Col romain et culottes de tole

Au sortir du college, Antoine Dugas se laisse enfermer dans des culottes de tole. L’Europe de la luxure l’en delivre. 11 a 33 ans. Il est pretre. Venu a Paris pour de savantes etudes en litterature, il apprend l’amour. Il decouvre la femme. Il mene de front ses decouvertes litteraires et sexuelles. Le theatre est omnipresent.

Trahi par sa facon de marcher, il se reeduque jusque dans les moindres details. Il s’abandonne au plaisir recu, se livre au plaisir donne, s’emeut du plaisir partage. Est-il un cas ? Ou la norme ? L’autojustification n’est pas loin. Il constate avec quasi soulagement que Claudel rime avec bordel, que Montherlant rime avec enfants.

Comme a peu pres tous les premiers romans, Col romain et culottes de tole est entierement autobiographique. Alonzo Le Blanc y devient Antoine Dugas. Sous le couvert du journal d’un defroque, il livre une histoire vraie, la sienne, mais aussi celle de bien des pretres et religieux, celle que le Vatican refuse de considerer.

Ne a New Richmond en Gaspesie, Alonzo Le Blanc est ordonne pretre a Maria en 1958 et laicise en 1969-1970. Professeur au departement des litteratures de l’Universite Laval, il se specialise en histoire du theatre. Coauteur du Dictionnaire des oeuvres litteraires du Quebec, il publie en 1982, chez VLB, le texte inedit d’Aurore l’enfant martyre.

Au moment de sa retraite a l’automne 1998, il est elu maire de Saint-Antoine-de-Tilly ou il reside depuis 1975. Son mandat termine, il revient a ses carnets, temoins d’un cheminement aussi ondule que les anses et les monts de sa Gaspesie natale.

Paris, jeudi 19 aout 1965. Nous partons de nouveau, cette fois quatre viateurs : s’est ajoute le pere Jean-Guy de Joliette. Un leader naturel avec lequel je devrai composer. Il a lu tous les guides. Assis a ma droite, il sera notre pilote pour l’itineraire. Mais c’est moi qui tiens le volant. A chacun sa competence !

Je resume a grands traits notre descente vertigineuse vers la Grece. Nous passons par Strasbourg, faisons un arret a Munich. Apres la Baviere, c’est l’Autriche, puis la Yougoslavie communiste parcourue sur une autoroute sans double voie, mais bien taillee. Coucher a Belgrade, dans un camping au sommet d’une colline.

Un voyage de fous ! Des journees fatigantes pour le chauffeur : plus de 600 kilometres par jour. Du mais, des fermes, des femmes adonnees aux lourds travaux, des jeunes surveillant les troupeaux, des stations d’essence Yugopetrol ou garcons et filles nous servent avec entrain. Des villageois nous regardent avec etonnement. Arrivons tres tard a la frontiere de la Grece, ou les formalites de douanes sont plus longues qu’ailleurs.