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Auteur : Claire Wolniewicz
Date de saisie : 18/01/2008
Genre : Romans et nouvelles - français
Editeur : Viviane Hamy, Paris, France
Prix : 19.00 €
ISBN : 978-2-87858-264-2
GENCOD : 9782878582642
Sorti le : 18/01/2008
Madelaine Delisle, une octogénaire tombe de son balcon. Le temps de cette chute, elle se remémore les différents épisodes de sa vie. De son abandon par son père l'année de ses onze ans à sa réussite au sein de sa propre maison de couture à Paris, nous suivons Madelaine dans toutes les étapes de sa vie de femme et de créatrice avant-gardiste. Un magnifique portrait de femme...
On suit le parcours de Madelaine couturière, à travers le siècle. Après son apprentissage elle ouvrira sa propre maison de couture et ses modèles auront un grand succès.
Ce livre se lit d'une traite car on éprouve une grande tendresse pour Madelaine.
À quatorze ans, Madelaine quitte l'orphelinat avec un métier : couturière.
Éblouie par la fluidité des matières et l'explosion des couleurs, déjà experte dans l'art de la coupe, elle crée ses premières robes. Puis, à Paris, les clientes repèrent ses créations. Ses modèles ont un succès fou, l'atelier déborde de commandes. Désormais, la maison portera son nom : «Madelaine Delisle».
Le siècle défile, inventions, restrictions, destructions... L'après-guerre offre Tadeusz, et son fol amour de la vie, à Madelaine. Lucie naîtra. La jeune femme dessine quantité de modèles pour sa fille... Mais les vieux démons rôdent : pourquoi ne parvient-elle pas à toucher sa fille, à lui parler, à l'aimer ?... Le couple se délite, Madelaine s'isole...
Roman d'initiation, du désir de donner et de la nécessité du choix, Le Temps d'une chute est une fresque du XXe siècle filtrée au pochoir de la Mode.
Claire Wolniewicz est journaliste free-lance. Après un recueil de nouvelles, Sainte Rita, sorti en 2003, Ubiquité, son premier roman, a paru en septembre 2005 aux Éditions Viviane Hamy. Il a obtenu le Prix des lycéens «Librecourt 2006».
Au service de Mme veuve Volladier, Madelaine fait merveille, les clientes d'«A la belle confection» l'apprécient, elle est «la perle de Limoges» qui bientôt monte à Paris. De fil en aiguille, l'ancienne petite paysanne impose son style dans les rues. Quant à l'amour, c'est une autre paire de manches. Pourquoi Tadeusz disparaît-il chaque matin de Noël ? Est-ce le travail qui éloigne Madelaine de sa fille ? Et le temps file, et la romancière brode, tout est écrit au présent, beau tissu.
Madelaine coud une robe d'été, d'après-midi clair et joyeux, sans manche, au décolleté rond. Elle est seule dans l'atelier de son ancienne patronne, madame Germaine. Elle n'a pas ses vingt ans de l'époque mais son âge, soixante-dix-huit ans. La soie grège satinée s'arrête à mi-mollet. La taille Empire est soulignée d'une broderie de fleurs - des pivoines -tracée dans un fil de soie blanche. Le fil casse, elle en passe un autre dans le chas de l'aiguille, reprend, le fil casse une deuxième fois, une troisième, une quatrième. La sueur perle au front de la couturière. Sur l'horloge, les aiguilles tournent. L'ourlet se défait, elle recommence. Elle examine son travail en grattant sa main irritée par l'eczéma, la taille est mal prise. Des heures qu'elle se concentre sur cette robe et impossible de la terminer, il y a toujours quelque chose qui ne va pas. Sa concentration s'émousse, elle s'énerve, sa main est zébrée de marques rouges ; une arpette de quinze ans en serait venue à bout en un rien de temps. Elle se force au calme quand une tache apparaît sur le tissu immaculé. Hors d'elle, elle déchire la soie maudite.
Et se réveille en sursaut.
Toujours le même cauchemar, le même vêtement. Et ce geste ! Alors qu'en plus de soixante ans de métier, elle n'a jamais détruit un modèle. Jamais.
Elle soulève ses jambes maigres, trottine jusqu'à la cuisine pour avaler un verre d'eau. Six heures du matin, la clarté veloutée l'apaise. Elle s'assoit dans le canapé crème face aux baies vitrées de son appartement, ferme les yeux. Pour chasser l'amertume du réveil, elle égrène ses souvenirs comme des mantras.
Elle a douze ans et brosse les cheveux de son amie Hélène.
- Madelaine, quand tu sauras bien coudre, tu me feras des belles robes ?
- Je te le promets.
- Mais très belles, hein ? Aussi belles que la robe de communiante. Tu pourras ?
- Oui, je vais bien apprendre.
- Des robes de princesse ?
- De princesse et de reine, si tu veux.
Et dans les yeux d'Hélène, on devine déjà la couleur des robes.
Elle a soixante-treize ans et se promène avec sa fille dans une rue à Paris. Elles marchent avec nonchalance, laissent leurs regards traîner sur les vitrines, désignent des objets exposés.
- Quel nom donnes-tu à ça ? Une spatule ?
- Un chausse-pied ?
- Une cravache ?
- Une brosse pour se gratter le dos ?
- Et le magasin est fermé, on ne saura jamais, c'est terrible.
Lucie rit en se rapprochant de sa mère, passe son bras autour du sien. Elles continuent ainsi tranquillement, serrées l'une contre l'autre. L'après-midi est si doux.
Elle a trente-deux ans, détaille des peintures dans un musée. Une oie reproduite l'arrête, elle l'observe longuement avant d'aller interroger Tadeusz.
- Tu trouves que j'ai un long cou ?
- Oui.
- Mes frères disaient que j'avais un cou de pintade, c'est idiot les pintades.
- Je suis sûr qu'il en existe de très intelligentes.
- Tu crois ?
- Certain, puisque tu es ma pintade adorée.
Et il embrasse le long cou sous l'oeil indifférent des gardiens.
Elle a dix-sept ans, attend sur la rive de la Vienne Martial qui déboule en courant. Il la prend par la main, l'entraîne.
- Où on va ?
- Après la maison de Ninon.
- Pourquoi ?
- Tu verras.