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Auteur : Chefdeville
Date de saisie : 10/04/2009
Genre : Romans et nouvelles - français
Editeur : Dilettante, Paris, France
Prix : 17.00 €
ISBN : 978-2-84263-165-9
GENCOD : 9782842631659
Sorti le : 07/01/2009
Ecrivain à la dérive, n'ayant qu'un seul polar ayant eu peu de succès. S'offre alors à lui l'opportunité de devenir animateur d'ateliers d'écriture en zones dite sensibles.
Il est vrai que c'est un anti Bégaudeau et que cela fait du bien !
Un livre qui vous mettra de bonne humeur, pour peu que le politiquement incorrect ne vous effraye pas.
Le héros (ou l'auteur, on ne sait pas la part de fiction et de réalité que contient le récit, et ça participe de son charme) a écrit voilà quinze ans un unique roman policier et végète depuis entre sa bouteille de rhum et les pigeons de son balcon. Un coup de téléphone lui propose d'animer un atelier d'écriture dans un collège de ZEP (Zone d'Education prioritaire). Ce n'est pas que ça le tente vraiment mais, bon, c'est payé.
Il rapplique avec sa culture de blouson noir sur une planète dont il ne soupçonnait même pas l'existence : des presque adultes de 4e partagent la classe en communautés qui pratiquent l'agression verbale (pour commencer) en continu. Beurs, blacks et gitans ne sont contenus que par les bimbos de banlieue qui pratiquent en virtuose le vocabulaire des charretiers. L'occasion pour le lecteur d'un rajeunissement linguistique indispensable...
Ce regard de Candide sur les établissements «difficiles» qui n'épargne ni les élèves, ni les profs, ni l'administration, ni lui-même est hilarant de bout en bout, jusqu'à ce que notre héros, qui s'est inventé un passé de caïd international pour essayer de maîtriser sa classe, ne retrouve sa vieille bagnole fracassée et ainsi taguée sur les portières : Feuque la mafia russe !
«Alors voilà, ça a commencé comme ça.» Lui non plus, Chefdeville, auteur en souffrance, polardier à la biblio light, n'avait rien dit, rien demandé, lézardant sur sa moquette. Le téléphone a sonné et l'ange du destin, mandé par le Conseil Général, lui ouvre à deux battants les portes de l'aventure, la vraie : animer un atelier d'écriture. Ouaillenotte, rumine notre homme qui se retrouve en un rien de temps garant sa fidèle 205 sur le parking d'un des mille et un lycées, bien épineux, de la grande couronne. Bienvenue chez Jean-Moulin, dans la war zone ! Prof matoneuse et élèves en roue libre : altérité plus altercation, diversité si tu l'oses, ta mère en short et ta soeur en carte ! Chefdeville joue le jeu et fait avec. Compte tenu des heures à payer et du planning à respecter, il se retrouve en poste un cran plus loin chez Pablo-Neruda à enseigner le scénario à des jeunes d'aujourd'hui, nanti comme colistier d'un naze en catogan censé apprendre à faire le point et le cadre à des sans-repères-fixes, adeptes du hors-champ social. La loi des corps voulant qu'il y en ait pour trois quand on est déjà deux, revoici Chefdeville à Pablo-Neruda avec des apprenties boulangères dont il se sentira très proche. Retour au décor numéro 1 pour la scène finale : théâtre de marionnettes et baston en salle. C'est l'écrivain qui boit et la 205 qui trinque : confettis de pare-brise, pneus étripés. Fin de partie. Mais pas d'inquiétude : quelque part dans la nue, penchés au balcon, Jean Moulin et Pablo Neruda t'ont à l'oeil et te crient : «Solidarité, Chefdeville !» Et la gerbe portera en souvenir : «Aux animateurs d'ateliers d'écriture bastonnés pour la France». Le Conseil Général reconnaissant.
Chefdeville est né au siècle dernier en Auvergne. Issu d'une famille de six enfants, il vit en banlieue parisienne. L'Atelier d'écriture est son deuxième roman.
Caché derrière un pseudonyme, Chefdeville relate les déboires d'un romancier animant des ateliers d'écriture dans des «banlieues difficiles»...
Si L'Atelier d'écriture avance sabre au clair contre une «époque où des adolescents décérébrés organisaient des viols collectifs, présentés sous l'innocent vocable de tournantes. Où des jeunes filles en fleurs flambaient comme des allumettes suédoises dans les locaux à poubelles des anciennes cités ouvrières, occupées à présent par des tribus lointaines», il n'oublie pas que les sociétés, comme les poissons, pourrissent par la tête : «Le roquet speedé de l'Élysée chiait sur 68, et la chienlit d'hier le léchait à la trace.»...
Pour avoir une idée du charme de ce roman aussi truculent qu'insolent, il faut imaginer Chagrin d'école de Pennac revu et corrigé par Michel Audiard et Reiser. Ou encore une version anar du Entre les murs de François Bégaudeau où la démagogie puante aurait été remplacée par le désir jubilatoire de fâcher les tièdes et imbéciles. Élève Chefdeville, nos félicitations !
Allongé sur le canapé, j'essayais de me concentrer sur la pertinence de ma présence dans ce monde aseptisé et hostile, quand j'entendis les pigeons sur le balcon. Je posai mon verre de rhum sur la table basse et me précipitai. J'exécrais ces volatiles, des assistés et des feignants. À part ravager les façades des bâtiments, picorer vos frites au McDo et chier sur la tête des gens, à quoi pouvaient-ils bien servir ces parasites ? Alors, régulièrement dans la journée, je prenais le balai et essayais de m'en allumer un. Mais ils étaient malins ces emplumés. Ils se tenaient toujours à distance respectable pour que je ne les atteigne pas, me narguant avant de s'envoler en laissant des kilos de merde sur la corniche. Toujours à déféquer au même endroit ces nuisibles, chaque jour une nouvelle couche, laissant des strates de fientes qui se transformaient avec le temps en gargouilles immondes.
Un nouveau verre de rhum à la main, je repris mon observation initiale, suivant des yeux les rotations des mouches, mon occupation du jour, quand l'une d'elles me piqua. Je détestais ces bestioles, toujours à vous tourner autour, à vous épier avec leurs yeux derrière la tête, à vous piquer les vaches, quand le taon tournait à l'orage. Mais là, pas besoin de balai, je possédais l'arme ultime, imparable, une force de frappe inégalée, la tapette à mouches ! Un rien barbare, mais je m'en tapais. Avez-vous déjà été emmerdé par un bombardier un jour d'été ? Un qui ne vous lâche pas, qui prend votre cul pour l'aéroport Charles-de-Gaulle ? Vous ne pouvez pas rester pacifique, vous ne pouvez pas, c'est inhumain. Vous chopez la tapette à mouches et vous l'explosez le bestiau, vous le massacrez. J'ai toujours considéré la tapette à mouches comme l'une des plus belles trouvailles du monde civilisé, un objet décoratif - la mienne avait le sourire de la Joconde -, ainsi qu'une arme défensive efficace. Elle pouvait même servir pour les moustiques.