
Auteur : Caroline Ha Thuc
Date de saisie : 04/11/2007
Genre : Romans et nouvelles – francais
Editeur : Ragage, Neuilly-sur-Seine, France
Prix : 18.00 / 118.07 F
ISBN : 9782915460483
GENCOD : 9782915460483
Sorti le : 04/11/2007
- Les presentations des editeurs : 17/09/2008
La guerre, la violence, l’injustice sont partout. Et que fait la menagere ? La menagere continue a eplucher son concombre. Pire : au lieu de s’engager, de se politiser et de lutter contre les dereglements de la societe, elle se paye quelques moments de bonheur entre sa poubelle a couches et le supermarche.
A cote d’elle, heureusement, des individus responsables se sentent complices d’un monde en perdition. Destabilises par un quotidien vide et morose, ils revent de changement sans l’assumer, reclament des revolutions depuis leur canape, et se bourrent de tranquillisants face a la tele.
Car c’est la-bas, dans le petit ecran, que se joue la vraie vie, et non dans ce Disneyland geant qu’est devenue la realite.
A moins qu’il n’y ait plus de realite du tout, qu’on soit entres dans des mondes paralleles et inconsistants, aux formes plates et aux odeurs de bonbons chimiques.
Quelle desagreable experience !
Il faut le reconnaitre : la vie d’aujourd’hui est devenue bien penible. Loisirs a gogo, libertes en veux-tu en voila, et avec ca rien a faire pour occuper tout ce temps qui s’allonge et ces vies qui n’en finissent plus. On serait plus a l’aise enchaines, fouettes, contraints. Mieux : carbonises et disperses au vent parmi l’humus sauvage. (Dieu qu’il sent bon, cet humus.)
Face a l’alienation generale, ces quatre petits textes posent la question de l’etre au monde aujourd’hui. Avec humour, ils cherchent a destabiliser le lecteur, sans pour autant le provoquer, creusant simplement quelques percees incongrues dans son quotidien pour en faire sortir ce qu’il a d’inavoue, parfois aussi de plus humain. Entre le suicide assiste et l’origine du camembert coulant, la depression et la tondeuse a gazon, il s’agit d’exercer notre desir de comprendre et de s’emerveiller encore de l’eternelle complexite humaine.
Pour tout vous dire, l’essentiel consiste a faire du sport et a manger equilibre.
- Les courts extraits de livres : 17/09/2008
On a longtemps cru que le lemming avait des tendances suicidaires. Pendant des annees, perplexes, on a observe, note, photographie et commente le saut mortel de ce petit rongeur capable de se jeter dans la mer bouillonnante.
Ils arrivaient par centaines, tous plus motives les uns que les autres, poussant par derriere, poussant par devant. Parvenus en haut de la falaise, au sommet de l’iceberg (le lemming vit dans les regions boreales), ils accomplissaient allegrement le grand saut sans aucun etat d’ame.
Sublime.
Helas, des chercheurs ont brise depuis peu le mythe du rongeur lucide ou neurasthenique, et mille savantes raisons ont ete trouvees pour justifier ce suicide collectif. Erreur de jugement (la mer confondue avec un vulgaire cours d’eau), mouvement de foule (les derniers poussant les premiers dans le vide) ou laxisme de nos scientifiques victimes d’une pause kitkat (les lemmings, en realite, regagneraient tous la rive un peu plus tard, apres s’etre offert une bonne partie de peche en groupe).
En tout etat de cause, le lemming ne se suicide pas, pas plus que les chats dans l’ancienne Egypte, comme le croyait Herodote, ni meme les scorpions menaces par les flammes.
L’homme conserve le privilege de se donner volontairement la mort. C’est meme, parait-il, un argument en faveur de sa superiorite sur l’espece animale.
Alan Leinster a voulu prendre le ferry. Voir la mer et les falaises blanches s’eloigner dans le vent, s’enfoncer dans le flou d’un paysage embue.
Il est tout en haut du bateau, seul au milieu des touristes. Des groupes se prennent en photo puis rentrent au chaud boire un cafe ou avaler une saucisse grasse. Alan, lui, se cramponne. Le cou a l’air, inconfortablement assis sur un banc sale, il contemple le ciel en attrapant froid.
Le cadrage est assez beau et les embruns forment de petites etoiles lumineuses au coin de l’image, lui conferant une teneur artistique a laquelle Alan tient particulierement. Plissant les yeux, il fredonne pour lui-meme le IVe mouvement de la Ve symphonie de Mahler, se sentant tout a fait dans la peau de Dirk Bogarde dans Mort a Venise.
Tandis qu’une rafale de vent fait s’envoler son echarpe en cachemire, la camera s’approche du banc et resserre le plan autour de lui, sans toutefois trop s’en approcher. L’homme, qui fetera dans quelques jours ses soixante-dix ans, montre quelques signes exterieurs de vieillesse et, malgre le fond de teint prealablement etale sur l’ensemble de son visage et de son cou, de larges rides viennent sillonner sa peau et creuser desavantageusement ses traits.