Canape : petite psychanalyse de cuisine ou L’art d’accommoder ses complexes

Petite psychanalyse de cuisine ou l’art d’accommoder ses complexes.

Quand un psychanalyste confond divan et canape, il lui vient des idees devorantes : “Il suffisait qu’un des patients du Dr Poivre s’allonge sur le divan pour qu’il le voie se transformer en canape. De petits echafaudages moelleux ou les textures se melaient sans jamais se fondre.” Complexes passes a la casserole, phobies hachees menues… Et si le coup de fourchette etait l’arme fatale contre les angoisses ? “Desormais, c’est a table qu’auraient lieu les catharsis. Il en avait soupe du cabinet, ses plus fideles patients pour le prix d’une consultation feraient leur coming out existentiel autour de sa cuisiniere la Cornue, parole de Dr Poivre.”

Cervelas veine de pistache, belles de Fontenay, ecume pale. Morille jumbo sur Ostie de pretre, En cas d’insomnie ou de bonheur. Botox brunch. Flambees de grosses allumettes a l’aquavit sur tapis de neige : du complexe d’Oedipe en passant par la foi, le reve, les TOC ou les contes de fees, le menu de ce roman-cuisine est copieux. Un Dr Poivre dejante a souhaits, 12 savoureux personnages et 52 recettes bipolaires elaborees par Marie Chemorin dans la plus totale inconscience.

Le roman-cuisine… Ca se mange ? Mieux, ca se devore !
Melange onctueux et illustre de textes originaux et de recettes inedites, le roman-cuisine se lit, se savoure, s’offre. C’est un regal pour les yeux, pour l’esprit, pour les papilles. Decouvrez comment les images, les mots et les mets peuvent etre les ingredients du bonheur.

Le complexe d’Oedipe. Justine.

A 52 ans, le Dr Dominique Poivre n’avait jamais ete aussi appetissant. Il regnait sans partage sur les commercantes de la rue Clerc et, s’il oubliait de boutonner son col, les petits yeux rouges de la marchande de fruits roulaient sur son torse comme des billes de grenade. Ses longues heures de nage dans la piscine de son club prive, l’avaient rendu aussi race qu’un homard breton. Lui aussi avait du sang bleu. Aujourd’hui, il n’avait pas le droit a l’erreur : Justine Brousse, patiente modele, allait lui servir de cobaye en debutant le cycle des Jeudis de psychanalyse de cuisine. Il sentait la jeune femme sur le point de ceder, un peu comme l’avocat trop mur qu’il tenait dans la main, sous le regard concupiscent de Maria Dolores, la maraichere. De cette seance ultime adviendrait le champ des possibles, sans jachere.

Justine, fidele a son prenom, avait un probleme avec la vertu. Nullement celui decrit par le Marquis de Sade. Elle se voyait en vestale, deesse du foyer, pour la plus grande joie de son pere fabriquant de cheminees de style. Ce dernier avait fait de sa fille sa collaboratrice la plus proche, la plus efficace, la plus blonde… Aucun incendie n’avait encore enflamme son coeur, aucun sourire attise son desir. Justine restait la petite salamandre a son papa.