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Abraham le poivrot

Couverture du livre Abraham le poivrot

Auteur : Angel Wagenstein

Traducteur : Eric Naulleau | Veronika Nentcheva

Date de saisie : 17/10/2007

Genre : Romans et nouvelles – etranger

Editeur : 10-18, Paris, France

Collection : 10-18. Domaine etranger, n 4065

Prix : 8.50 / 55.76 F

ISBN : 978-2-264-04160-9

GENCOD : 9782264041609

Sorti le : 18/10/2007

  • Les presentations des editeurs : 17/09/2008

A travers le personnage de Berto Cohen, Bulgare exile en Israel qui retourne dans sa ville natale le temps d’un colloque, Angel Wagenstein ressuscite le petit monde de son enfance : Plovdiv, une ville parmi les plus belles et les plus cosmopolites des Balkans. Au gre des glissements entre present et passe, le fil rouge d’une dechirante nostalgie se mele a une affaire de speculation immobiliere, les amours enfantines a l’actualite proche-orientale, la recherche du temps perdu au portrait sans concession de la Bulgarie contemporaine. Le roman est tout entier domine par l’inoubliable figure grand-paternelle d’Abraham le Poivrot : maitre ferblantier, ivrogne celeste, affabulateur de genie et temoin privilegie de la fin d’une epoque.

Angel Wagenstein balance finement entre present et passe, burlesque et douleur, miel et poison.

Danielle Schramm, Telerama

Angel Wagenstein est ne en 1922 dans une famille juive de Plovdiv (Bulgarie) et a passe son enfance en exil a Paris. Il retourne dans son pays a la faveur d’une amnistie mais, durant la guerre, des actes de sabotage lui valent d’etre interne dans un camp de travail d’ou il s’evade pour rejoindre les rangs des partisans. Denonce, arrete, torture et condamne a mort en 1944, il ne doit son salut qu’a l’arrivee de l’Armee rouge. A la fin de la guerre, il entreprend des etudes cinematographiques a Moscou et entame une brillante carriere de scenariste et de realisateur. Il a notamment ete recompense en 1959 par le Prix Special du Jury a Cannes pour Etoiles. Angel Wagenstein vit aujourd’hui a Sofia et se consacre desormais a l’ecriture. Le Pentateuque ou les cinq livres d’Isaac est le premier volume d’un triptyque qui se poursuit avec Abraham le Poivrot (prix Alberto Benveniste 2003 et prix des Mots d’or de la traduction 2004) et Adieu Shanghai (prix Jean Monnet de litterature europeenne 2004).

  • Les courts extraits de livres : 17/09/2008

Extrait du prologue :

QUELQUES PRECISIONS HISTORIQUES PREALABLES SUR LES RACINES DE MA GRAND-MERE MAZAL, LES PARTICULARITES DE MON GRAND-PERE ABRAHAM LE POIVROT ET, ENTRE AUTRES CHOSES, LES HABITANTS DU QUARTIER DU CIMETIERE DU MILIEU.

Je couperais volontiers court aux banalites et aux verites universellement eprouvees, mais le fait est que l’arbre nait de ses racines et que son existence depend etroitement de celles-ci. Certains arbres sont du bois dont on ne peut faire que des battoirs ou des gourdins, d’autres servent a la fabrication d’objets aussi utiles que des baquets, des balancoires pour les enfants ou des trepieds, d’autres encore donnent des pipeaux ou meme des violons. Il en va ainsi, dans une certaine mesure, non seulement des arbres mais aussi des hommes. Il vaut donc la peine de mediter ce dicton qui veut que le fruit ne tombe jamais loin de l’arbre.
Pour ce qui concerne ma grand-mere Mazal, je la comparerais a un arbre pourvu de fortes racines profondement enfouies dont on ne tire que des choses utiles, tandis que de l’arbre de mon grand-pere, plus connu sous le nom d’Abraham le Poivrot, on n’obtiendrait rien d’autre qu’un tonneau destine a conserver du bon et vieux vin. Ainsi donc, les racines.

La grand-mere de ma grand-mere Mazal avait bien entendu elle-meme une grand-mere. Celle-ci, de son cote, en avait egalement une, et ainsi de suite. Cette loi genetique engendra une ronde de grands-meres, main dans la main a travers les siecles, qui commence a Tolede, sur les rives du Tage, et traverse toute l’Europe jusqu’a Plovdiv, sur les berges de la Maritza. Mes grands-meres furent tout d’abord de jeunes et jolies Juives. Mais sans qu’elles en prissent conscience, a mesure que faisait irruption une bruyante foule de petits-fils et arriere-petits-fils aux pieds nus, elles finirent bel et bien par devenir de vieilles Juives.

La kyrielle de mes grands-meres debute avec une jeune femme aux cheveux boucles et noirs comme jais, aux yeux pleins de larmes, sombres et profonds comme le premier sommeil. Elle s’accrochait des deux mains au lourd heurtoir des portes de la Juderia, le quartier juif fortifie. Animee d’une silencieuse obstination, elle refusait de le lacher. Mais il lui fera en definitive lacher prise, et comment ! son propre pere, le vieux forgeron Yohanan ben David al-Maleh, de la lignee des Ibn Daud, celebres fabricants de bougeoirs, balcons et fenetres a claire-voie au temps du califat. Et ce respectable et respecte Yohanan, membre du conseil des Anciens, finira par jucher sa fille sur un ane, en usant de quelque contrainte, il nous faut bien le reconnaitre, non denuee cependant d’une certaine tendresse paternelle. Bien que les chroniques ne mentionnent pas le nom de l’animal, prenons cependant le temps de preciser qu’il lui sera donne de perpetuer la race des anes andalous a l’autre bout du monde.