
Auteur : Russell Banks
Traducteur : Pierre Furlan
Date de saisie : 18/08/2006
Genre : Romans et nouvelles – etranger
Editeur : Actes Sud, Arles, France | LEMEAC, Montreal, Canada
Collection : Lettres anglo-americaines
Prix : 24.00 / 157.43 F
ISBN : 978-2-7427-5690-2
GENCOD : 9782742756902
- Les presentations des editeurs : 14/05/2006
A cinquante-neuf ans, Hannah Musgrave fait retour sur son itineraire de jeune Americaine issue de la bourgeoisie aisee de gauche que les peripeties de son engagement revolutionnaire avaient conduite, au debut des annees 1970, a se “planquer” en Afrique. Ayant tente sa chance au Liberia, la jeune femme a travaille dans un laboratoire ou des chimpanzes servaient de cobayes a des experiences sur le virus de l’hepatite, pour le compte de societes pharmaceutiques americaines. Tres vite, elle a rencontre puis epouse le Dr Woodrow Sundiata, bureaucrate local appartenant a une tribu puissante et promis a une brillante carriere politique. Quelques annees plus tard, elle est brusquement rentree en Amerique, laissant la leurs trois enfants, fuyant la guerre civile qui enflammait le pays. Au moment ou commence ce livre, Hannah quitte sa ferme “ecologique” des Adirondacks, car ce passe sans epilogue la pousse a retourner en Afrique… Evocation passionnante d’une turbulente periode de l’histoire des Etats-Unis comme du destin d’un pays meconnu, le Liberia, le roman de Russell Banks tire sa force exceptionnelle de la complexite de son heroine, et d’un bouleversant affrontement entre histoire et fiction. Petite enfant gatee de l’Amerique rattrapee par la mauvaise conscience en meme temps qu’universelle incarnation de toute quete d’identite en ses tours et detours, mensonges et aveux, erreurs et repentirs, Hannah Musgrave est sans doute l’une des creations romanesques les plus fascinantes du grand ecrivain americain.
Ne en 1940, Russell Banks, sans conteste l’un des ecrivains majeurs de sa generation, est membre de la prestigieuse American Academy of Arts and Leiters. Apres Wole Soyinka et Salman Rushdie, il a assure la presidence du Parlement international des ecrivains de 1999 a 2004. Il est aujourd’hui le president fondateur de The North American Network of Cities of Asylum, qui s’est donne pour mission d’etablir, dans le monde entier, des lieux d’asile pour des ecrivains menaces ou en exil. En France, toute l’oeuvre de Russell Banks est publiee par Actes Sud.
- La revue de presse Andre Clavel – L’Express du 27 octobre 2005
A 16 ans, Russell Banks se prenait pour Kerouac. Ce fils de prolos a donc pas mal crapahute a travers l’Amerique, et le diamant qui etincelle aujourd’hui a son oreille nous rappelle qu’il fut un garcon assez allume. Il adorait fuguer et il lui arriva de voler quelques voitures, pour fuir son alcoolo de pere et echapper au carcan d’une vie de chien battu. Ca ne l’a pas empeche d’en baver. Et de collectionner les jobs minables avant de rencontrer – au debut des sixties – Nelson Algren, qui lut ses premiers textes et l’encouragea a ne pas baisser la garde. Il avait senti que le jeune Banks n’ecrivait pas pour frimer, mais par necessite : pour lui, la litterature fut d’abord une therapie, afin, dit-il, de rendre coherent ce qui ne l’etait pas, et de mettre un peu d’ordre dans le chaos de mon existence… Le nouveau roman de Banks, American Darling, est encore une histoire de desillusions et d’amertume. Mais l’ecrivain, cette fois, elargit sa palette : il abandonne les grisailles poisseuses de l’Amerique profonde – une grande partie du recit se situe en Afrique – pour brosser, contrairement a ses habitudes, l’eblouissant portrait d’une femme nee sous la bonne etoile. Cette femme, c’est Hannah Musgrave… Qu’il peigne l’Afrique apocalyptique des guerres civiles ou qu’il demonte le chateau de cartes des utopies revolutionnaires forgees par l’Amerique des annees Nixon, Banks ne menage pas les effets speciaux pour raconter les tragiques desarrois d’un siecle deboussole. Avant que son heroine ne retourne sur sa terre natale, a tout jamais desenchantee… American Darling: un roman magistral, aux allures de requiem.
