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Auteur : Olivier Poivre d'Arvor | Patrick Poivre d'Arvor
Date de saisie : 00/00/0000
Genre : Romans et nouvelles - français
Editeur : Gallimard, Paris, France
Collection : Blanche
Prix : 18.50 €
ISBN : 978-2-07-077966-6
GENCOD : 9782070779666
Olivier Poivre d'Arvor - 04/10/2006
1935, sud de l'Angleterre. Un homme va mourir, victime d'un grave accident de moto. Dans le coma qui le gagne, lui reviennent des souvenirs d'enfance, de manque d'amour, d'exils, de fugues. A-t-il cherché à disparaître ? La lumière qui l'enveloppe durant trois années de sa vie fut glorieuse mais trop aveuglante. Depuis, ce héros malgré lui n'a cessé de fuir. Poursuivi par la presse et les services secrets, rongé par le besoin de s'effacer, de détruire, il n'a jamais vraiment su qui il était, ni même comment il se nommait. Seuls ces déserts d'Orient qu'il a tant aimés sauront l'apaiser. Du moins l'espère-t-il. Son frère va l'y aider, de la plus incroyable façon. Deux femmes, qui rôdent autour de lui comme deux remords, seront là, elles aussi, jusqu'au dernier moment. Au pays des mystères, une légende se construit. Celle d'un solitaire, l'un des plus grands héros des temps modernes.
Olivier et Patrick Poivre d'Arvor ont écrit une dizaine d'ouvrages ensemble. L'aîné est journaliste, le cadet diplomate.
Disparaître est le roman d'une légende vraie. Olivier et Patrick Poivre d'Arvor ont préféré souligner les états d'âme du héros plutôt que de raconter ses états de service, pourtant exceptionnels ; ils ont vu les fêlures plutôt que les victoires ; ils ont choisi d'écrire sur les zones d'ombre d'une légende dorée, qui n'a plus qu'un désir : fuir. Pour renforcer le trait, le duo se met dans la peau de son sujet, d'où ces nombreux passages en italique représentant les pensées de Lawrence. Aussi, une fois les dernières pages tournées, le lecteur a-t-il l'impression de mieux comprendre le caractère d'un homme au destin hors du commun. «Tout vient de l'enfance. Voilà donc comment, d'Oxford la puritaine, je me suis enfui vers l'Arabie heureuse», écrit Lawrence dans une lettre-testament laissée à son fils adoptif, comme pour donner la clé du mystère. Et quel mystère.
La vie brève et troublante de Thomas Edward Lawrence (1888-1935), dit Lawrence d'Arabie, est si romanesque par elle-même, et si sublime, qu'on ne s'étonnera pas que personne, à ce jour, n'ait songé à y ajouter quelques gouttes de fiction. A quoi, d'ailleurs, cela aurait-il servi ? Devant ce héros bizarre - qui, par désoeuvrement, fit jaillir plusieurs nations du désert avant de «disparaître» et de troquer sa gloire contre les voluptés de l'anonymat -, on se dit qu'il était bien inutile, a priori, d'augmenter son destin par quelques repeints d'imagination. Or, les frères Poivre d'Arvor - un duo déjà expert en légendes diverses - ne l'entendaient pas ainsi...
L'intrigue ? Elle appartient, bien sûr, à la grande Histoire. Et elle détaille, par flash-back disposés en cascades, l'itinéraire hallucinant du jeune T. E., de son enfance oxonienne à la Mésopotamie, de sa ferveur d'archéologue à sa passion arabe, de son puritanisme à ses mortifications, de la guerre contre les Turcs à son ultime chemin de croix. Car ce n'est pas par hasard que les romanciers se sont postés tout au bout de cette existence de feu puisque c'est là, en effet, que gît le mystère Lawrence : pourquoi ce héros, auquel on proposa la vice-royauté des Indes ou le gouvernement de l'Egypte, préféra-t-il changer de nom (chez lui, c'était même une manie) pour s'engager dans la Royal Air Force à un rang subalterne - après avoir vainement sollicité un poste de gardien de phare ? Quel crime voulait-il expier ?...
Le roman des Poivre d'Arvor permet de circuler parmi ces hypothèses. Il suggère avec délicatesse. Et cerne, par touches, une vérité complexe et plus riche, en tout cas, que celle, trop lisse, trop orchestrée (via la musique de Maurice Jarre) d'un héros qui n'en était pas moins homme...
Le lecteur plus soucieux de politique que de psychologie trouvera également son compte dans ce livre, qui n'omet ni la prise d'Aqaba, ni le rôle du «colonel» entre Allenby, Hussein, Fayçal, et le morcellement de la puissance ottomane...
Les dernières brumes de la matinée se dissipent paresseusement sur le Dorset. La campagne anglaise laisse échapper de son sol des gerbes de fleurs sauvages et, avec elles, une entêtante odeur de musc, plus forte encore que celle d'un pneu qui se consume, à quelques mètres de là.
Insensible à ces vertiges végétaux, le détective Henry Walpole lisse sa moustache comme on roule une cigarette. Une fois, deux fois. De la main droite uniquement. Le bras gauche a été arraché par un obus lors d'un combat aérien pendant la guerre... Son visage est de feu et l'oeil de braise. La moustache peut à tout moment devenir la mèche qui déclenchera l'incendie fatal, au coeur de cette bouille ridée comme une pomme confite. Walpole en tord consciencieusement les extrémités, histoire de s'assurer qu'à droite comme à gauche, il est un enquêteur présentable, équilibré, et qu'il dispose des nécessaires antennes, faute de deux bras valides, pour capter toutes sortes d'ondes et d'ultrasons. Prêt à s'enflammer, à fumer par tous les orifices du visage, tant sa forte tête d'Anglais tabagique réprime son désarroi. Sa manière à lui, gradé méritant, d'exprimer l'absolu scepticisme du policier face à la complexité d'une situation qui lui échappe encore. Voilà seulement trois semaines que Walpole a été muté ici, dans cette immense circonscription, après avoir passé deux ans près de Swansea, au pays de Galles. Et déjà, l'histoire s'emballe. Le jeune homme pâle qu'il est train d'interroger peine à retrouver ses esprits.
- Et cette fourgonnette noire, vous êtes sûr qu'elle a bien foncé sur la moto ?
- Absolument. Le motocycliste venait de nous doubler en haut de la côte, mais il n'avait pas franchi la ligne blanche. La fourgonnette qui arrivait en face s'est déportée vers lui. Pourtant, rien ne la gênait. Il n'y avait pas d'autre voiture...
- Elle a heurté la moto ?
- Non, la moto a juste eu le temps de se rabattre. C'est à ce moment-là qu'elle a bousculé mon camarade.