Auteur : Skander Kali
Date de saisie : 03/03/2008
Genre : Romans et nouvelles – francais
Editeur : Rouergue, Rodez, France
Collection : La brune
Prix : 15.00 / 98.39 F
ISBN : 978-2-84156-932-8
GENCOD : 9782841569328
Sorti le : 03/03/2008
L’Alinea (Martigues)Dialogues (Brest)Durance (Nantes)Maison du livre (Rodez)Mollat (Bordeaux)Ombres Blanches (Toulouse)Sauramps (Montpellier)Thuard (Le Mans)
- Le journal sonore des livres : Lu par Skander Kali – 08/02/2008
Telecharger le MP3
Skander Kali – 08/02/2008. Cette chronique a ete produite en partenariat avec l’editeur
- Les presentations des editeurs : 11/02/2008
Lorsque le roman s’ouvre, Cisse, un jeune homme d’origine africaine, meurt lynche lors d’une mutinerie en prison, pour avoir tente de proteger le directeur. Nous sommes durant l’ete caniculaire de 2003, et les crevards comme il appelle les prisonniers et donc lui-meme, ont pris pour quelques heures le pouvoir. Sa mort est donc la consequence de la plus nos mauvaise idee de sa vie : sauver un etre humain. Car sa vie, comme on va le decouvrir dans le flash-back que constitue ce roman, n’a ete placee que sous le regne de la violence.
Cisse raconte donc sa courte histoire, entre 16 et 18 ans, son histoire de monstre. Depuis toujours, une Voix l’habite, peut-etre ma conscience, peut-etre mes remords, peut-etre ma folie, peut-etre Allah ecrit-il. Car Cisse se parle, et cette Voix l’amene souvent au pire. Il nous parle de sa vie de batard, sa vie de misere a faire pleurer les assistantes sociales, car le roman joue parfois avec humour des cliches sur la banlieue. Sa scolarite ratee dans un college de Vitry, ses deambulations sur le parking d’Atac, sa famille de pauvres negres, l’amour delirant qu’il porte a une monitrice de colonie rencontree durant l’ete, Mademoiselle Baudricourt. Cisse se voit comme appartenant a la foule des crevards, en marge de la France blanche. Son premier veritable acte de violence, c’est contre lui-meme qu’il l’exerce, en s’immolant devant son prof de francais, M. Traore, qui, avec sa grosse voix d’Africain, a eu le tort de lui faire etudier Le Cid et la distinction entre sang pur et impur. Sa difference, il la porte desormais sur son visage de grand brule, a la peau fripee comme du chewing-gum crame, qui l’oblige a se dissimuler sous une capuche et des lunettes noires. Jusqu’a sa mort, sous un escalier de la prison en flammes, il persiste pourtant a crier sa Verite, sa Voix ne renonce pas, sa Voix qui se deroule comme une vague et donne au roman son energie.
Skander Kali a 37 ans. Enseignant, il habite Paris. Il a vecu 27 ans a Vitry ou se deroule son roman. Il lit Yourcenar, Bove et Pete Dexter. Abreuvons nos sillons est son premier roman.
- Les courts extraits de livres : 12/02/2008
[…] Le soir ou des batards avaient mis le feu au rayon charcuterie d’Atac, j’etais chez moi.
Je reflechissais a ce baratin de sang impur.
De la fenetre de ma chambre, je regardais les flammes jaunes et orange. Des pompiers avaient rapplique. Des CRS aussi. Les gueux s’etaient mis a devaliser le reste du supermarche malgre l’incendie. Ils se sauvaient avec des cafetieres et des couches-culottes.
Sur le trottoir de l’avenue des tas de gens hurlaient avec les sirenes.
Ca brulait.
Ca illuminait les immeubles de la cite. Je n’etais pas etonne. Personne n’etait etonne. Parce que le feu est partout. Dans la monotonie, dans la nausee, dans la glande. Dans la folie des gens qui disent une chose et en font une autre. Le feu est la, dans chacune des choses. Et il n’y a qu’a attendre lentement que les braises deviennent des flammes et que les centres commerciaux se consument en cendres. Et ce feu-la, celui qui eclairait le monde depuis toujours, etait en moi. Il ne demandait qu’a s’allumer.
Je me suis couche en regardant ca et je crois bien que ce fut la pire nuit de ma foutue vie. Mais aussi la plus paisible, dans la mesure ou j’ai compris en observant cette misere que tout etait definitivement fini pour moi. Les des avaient ete pipes et jetes. Je n’avais jamais vu d’incendie auparavant. Mais tout ce que je comprenais, c’etait que ces flammes-la brulaient en moi depuis longtemps. Depuis toujours peut-etre.
Sur le Coran, c’est tres etrange ce genre de nuit, entre le feu, les camions de pompiers, les cris et les coups. Les flammes de l’Enfer, c’est l’endroit ou brulent les batards. C’est la punition du sang impur, des crevards et des vilains. C’est pour ca qu’il y a toujours quelque chose qui flambe quelque part en France. Des bagnoles, des colleges, des gymnases, des ecoles maternelles, des forets. Les gens se savent impurs. Tout ce qu’ils veulent, c’est une forme de purification. Rien ne vaut les flammes lorsqu’on veut eradiquer un virus. Il nous restait que ca, en fait : la purification par le feu.
C’etait exactement ca : aussi surement que la pourriture qui est en nous, la flamme de la destruction doit bruler notre peche. Celui d’exister.