- La revue de presse Martine Laval – Telerama du 12 octobre 2005
… American Darling plonge dans les abimes des relations humaines – amour, amitie, loyaute -, mais sans jamais juger : Hannah et les autres sont des reveurs, des fragiles, malmenes par l’air du temps. American Darling est avant tout un roman politique. Deja, dans ses precedents ouvrages (Pourfendeur de nuages, Survivants…), Russell Banks denoncait la haine, Blancs contre Noirs. Aujourd’hui, il rappelle – ou apprend – au lecteur les liens pervers qui unissent les Etats-Unis et le Liberia, la ou volontairement il fait echouer sa narratrice. Une fois encore, l’ex-professeur restitue avec clarte un bout d’histoire : La question raciale, depuis toujours, est la colonne vertebrale de l’histoire des Etats-Unis. Le Liberia est une invention demente, une alliance qui n’aurait jamais du exister entre Americains du Nord et du Sud. Leur but : debarrasser le sol americain de sa population noire. Entre 1820 et 1870, 70 000 Afro-Americains, fils d’esclaves de cinquieme ou sixieme generation, ont ete renvoyes dans cette partie de l’Afrique de l’Ouest. Avec bien sur un programme de civilisation chretienne a faire advenir… Mais les rapports dominants-domines ont vite ete reproduits. Le Liberia est meme devenu un Etat esclavagiste, Afro-Americains contre Africains. Il est effarant de voir a quel point les Americains ignorent tout cela, et meme le carnage en 2003 entre rebelles et forces gouvernementales, la tragedie des enfants soldats……
- La revue de presse Baptiste Liger – Lire, d’octobre 2005
On oppose souvent le droit du sol et le droit du sang, l’attachement au territoire et les liens filiaux. S’il est un ecrivain americain qui reunit aujourd’hui, jusque dans leurs plus sombres ambiguites, la terre et la famille, c’est bien Russell Banks. Dans le sillage d’un Faulkner, d’un London, d’un Dos Passos ou d’un Steinbeck, ce sexagenaire a l’allure bonhomme observe le destin d’anonymes passant moins de temps chez la manucure que dans le cambouis, ces second class citizen pour qui le reve americain n’a pas ete offert par le marchand de sable. Ces gens dits simples, il les connait bien, Russell Banks. Issu de la classe ouvriere du New Hampshire, il a ete le premier enfant de sa famille a entamer de longues etudes. Alors que se dessinait sa grande carriere d’ecrivain et d’universitaire, il a multiplie les petits jobs et les destinations, de la Jamaique au Canada… L’heroine d’American Darling, son dernier roman, peut surprendre. Au depart, on n’ose imaginer personnage moins banksien que cette etonnante Hannah Musgrave. Refugiee dans une ferme, cette femme proche de la soixantaine se rememore sa jeunesse doree. Fille unique d’un docteur, la jeune femme, au destin de medecin programme, s’engage contre la guerre et rejoint le Weather underground, groupuscule cherchant a faire tomber Nixon quitte a utiliser la violence… Recherchee par les autorites, Hannah part pour le Liberia. Dans cette contree plutot hostile, la refugiee debute une nouvelle vie. Son travail dans un laboratoire ou l’on teste des produits sur des chimpanzes va placer Hannah face a un cas de conscience. Les evenements et la violence vont rattraper tous les personnages, jusqu’en 2001, annee o combien symbolique…
- La revue de presse Fabrice Pliskin – Le Nouvel Observateur du 6 octobre 2005
… Apres le magnifique Pourfendeur de nuages, ou Banks narrait l’epique et sanguinaire sedition de l’antiesclavagiste blanc John Brown (1800-1859), voici donc l’histoire d’une autre revoltee. Apres le terroriste patriarche, la terroriste second couteau, inconnue au bataillon de l’histoire. Fille unique d’un pediatre de gauche fameux pour ses ouvrages comme pour son combat contre la guerre au Vietnam, produit parfaitement usine d’une vieille lignee puritaine de Nouvelle-Angleterre, lectrice de Fanon et de Regis Debray, Hannah Musgrave a rejoint le Weather Underground, ce mouvement clandestin fonde en 1969 qui prone la violence pour renverser Nixon. Son principe politique : Mon pays, mon ennemi. Son credo erotique : coucher avec des Noirs, des juifs ou des femmes, n’importe qui pourvu qu’il ne soit pas comme papa, dit-elle avec une ironie retrospective… Hannah fuit au Liberia, ou elle epouse le ministre delegue a la Sante, dont elle aura trois enfants. Si ce pays d’Afrique de l’Ouest fascine tant l’auteur, c’est par son lien pervers avec les Etats-Unis : en 1825, le nombre croissant des esclaves liberes dans les rues de Philadelphie ou de Boston inquiete les Blancs. La Societe de Colonisation americaine decide d’envoyer 50 000 de ces chretiens a la peau brune au Liberia, non sans leur consentement. La, ces Noirs americains assujettissent les Africains et reproduisent le vieux systeme des surveillants de plantations elabore dans le sud des Etats-Unis… Rien n’exige que la main qui tient le fouet soit blanche.
