1983

Vendredi 13 mai 1983, J-27 : “Hier, aux environs de seize heures, Hazel Atkins a disparu entre le groupe scolaire Morley Grange et son domicile.” La petite a dix ans. Maurice Jobson, La Chouette, le superintendant, est en charge de l’affaire. Affaire qui ressemble etrangement a celles d’autres fillettes disparues. Anciennes affaires pour lesquelles Michael Myshkin, “le meurtrier d’enfants”, a ete condamne. Mais John Piggot, avocat, est contacte par la mere de Myshkin, un appel pourrait etre possible… Appel qui risque de deranger du monde, et pas forcement ceux auxquels on pense de prime abord. Un qui se doute bien que tout cela va mal finir, c’est BJ : “Sur la banquette du fond, BJ se met soudain a trembler et a pleurer, et BJ ne peut pas s’empecher de trembler et de pleurer, a cause de tout ce que BJ a fait, de ce qu’on a oblige BJ a voir et de ce qu’on l’a oblige a faire, de toutes ces putains de choses qu’on a oblige BJ a faire, et BJ pense a Grace, et BJ tremble et pleure parce que BJ sait ce qu’ils lui ont fait et ce qu’ils feront a BJ, sait qu’ils ont tue plein de gens et qu’il faudra qu’ils en tuent plein d’autres, et BJ comprend que BJ aurait du faire ce qu’il fallait, aurait du buter toute cette putain de bande parce que maintenant BJ est vraiment dans la…Merde.”
Veritable maelstrom a trois voix, “1983” conclue de maniere magistrale ce Red Riding Quartet. Dans cette derniere supplique, David Peace ferme toutes les portes ouvertes depuis 1974, plongeant au coeur du mal, et vous embarquant dans un rythme endiable, elliptique, qui vous pousse et vous force a tourner les pages. C’est d’une puissance rare, et cette tetralogie sera un point de repere dans l’histoire du roman noir anglais.

PS : Le meilleur moyen d’apprecier cette tetralogie (1974 / 1977 / 1980 / 1983) est de lire les quatre livres successivement : en effet, ils ne forment qu’un gros livre de 1500 pages, aux histoires et ramifications complexes, dont l’auteur ne ferme les portes qu’au dernier volume (qui vient prendre ses sources dans les annees 50/60 !). A lire les quatre eparpille, on peut etre un peu perdu et ne pas prendre completement la mesure de ce chef d’oeuvre anglais.

EN MAI 1983, A LA VEILLE D’ELECTIONS GENERALES QUE LA DAME DE FER S’APPRETE A REMPORTER TRIOMPHALEMENT, HAZEL ATKINS EST ENLEVEE A MORLEY, LA OU, EN 1974, LA PETITE CLARE AVAIT DISPARU. MEME SI LA POLICE REFUSE D’ETABLIR UN LIEN ENTRE LES DEUX AFFAIRES, D’AUTRES VICTIMES DE DISPARITIONS SIMILAIRES REFONT SURFACE : SUSAN RIDYARD ET JEANETTE GARLAND. ON S’EN SOUVIENT, C’EST SUR CES AFFAIRES QU’ENQUETAIT LE JOURNALISTE EDWARD DUNFORD. LUI AUSSI A MYSTERIEUSEMENT DISPARU. DANS LE DERNIER VOLUME DE SA TETRALOGIE DU YORKSHIRE, DAVID PEACE DEVOILE LA FACE CACHEE DE CES ANNEES NOIRES ET TENTE DE DEFINIR LA NATURE DU MAL QUI A RONGE L’ANGLETERRE PENDANT UNE DECENNIE.

CETTE TETRALOGIE CRIMINELLE SE PLACE TRES AU-DESSUS DE LA PRODUCTION CONTEMPORAINE.

LE FIGARO MAGAZINE

PLUS ENCORE QU’A JAMES ELLROY, DONT IL POSSEDE LE SENS DE L’ELLIPSE, LE STYLE CHAOTIQUE ET L’ART D’INTEGRER DES FRAGMENTS D’ACTUALITE DANS SON RECIT, C’EST A ROBIN COOK ET A SON DESESPOIR IMPLACABLE QUE FAIT SONGER DAVID PEACE.

ELLE

TRADUIT DE L’ANGLAIS PAR DANIEL LEMOINE.