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A perte de vue

Couverture du livre A perte de vue

Auteur : Aurelie Dauvin

Date de saisie : 02/10/2007

Genre : Biographies, memoires, correspondances…

Editeur : Max Milo, Paris, France

Prix : 18.90 / 123.98 F

ISBN : 978-2-35341-018-7

GENCOD : 9782353410187

Sorti le : 13/09/2007

  • Les presentations des editeurs : 05/10/2007

Vous paraitrai-je enfant si je clame cette inoubliable replique du Petit Prince de Saint-Exupery : On ne voit bien qu’avec le coeur, l’essentiel est invisible pour les yeux ?

Que diriez-vous d’evoluer dans un monde sans image, mais empli de bruits, d’echos, de presences que l’on croirait toucher ? Ce brouillard opaque, c’est celui dans lequel vit Aurelie Dauvin. Aujourd’hui, elle est professeur de francais dans un lycee. Elle apprend a ses eleves a comprendre le monde par les mots et les sensations qu’ils vehiculent. Portee par son reve d’enseigner, Aurelie s’est des l’enfance dotee d’une immense volonte d’aller au-dela de ce que les autres appelaient son handicap.

Dans un style lumineux et sensible, elle nous raconte son parcours exceptionnel et les epreuves qu’elle a du surmonter. Elle a croise sur son chemin des bonheurs simples, des regards amuses ou hostiles, des trahisons difficiles et finalement l’amour. Avec des mots d’une justesse roborative, elle nous prend par la main et nous guide dans le monde meconnu de la cecite. Plus qu’un temoignage, le recit d’un beau combat, ou chaque chapitre est une lecon de depassement de soi.

Aurelie Dauvin a 36 ans. Elle enseigne la litterature dans un lycee du nord-est de la France.

  • Les courts extraits de livres : 05/10/2007

Ouverture

A perte de vue, les souvenirs se lisent sur les photographies jaunies, cornees, colorees de poses figees ou d’instantanes vivants. C’est ainsi qu’on me les decrit et que se narrent les contes de la vie.
Est-ce un premier reve ? Un battement en echo a celui de mon coeur : c’est le coeur de mon frere, tout pres de moi, dans l’ombre encore de maman. Le coeur se tait soudain, et c’est un cri… et bientot je me sens porter dans une autre ombre, moins tiede, et qui me semble si vaste ; c’est le dehors, le monde, dans lequel perce ma voix en un cri, l’espace hospitalier plein d’une odeur d’ether, aseptise. Je me sens arrachee a un corps nourricier, comme un bourgeon detache de la branche : on a coupe le cordon ombilical ; c’est une dechirure, je n’ai plus d’attache, plus de repere, plus d’abri… Denuee de cocon, je me sens denudee. Puis un brouillard dense m’emplit tout entiere.
Ce n’est pas la voix si familiere de maman qui resonne, mais un cri qui repond a mon cri. Des mains me touchent, chaudes mais etrangeres, des mains aux gestes machinaux si differents de la tendresse d’autres mains qui se posaient auparavant sur moi, des mains a la fois proches et lointaines, dont la chaleur douce faisait vibrer le ventre maternel, notre antre. Alors, je baignais encore dans l’ombre uterine, au cote de mon frere. Des voix qui se melent, le froissement des linges, tout bruit si fort ; ce ne sont plus les sons attenues que je percevais a l’interieur, mais les bruits mecaniques et humains du dehors.
Je suis venue au monde jumelle d’un garcon qu’on portera bientot aupres de moi. Il est le premier jumeau, il pese cinquante grammes de plus que moi.
Le corps de maman ? Je ne gouterai pas tout de suite son sein, ses mains : nous ne sommes pas nes par voie naturelle et elle dormira encore un peu ; elle se repose d’avoir fait naitre deux enfants, par son ventre qu’on a dechire. Le travail a ete trop long, nous voulions sans doute sortir tous deux ensemble, toujours est-il que les medecins ont decide de pratiquer une cesarienne. Il fait presque nuit en cette fin d’ete. Une petite fille et un petit garcon ; deux foetus, deux embryons, deux bebes avaient germe, s’etaient formes, avaient pousse, blottis dans les entrailles fertiles de son printemps d’epouse.
Des pleurs en echo a ma voix : ce sont ceux de mon frere, tout pres de moi dans l’ombre du dehors. On nous a portes en chambre chaude. Nous sommes encore trop fragiles pour etre exposes tout de suite au monde ordinaire. La voix se tait soudain et je me sens apaisee. Je goute une tiedeur nouvelle, celle d’un berceau.