Conteur impeccable, Banks chronique la vie au Liberia moderne, cette officine de change devolue aux pots-de-vin de palme de la corruption universelle…
- La revue de presse Bruno Corty – Le Figaro du 6 octobre 2005
Apres bien des annees ou j’ai cru que je ne revais plus jamais de rien, j’ai reve de l’Afrique. C’est arrive une nuit de la fin du mois d’aout, ici, dans ma ferme de Keene Valley… C’est le debut du nouveau Russell Banks. Karen Blixen n’est pas loin. Le lecteur appate doit pourtant se mefier. Ici, pas de savane a perte de vue ; pas de lions se prelassant sous les acacias. Pas de guerriers massais ni de fideles Kikuyus. Pas de baronne et pas de bel aviateur casse-cou.
L’Afrique de l’auteur d’Affliction, de Trailerpark, de Continents a la derive, est plutot celle des presidents megalomanes, de la corruption, des machettes rouillees et des enfants soldats au regard vide. Nous sommes au Liberia, des annees 70 a nos jours. Une terre derobee par les Americains au debut du XIXe siecle pour y installer leurs anciens esclaves. Lesquels deviendront, a leur tour, les maitres des populations autochtones, confisquant pouvoir et richesses jusqu’a la fin de la Seconde Guerre mondiale. Une histoire peu connue dont les Americains ne se vantent pas… Hannah est un personnage fascinant et nouveau dans l’univers de Banks qui, jusque-la, a plutot choisi de mettre en scene des hommes, de tout age, issus de l’Amerique blanche populaire. Cette femme revenue de tout, et surtout de l’enfer liberien, se penche sur la jeune idealiste qu’elle fut… Au fil de son recit complexe, parcouru de zones d’ombre, de non-dits, Hannah aboutit a ce constat cruel que toute sa vie n’a ete qu’illusions, un cocktail de belles idees, de slogans lapidaires, de vent. Hannah doit s’avouer qu’elle n’a toujours ete qu’une coquille vide, seche. Elle a couche avec des hommes, des femmes, mais n’a aime personne… Sur 400 pages denses, on suit une femme mysterieuse qu’on aimerait bien ne pas detester mais qui fait tout pour nous contrarier. Comme si elle voulait, a toute force, payer le prix de ses erreurs, expier ses peches. L’Amerique revoltee des annees 60, le Liberia survolte des quatre dernieres decennies ont fourni au magnifique conteur Banks le decor d’une tragedie qui s’acheve a l’aube du 11 septembre 2001. Un cauchemar chasse l’autre. Mais c’est bien la perte de l’innocence, de la liberte, des etres chers, qui hante l’ecrivain au sommet de son art.
- La revue de presse Raphaelle Rerolle – Le Monde du 7 octobre 2005
En France, ou l’adjectif “engage” ne fait plus tres bon menage avec le mot “ecrivain”, le profil de Russell Banks a de quoi surprendre. Et pas seulement a cause du discours de cet Americain de 65 ans, ancien militant d’extreme gauche, membre actif du mouvement de lutte contre la guerre du Vietnam, longtemps president du Parlement international des ecrivains, et farouche opposant au gouvernement Bush. Non, ce qui peut chatouiller l’esprit d’un lecteur francais, persuade que l’engagement nuit a la litterature presque aussi surement qu’une bonne crampe ou qu’une epouvantable myopie, c’est l’extraordinaire qualite, la liberte, la lucidite, le souffle romanesque de cet auteur qui publie, ces jours-ci, le plus engage de ses textes – et sans doute le meilleur… La plupart de ses livres, depuis le debut, portent la marque de son desir d’evacuer les faux semblants, d’aller chercher ses concitoyens la ou les paroles creuses, le puritanisme, le nationalisme ou la fievre de consommation risquent de les endormir. Que l’on pense a De beaux lendemains, porte a l’ecran par Atom Egoyan en 1997 ou a Trailerpark, pour ne citer que ceux-la (Actes Sud, “Babel” n 294 et 348). Et naturellement a American Darling, ou une jeune gauchiste blanche americaine, Hannah Musgrave, passe d’un militantisme largement fantasme aux realites de l’Afrique, devastee par le colonialisme et la corruption… Encadre par des references plus ou moins allusives aux attentats du 11-Septembre (l’histoire commence a la fin du mois d’aout 2001), le roman se tient en equilibre au bord d’un gouffre de peurs et de violence qui risquent de tout submerger. Et cherche, d’une certaine maniere, la reponse a cette question lancinante : que s’est-il passe pour que les choses se detraquent de la sorte ? “De quoi ont peur les Americains, cette nation si puissante, si privilegiee ?” demande Russell Banks. La reponse n’est pas flatteuse et porte une charge de violence terrible : “Les Americains, dont l’histoire a demarre sur un conflit racial, savent inconsciemment qu’ils ont ete concus dans le sang et dans le vol, qu’ils vivent dans un pays vole”,… Le propos, dans sa virulence, pourrait faire craindre que le recit ne bascule dans la caricature l’endroit ou engagement et litterature se fachent irremediablement.
Pourtant, il n’en est rien : le roman retablit de la complexite, la ou le discours l’avait evincee. Loin de presenter une vision univoque de l’Histoire, Russell Banks cherche surtout a en rendre la complexite, sans donner le beau role a quiconque…