Complots a la corderie royale

A J. et E., mes vieux complices libraires.

Vous souvenez-vous du temps ancien d’apres 68, des rentrees scolaires, de la vitrine de Noel, achevee a une heure du matin, des repas autour des prix litteraires… Ah ! vous m’en avez fait decouvrir des livres et des auteurs ! J’adorais vous seconder dans votre petite librairie, si vivante.
Je voulais vous presenter mon sixieme roman historique. D’abord, un coup de coeur pour un site etonnant : Rochefort, l’arsenal, la corderie royale, tout pres d’autres vieilles pierre, La Rochelle. Il suffit de tendre l’oreille, on entend encore les chants des matelots, les milliers d’ouvriers au travail, les charpentiers, les charrons, les cordiers, les voilieres…
Pas besoin d’avoir une imagination debordante puisque, depuis dix ans, une equipe de passionnes reconstruit a l’identique l’Hermione, le bateau de La Fayette.
Alors, me voila parti voguer vers le XVIIeme siecle. Louis XIV, Colbert et l’arsenal mis en chantier sur les terrains les plus marecageux et insalubres qui soient dans cette boucle de la Charente. Mais ils n’ont pas coute trop cher a la couronne ! Rochefort est une fourmiliere qui attire les convoitises et suscite les jalousies (Hollande, Grande -Bretagne…). Le surintendant y envoie son fils, le marquis de Seignelay (21 ans !), pour suppleer au cousin Colbert de Terron, malade des miasmes, comme beaucoup. Il sera aide dans son enquete -Ah ! oui parce que les meurtres se succedent !- par un agent du commissaire de la Reynie qui n’a guere plus d’experience que lui. Les suspects ne manquent pas avec tous les brigands qui rodent, les bagnards, les Cheusses spolies de leurs terres et les huguenots…
Gerard Hubert-Richou

Apres bien des atermoiements, des recherches et des etudes, Colbert decide, en 1665, de construire un nouvel arsenal indispensable au developpement de la marine royale. Son choix s’arrete sur le site de Rochefort, dans une boucle de la Charente, a cinq lieues de la mer. L’endroit n’est pas sans inconvenients : il souffre des miasmes de l’air et de l’insalubrite ambiante. Mais il offre aussi des avantages multiples au long des cotes atlantiques. Et voici que, sur le chantier, des meurtres mysterieux d’ouvriers se succedent a un rythme de plus en plus accelere. La population s’inquiete et cree une milice bourgeoise. Puis viennent les incendies, l’empoisonnement de l’eau potable deja si rare… Cette cascade d’evenements semble entrainer vers le gouffre le jeune marquis de Seignelay qui represente sur place le surintendant, et l’arsenal avec lui. Aide par l’agent du commissaire general de police, Geraud Lebayle, il va utiliser tous les stratagemes possibles et empiriques pour combattre un adversaire qui apparait comme un monstre aux multiples tetes. En s’appuyant sur une minutieuse documentation, selon une methode qui a fait son succes, Gerard Hubert-Richou nous plonge dans une passionnante aventure, pleine de rebondissements, ou il ressuscite toute une societe, melange de hobereaux ruines, d’ouvriers vereux, d’aventuriers sans scrupules.

Gerard Hubert-Richou est l’auteur de tres nombreux ouvrages pour la jeunesse. Egalement poete et homme de theatre, il a publie chez Pygmalion Le Chirurgien du roi, Le Fameux Coup de Jarnac, Cortege royal, Le Pont des larmes et A l’Enseigne du Grand-Coq.

L’AUBE PLACIDE DES JOURS DE PAIX rosissait l’horizon. Pas la moindre brise dans une douce fraicheur pour flechir les ajoncs.
Majestueux, un heron cendre s’en libera, traca une ample courbe vers la berge opposee de la Charente, soulevant du bout de ses remiges noires les mousselines brumeuses qu’il alla deposer entre les roseaux.
Le ciel se decouvrit, uniforme et sans nuage, au-dessus des landes humides ou scintillaient les prunelles des elfes.
Silence.
D’une trajectoire rectiligne, trois silhouettes de colverts, refletees par les marais, raserent la denture des courtes cimes, droit sur le demi-astre renaissant, tiede et cuivre.
C’etait une invitation a contempler un paysage encore serein, malgre les bouleversants travaux entrepris par les hommes sur des terres peu hospitalieres.
L’appel lointain d’un goeland ricocha sur l’ardoise du large meandre dans lequel s’incrustait la nouvelle cite. Ce fut comme un signal pour les ombres humaines qui se materialiserent par petits groupes au detour des bicoques et des hautes batisses ; le commencement d’une journee de labeur semblable aux autres.