Auteur : Marie Depusse
Date de saisie : 10/10/2007
Genre : Litterature Etudes et theories
Editeur : Hermann, Paris, France
Collection : Lectures
Prix : 19.00 / 124.63 F
ISBN : 978-2-7056-6704-7
GENCOD : 9782705667047
Sorti le : 12/10/2007
- Les presentations des editeurs : 17/09/2008
Beckett regrettait qu’on ne porte pas a son oeuvre l’attention microscopique qu’on portait en general a sa vie. Manie Depusse comble, avec le present ouvrage, cette lacune : prendre Beckett au pied de la lettre et proposer une lecture inedite de son oeuvre dans un exercice qu’elle appelle corps a corps.
Quelque chose ici presque se retourne. C’est la vie, la vie de tous les personnages-lettres de Beckett, selon l’expression de Marie Depusse, qui soudain nous requiert, et anime de leur etrange lumiere celle de Samuel Becket. Un corps a corps, qui ne possederait pas la meme tonalite si elle n’avait pas connu Samuel Beckett.
Marie Depusse reussit ainsi a nous presenter un Becket vivant qui continue a nous interpeller avec une etonnant proximite.
Marie Depusse est ecrivain. Elle a longtemps enseigne la litterature a l’universite Paris 7, dans les prisons ou, encore aujourd’hui, a la clinique psychiatrique de La Borde. Les Morts ne savent rien [POL, 2006) est son dernier livre publie.
- Les courts extraits de livres : 17/09/2008
ECOUTE LES FEUILLES
Beckett lisait les textes qu’il aimait a ses amis, ou plutot, il les recitait, comme il touchait un piano. Il ne faisait pas de commentaires.
Je n’ai donc pas d’indication qu’il aurait apprecie ce travail. Il y a seulement l’aveu que fait James Knowlson, au debut de son enorme biographie, d’avoir recule, une premiere fois, devant la possibilite de l’ecrire : Je refusai apres que Beckett m’eut fait part de ses reticences et de son espoir de voir non pas sa vie mais son oeuvre ainsi analysee au microscope.
Mon travail est une suite de lectures attentives, sinon microscopiques, de textes de Beckett, regroupees selon des chemins qui donnent leurs noms aux chapitres. Le parloir, Chanter, D’un asile l’autre… Les textes sont cites sur le chemin, sans ordre chronologique. Aux lecteurs d’aller voir dans Molloy, L’Innommable, ou Compagnie, comment c’est.
Comme l’editeur me demandait un titre, j’ai dit corps a corps. Les mots ne me seraient pas venus si je n’avais rencontre Beckett, vivant. Ce grand homme si elegant a la parole lissee par une courtoisie imprenable, qu’il abandonnait quand il le voulait, pour rire avec les yeux, raconter une histoire inverifiable ou vous lacher pour aller au piano. J’ai toujours a faire a cet homme vivant. Dans une familiarite tres peu dicible.
Donc, corps a corps. L’analyse de textes est une pratique violente. Il faut plier son corps devant une table, le river a l’ecriture de l’autre, a son rythme, a son insolence, a sa facon a lui de chosifier une parcelle du neant. Le plus dur est de commencer. Tres vite le texte se deplie en vous, il chante. A vous de nommer ce que vous entendez.
Il y a une phrase qu’on peut voler a Beckett pour dire ca bien plus joliment. C’est dans un des instants egrenes par la voix de Compagnie, souvenirs delivres de leurs attaches, baignant dans une lumiere qu’il appelle : Encore. Une voix s’adresse au tu : Tu es sur le dos au pied d’un tremble. Dans son ombre tremblante. Elle est allongee aussi, il a plonge ses yeux dans les siens. C’est un texte d’une douceur immobile tant les corps des amoureux sont ancres dans le paysage : Sous la chape de ses cheveux vos visages se cachent. Elle murmure, Ecoute les feuilles. Les yeux dans les yeux vous ecoutez les feuilles. Dans leur ombre tremblante.
Voila. L’exercice s’appellerait : Ecoute les feuilles.