Auteur : Roberto Bolano
Traducteur : Emile Martel | Nicole Martel
Date de saisie : 31/05/2008
Genre : Romans et nouvelles – etranger
Editeur : Serpent a Plumes, Paris, France
Collection : Motifs, n 314
Prix : 6.50 / 42.64 F
ISBN : 978-2-268-06552-6
GENCOD : 9782268065526
Sorti le : 29/05/2008
- Les presentations des editeurs : 17/09/2008
En septembre 1968, pour echapper a la police qui envahit l’universite de Mexico, Auxilio Lacouture, Uruguayenne amie des poetes et de la poesie, se cache au quatrieme etage de la faculte de philosophie et lettres et passe treize jours et treize nuits dans les toilettes des femmes. J’etais a la faculte ce fameux 18 septembre quand l’armee viola l’autonomie de l’universite et entra sur le campus pour arreter ou tuer tout le monde.
Dans cet isolement, elle raconte son histoire, dans un vaste recit qui mele passe et futur, evoquant les jeunes gens qu’elle a connus a l’universite – generation bientot sacrifiee, et les evenements de ces annees troubles qu’elle a traversees comme une ombre.
Roberto Bolano, poete et romancier chilien (1953-2003) est un des ecrivains latino-americains les plus admires de sa generation. Ne a Santiago du Chili, il a fuit son pays en 1974. Il a ensuite beaucoup erre : au Mexique, en France, en Belgique, en Italie, au Portugal, en Suede… avant de s’installer pres de Barcelone, avec son epouse catalane et ses enfants. Il a recu en 1997 le prix le plus important de son pays, le Prix Herralde en 1998 et le Prix Romulo Gallegos, le plus prestigieux d’Amerique latine, en 1999. La plupart de ses ouvrages sont traduits aux Editions Christian Bourgois.
Traduit de l’espagnol (Chili) par Emile et Nicole Martel
- Les courts extraits de livres : 17/09/2008
CA VA ETRE une histoire de terreur. Ca va etre une histoire policiere, un recit de serie noire, et d’effroi. Mais ca n’en aura pas l’air. Ca n’en aura pas l’air parce que c’est moi qui raconterai. C’est moi qui parlerai et, a cause de cela, ca n’en aura pas l’air. Mais au fond, c’est l’histoire d’un crime atroce.
Je suis l’amie de tous les Mexicains. Je pourrais declarer : je suis la mere de la poesie mexicaine, mais c’est mieux que je ne le dise pas. Je connais tous les poetes et tous les poetes me connaissent. Je pourrais donc le dire. Je pourrais affirmer : je suis la mere et il y a un foutu zephyr qui court depuis des siecles, mais c’est mieux que je ne le dise pas. Je pourrais dire, par exemple : j’ai connu Arturito Belano quand il avait dix-sept ans et c’etait un enfant timide qui ecrivait du theatre et de la poesie et qui ne savait pas boire, mais ce serait d’une certaine maniere une redondance et on m’a enseigne (on m’a appris avec un fouet, avec une baguette en fer) que les redondances sont de trop et qu’il faut s’en tenir a l’argument.
Ce que je peux dire, c’est mon nom.
Je m’appelle Auxilio Lacouture et je suis uruguayenne de Montevideo, meme si, quand les crus me montent a la tete, les crus de l’etrangete, je dis que je suis charrua, ce qui revient au meme, quoique ce ne soit pas la meme chose, et que cela confonde les Mexicains, donc tous les Latino-Americains.
Mais ce qui importe, c’est qu’un jour je suis arrivee a Mexico sans savoir vraiment pourquoi, ni dans quel but, ni comment, ni quand.
Je suis arrivee a Mexico Distrito Federal en 1967, ou peut-etre en 1965 ou 1962. Je ne me souviens deja plus ni des dates ni de mes peregrinations, tout ce que je sais, c’est que je suis arrivee au Mexique et que je n’en suis jamais repartie. Voyons voir, que j’essaie de me rappeler. Etirons le temps comme on etire la peau d’une femme inconsciente dans une salle d’operation de chirurgie esthetique. Voyons. Je suis arrivee au Mexique alors que Leon Felipe vivait encore, quel colosse, quelle force de la nature, et Leon Felipe est mort en 1968. Je suis arrivee a Mexico quand Pedro Garfias vivait encore, un si grand homme, si melancolique, et don Pedro a disparu en 1967, ce qui veut dire qu’il faut que j’y aie ete avant 1967. Disons donc que je suis arrivee au Mexique en 1965.