
Auteur : Marc Bernard
Preface : Stephane Bonnefoi
Date de saisie : 17/08/2006
Genre : Litterature Etudes et theories
Editeur : Dilettante, Paris, France
Prix : 13.00 / 85.27 F
ISBN : 978-2-84263-094-2
GENCOD : 9782842630942
- Les presentations des editeurs : 14/05/2006
EXTRAIT : Une femme vend les lettres de son amant. Un soir, installee derriere un comptoir, elle paraphe d’une main que les approches de la vieillesse ont ramollie, le livre qui contient les reproductions des lettres qu’elle recut alors qu’elle etait jeune. Quelques jours plus tard, ce sont les autographes eux-memes qui seront vendus aux encheres, dans une salle bondee a craquer que la speculation enfievre. On ne met pas en vente, la, des valeurs caoutchoutieres ou des actions de la Royal Dutch, mais on tire des traites sentimentales.
Le commissaire-priseur annonce : Lettre tendre et touchante, messagere des plus delicates consolations devant le grand deuil qui atteint l’Amie. Mise a prix : cinq cent cinquante francs. Cinq cent quatre-vingts. Qui dit mieux ? Une fois, deux fois, trois fois, adjugee !
Deuxieme lot : Belle et tendre lettre sur la mort de sa mere, sur sa douleur. Mise a prix : sept cent soixante-dix francs. Qui dit mieux ?
Tout cela est tristement digne du monde chez lequel ces histoires se passent. L’instinct de monnayer est si grand chez ces gens-la qu’ils vendraient, s’ils le pouvaient, jusqu’aux traces de baisers.
Que le libraire, accompagne de sa clique de commissaires-priseurs, aille proposer a la petite bonne, endormie dans sa soupente qui balance dans le ciel, parmi les reves et la rumeur du vent, de lui acheter les quelques lettres, enlacees d’un ruban rose que ses mains crevassees ont noue, peut-etre s’apercevra-t-il que tout n’est pas a vendre.
Marc Bernard, jeune Nimois, debarque a Paris en 1923 ou il travaille a la SNCF. Parallelement, il poursuit en autodidacte son education litteraire. En 1928, Henri Barbusse lui confie la critique litteraire du nouvel hebdomadaire de gauche a vocation artistique, scientifique et sociale, Monde, qu’il vient de fonder. Marc Bernard s’y fait remarquer en livrant de courts essais, parfois intimes, souvent saignants : il n’est encore personne et se trouve d’autant plus libre. Monde, qui devient tres vite l’antichambre du Groupe des Ecrivains proletariens de Poulaille dont il est l’un des acteurs majeurs, sera durant plus de quatre ans le moyen de porter ses convictions revolutionnaires qui s’ecartent rapidement de l’orthodoxie communiste des annees 30. Il y attaque les ecrivains bourgeois (d’Aragon a Daudet), les catholiques amers (Mauriac), les mievres (Jaloux, Therive), ceux qui ont renie leurs origines (Giono), tout en exhortant les intellectuels a s’engager plus fermement (Guehenno, Berl).
Ce sont les debuts fracassants de cet ecrivain que nous donnons a lire aujourd’hui.
- La revue de presse Alain Dugrand – Le Figaro du 12 mai 2005
Gloire aux happy few, meme si, parfois, ces exclusifs en litterature meritent l’adage qui trop embrasse mal etreint… Les lecteurs de Marc Bernard, ecrivain de style, liront ses premiers entrechats de critique qu’il avait executes a Monde, la revue du leniniste Barbusse… Monte a Paris a 26 ans, le docker de Villeneuve-Triage, qui devient l’ami pour la vie de Philippe Soupault, surrealiste du premier cru, place ses critiques d’humeur chez Henri Barbusse (Goncourt 1916), l’auteur du Feu, journal d’une escouade, monument veriste qui impressionna fort – car le destin des livres est imprevisible – l’etudiant genevois Jorge Luis Borges… Les articles de Marc Bernard ne sont pas denues de fleches. Par exemple, pour l’Aragon du Traite du style, dissimule dans les joncs, sa grosse caisse a portee de la main, surveillant les ecrivains nuit et jour pour les signaler a la vindicte publique. On lira, non sans deplaisir, les critiques decochees aux epigones de Frederic Mistral, l’ancetre, aux oublies Leon Daudet, Henri Poulaille, et a un Guehenno tance pour sacrifier trop au style noble plutot qu’a la rigueur de la pensee…