sa petite-cousine Deborah accourt d'Israël parmi les médecins du monde entier, il accepte de revenir sur son histoire.
Pendant toute une nuit, sous la véranda de sa maison dans les hauteurs de la capitale, le vieil homme déroule pour la jeune femme le récit des péripéties qui l'ont amené là. Au son lointain des tambours du vaudou, il raconte sa naissance en Pologne en 1913, son enfance et ses études à Berlin - où était désormais installé l'atelier de fourrure familial -, la nuit de pogrom du 9 novembre 1938 et l'intervention providentielle de l'ambassadeur d'Haïti. Son internement à Buchenwald ; son embarquement sur le Saint Louis, un navire affrété pour transporter vers Cuba un millier de demandeurs d'asile, mais refoulé vers l'Europe ; son séjour enchanteur dans le Paris de la fin des années trente, où il est recueilli par la poétesse haïtienne Ida Faubert, et, finalement, son départ vers sa nouvelle vie : le docteur Schwarzberg les relate sans pathos, avec le calme, la distance et le sens de la dérision qui lui permirent sans doute, dans la catastrophe, de saisir les mains tendues.
Avec cette fascinante évocation d'une destinée tragique dont le cours fut heureusement infléchi, Louis-Philippe Dalembert rend un hommage tendre et plein d'humour à sa terre natale, où nombre de victimes de l'histoire trouvèrent une seconde patrie.
LOUIS-PHILIPPE DALEMBERT est né à Port-au-Prince et vit à Paris. Professeur invité dans des universités américaines et suisses, écrivain en résidence à Rome, Jérusalem ou Berlin, il publie depuis 1993 des romans, des essais, des nouvelles et de la poésie. Ses livres sont traduits dans de nombreux pays.
À 54 ans, Louis-Philippe Dalembert, né à Port-au-Prince, vient d'écrire son meilleur livre, un roman à la fois grave et drôle qui raconte la participation haïtienne à la Seconde Guerre mondiale. Il rejoint ainsi le peloton de tête des écrivains haïtiens qui s'efforcent de garder le nom d'Haïti dans la mémoire universelle, de Jacques Roumain à Yanick Lahens en passant par Jacques Stephen Alexis, Marie Vieux-Chauvet, Frankétienne et Lyonel Trouillot.
Loin d'une leçon d'histoire édifiante, le romancier a choisi de mener son récit sur le mode de la semi-comédie...
S'il surprend, le parti pris permet d'envisager Haïti autrement que par le prisme habituel de la dictature ou des catastrophes naturelles.
Cette traversée épique et délicieusement rocambolesque de la Seconde Guerre mondiale est portée à partir d'un épisode documenté, par l'imagination du romancier qui conjugue son érudition, son expérience du nomadisme et du croisement des cultures. Il narre cette aventure avec tendresse, humour, et réussit aussi bien à installer les ambiances (de l'immeuble familial à Berlin au Bal nègre, sans oublier les soirées poétiques) qu'à incarner ses personnages dans une langue charnue, tonique et bondissante. Livre d'hier et d'aujourd'hui, Avant que les ombres s'effacent est un voyage littéraire formidablement constructif où la solidarité humaine défie et défait les murs...
Extrait du prologue
Le vendredi 12 décembre 1941, par une paisible matinée caraïbe où le soleil, à cette époque de l'année, caresse la peau plutôt que de la mordre, la république indépendante, libre et démocratique d'Haïti déclara les hostilités au IIIe Reich et au Royaume d'Italie. L'annonce prit de court les citoyens, qui, tournés vers les festivités de Noël, avaient déjà oublié que, quatre jours plus tôt, incapable d'avaler l'anaconda de Pearl Harbor, leur bout d'île avait fait une virile entrée en guerre contre l'Empire nippon. L'information avait déboulé à la vitesse d'un cyclone force 5 sur la planète ; des centaines de millions de sceptiques avaient eu du mal à en croire, qui leurs yeux, qui leurs oreilles, selon qu'ils l'avaient lue dans les gazettes ou captée sur leur poste tsf. Les têtes couronnées du Japon et leurs fidèles sujets n'en étaient toujours pas revenus.
Il s'agissait cette fois de faire gober sa suffisance à Herr Hitler et, au passage, de voler au secours des malheureux Israélites. Premier pays de l'Histoire contemporaine à avoir aboli les armes à la main l'esclavage sur son sol, le tout jeune État avait décidé lors, pour en finir une bonne fois avec la notion ridicule de race, que les êtres humains étaient tous des nègres, foutre ! Article gravé à la baïonnette au numéro 14 de la Constitution. Aussi existe-t-il dans le vocabulaire des natifs de l'île des nègres noirs, des nègres blancs, des nègres bleus, des nègres cannelle, des nègres rouges, sous la peau ou tout court, des nègres jaunes, des nègres chinois aux yeux déchirés... Dans la foulée, ces nègres polychromes avaient décrété que tout individu persécuté à cause de son ethnie ou de sa foi peut trouver refuge sur le territoire sacré de la nation. Et il devient ipso facto citoyen haïtien, c'est-à-dire placé sous la protection des esprits vaudou. Une promesse que les générations successives prendraient très au sérieux.
Depuis les lois raciales de Nuremberg et l'infâme Nuit sans nom, les fiers Caribéens rêvaient ainsi d'en découdre avec ce guignol gesticulant de Herr Hitler. On n'allait pas rester les bras croisés, laisser ces bouffeurs de porc cru nazis génocider les Juifs, sans compter que ça nous permettrait d'étendre davantage notre influence dans le monde. Déjà, en 1939, le pays avait adopté un décret-loi afin d'octroyer la naturalisation immédiate - sans grate tèt, avait exigé le peuple souverain - à tous les Juifs qui le souhaitaient. Visiblement, ça n'avait pas suffi, il fallait passer la vitesse supérieure si on voulait apporter notre aide à ces pauvres Israélites. Mandater auprès d'eux les mystères du vaudou ? Pas sûr que leur ménorah, leur mézouza, leurs cordons tsitsit auraient trouvé grâce aux yeux de nos saints. Et puis, les Iwa et l'eau, ça n'a jamais fait bon ménage. Depuis la traversée forcée à fond de cale de l'immense océan Atlantique, ils ont une horreur crasse de l'élément liquide. Même Agwe et La Sirène censés y vivre s'aventurent rarement à plus de trois mètres des côtes. D'ailleurs, pour ne pas avoir à aller chercher des partenaires de bagatelle en Afrique, les Iwa avaient préféré fricoter avec les dieux chrétiens et amérindiens. Il ne faut donc pas leur parler de pureté de la race, d'authenticité identitaire et toutes ces conneries. Nous sommes tous des bâtards, point !