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Au-dela de l’image : une archeologie du visuel au Moyen Age (Ve-XVIe siecle)

Auteur : Olivier Boulnois

Date de saisie : 05/06/2008

Genre : Philosophie

Editeur : Seuil, Paris, France

Collection : Des travaux

Prix : 26.00 / 170.55 F

ISBN : 978-2-02-096647-4

GENCOD : 9782020966474

Sorti le : 20/03/2008

  • Les presentations des editeurs : 06/06/2008

A quoi bon des images ? Peuvent-elles nous faire acceder a l’essentiel ?
Pour explorer ces questions, ce livre analyse les differentes theories formulees pendant un long Moyen Age, qui va d’Augustin au Concile de Trente. Les concepts de trace, de symbole, de ressemblance, d’image mentale, de figure materielle construisent, dans une confrontation permanente avec la parole et l’ecriture, les structures souples mais coherentes de la representation. Objets de memoire et de recit, de meditation et de visualisation, d’usage et de veneration, les images appartiennent alors a une histoire des formes de la verite.
Pourtant les penseurs medievaux admettent aussi que l’essentiel (la pensee et le divin) est invisible pour les yeux. Ils orientent l’image vers ce qui la depasse. Travaillee par l’opposition entre ressemblance et non-figuration, la doctrine de l’image enchaine ainsi conflits et crises. Au cours de cette histoire tumultueuse, l’art, la philosophie et la theologie s’entrecroisent. Et peu a peu s’affirment la visibilite de Dieu, l’exaltation du contemplateur, et la souverainete de l’artiste – le triomphe du visible, si proche de notre modernite.
L’image medievale n’appartient pas seulement a l’histoire de l’art, elle nous donne aussi a penser.

Olivier Boulnois est directeur d’etudes a l’Ecole pratique des hautes etudes.

  • La revue de presse Nicolas Weill – Le Monde du 6 juin 2008

Depuis l’invention par le philosophe allemand Baumgarten, disciple de Leibniz, de la notion d'”esthetique” (1750), la categorie d’image est pensee exclusivement dans le cadre du systeme des beaux arts a partir du primat de la sensibilite et de l’idee du beau. L’enquete philosophique d’Olivier Boulnois nous propulse au contraire avant cette separation des disciplines. La reflexion sur l’image, alors, n’avait pas encore sa place assignee sur une branche annexe de l’arbre de la philosophie : elle constituait un enjeu metaphysique, et l’art etait un savoir sur l’homme dans sa capacite a connaitre Dieu plutot qu’une realisation pratique…
La reconstitution de ces polemiques complexes aboutit a montrer que les prises de position sur le role de l’image ne servent pas tant a distinguer le christianisme de l’islam ou du judaisme, qu’a mettre en lumiere des polarites internes a la foi chretienne. Il s’agit d’un probleme religieux, et non d’une question identitaire. Les affrontements entre “iconoclastes” et “iconodules” ont ete certes moins virulents dans le monde latin que dans le christianisme byzantin. Ils n’en traversent pas moins aussi la chretiente latine. Il y a bien dans le catholicisme la double continuite d’une mefiance a l’egard de la representation de l’invisible et d’une exaltation de la visibilite de Dieu.

  • Les courts extraits de livres : 02/04/2008

Extrait de l’introduction :

Homo in imagine ambulat. L’homme marche dans l’image, dit un Psaume (38, 71). Nous vivons environnes d’images. Elles nous portent, nous charment ou nous decoivent. Pourtant, l’image n’est pas la chose meme. Elle hesite entre verite et vanite. En visant le monde par l’image, l’homme accede a la verite ; en perdant le monde dans l’image, il s’egare dans la vanite : L’homme marche dans l’image de la verite, et il est trouble par le conseil de la vanite, dit saint Augustin, indiquant aussi qu’il n’existe pas pour lui de symetrie entre les deux termes : l’image s’oriente d’abord d’elle-meme vers la verite, elle n’est troublee et ne tombe dans la vanite que pour une raison etrangere. Longtemps, la question de l’image fut celle de la verite. Et c’est du point de vue d’une histoire de la verite, d’une histoire de ses formes, que j’entends etudier l’image, que j’espere faire apparaitre ses diverses significations. Precisement, en quoi consiste son etre propre, son imaginalite ?
L’image represente des objets. Mais qu’est-ce que representer ? Nous croyons le savoir : les deux termes, l’objet reproduit et l’image qui en tient lieu, se laissent designer par le langage et concevoir par la pensee. Pourtant, cette difference ne peut etre apercue qu’en pensee, car l’image est d’abord un objet, qui s’impose dans son evidence propre. Elle est. Et en meme temps laisse etre, la, au plus incandescent de sa presence, la chose meme a laquelle elle renvoie. Mais quelle chose ? L’image manifeste-t-elle la verite ou y fait-elle obstacle ? Qu’est-ce qui la fait reconnaitre comme telle ? Est-ce l’ensemble plus ou moins net des figures, des contours materiels ? La touche vibrante des couleurs ? Sont-ce nos representations mentales qui investissent tour a tour la forme de l’original et celle de la copie pour instituer leur ressemblance ? Fonctionne-t-elle selon un arbitraire systeme de signes ?
L’etude presente porte sur la constellation des debats autour de cet enonce fondamental : L’image renvoie a un objet. Car il ne suffit pas, pour penser l’image, de s’en tenir aux deux termes, image et objet, comme si leur relation en decoulait automatiquement, comme si ce rapport les laissait intacts, et si leur correspondance obeissait a des regles immuables. C’est pourtant ce que propose la theorie moderne de la perspective : l’objet est cense dicter les conditions de sa representation. Certes, la perspective artistique a un fondement scientifique ; elle repose sur des regles rigoureuses de projection et de correspondance terme a terme. Mais les principes de l’optique ne s’imposent pas a toute image faite de main d’homme ; le Moyen Age connaissait deja la perspective comme science mais n’y soumettait pas ses oeuvres. De surcroit, il n’est pas necessaire que toute relation entre l’image et l’original soit une relation de ressemblance ; une image deformee, monstrueuse ou defiguree reste une image. Enfin, la relation de l’image a l’original se dit en plusieurs sens : l’image peut rendre l’objet present, fonder sa memorisation dans l’esprit, en livrer un equivalent symbolique, soutenir sa veneration, etc. Autant de modes d’etre de l’image, autant de manieres de viser l’objet, qu’il faudra examiner et decrire distinctement. De surcroit, un meme support peut etre le lieu de plusieurs relations : utilite, ressemblance, narration, veneration, etc., peuvent s’appliquer au meme objet. Enfin, dans certains cas limites, l’un des extremes fait defaut : lorsque la forme ne renvoie pas a un objet et se fait motif decoratif; quand la place de l’image est laissee vide, mais que son signifie, si transcendant qu’on ne peut se le representer, est indique par le cadre et le contexte.
En limitant mon etude au statut de l’image dans la pensee medievale, j’ecarterai d’abord les faits : la description des images, l’iconographie et l’histoire des formes. Je chercherai a retracer, a partir des textes qui les transmettent, les discutent et les remanient inlassablement, l’histoire des doctrines de l’image au Moyen Age. Je me limiterai de surcroit a l’Occident latin. Je souhaite eviter deux approches : la domination moderne de la question de la perspective, la problematique byzantine de la veneration de l’icone. Ce double choix repose sur une constatation. La pensee byzantine de l’icone, centree sur une theologie de la veneration, commence a etre bien connue. Les pratiques iconographiques dans le monde latin font l’objet d’innombrables et excellents travaux. Mais la theorie de cette pratique, qui tantot la fonde et la structure, tantot la considere apres-coup, est surtout etudiee – par analogie avec la theologie byzantine de l’icone ou par reference aux debats de la Reforme – sous le seul angle de la theologie de la veneration. Or j’espere montrer que cette question n’est pas premiere pour le monde latin (meme si elle est importante) : la theologie de l’icone a ete successivement rejetee, refoulee, puis remodelee pour devenir acceptable a une pensee occidentale qui s’inscrivait dans d’autres coordonnees. Car c’est le socle de la doctrine occidentale, la structure propre de sa pensee, que je cherche a degager.