Auteur : Alain Lacroix
Date de saisie : 15/02/2008
Genre : Romans et nouvelles – francais
Editeur : Quidam editeur, Meudon, France
Prix : 20.00 / 131.19 F
ISBN : 978-2-915018-26-4
GENCOD : 9782915018264
Sorti le : 16/02/2008
L’Alinea (Martigues)Dialogues (Brest)Durance (Nantes)Maison du livre (Rodez)Mollat (Bordeaux)Ombres Blanches (Toulouse)Sauramps (Montpellier)Thuard (Le Mans)
- Les presentations des editeurs : 17/09/2008
Constellation
Alain Lacroix
Roman mosaique, Constellation raconte l’Europe d’aujourd’hui a travers les destinees d’un petit groupe de personnages evoluant dans les spheres du pouvoir. Entre France, Allemagne et Benelux, ils forment comme un archipel de voix singulieres, s’interpellant et se prenant a partie d’une capitale a l’autre. Ici un duo franco-allemand deregle. Emanuel T et Stein sont l’oeil de ce cyclone transfrontalier, en discorde avec Carla et Isabel M, femmes de tete rivales, comme avec Subor, l’homme de reseau pragmatique, Frau, l’ambigu ou Neuman, le vieux maitre tulelaire…
Vivant dans une tension constante a l’extraterritorialite, chacun est travaille par la question du supranational : ainsi en va-t-il d’un jeu d’alliances strategiques aussi bien qu’erotiques. Qui est donc cette jeune interprete – ligure quasi mythique et irreelle – qui hante Emanuel T et Stein au point de personnifier leur fantasme a la fois intime et politique ?
Ouvrage resolument singulier, Constellation esquisse une vue en coupe des milieux politiques europeens a la manoeuvre en osant une fiction incarnee – le concert des nations, c’est vivant, sexuel, pulsionnel. Et montre la mutation a l’oeuvre depuis cinquante ans.
Alain Lacroix est ne en 1971, il vit dans le sud-est de la France.
Constellation est son premier roman.
- Les courts extraits de livres : 17/09/2008
Nous devisons calmement, Stein et moi, les mots semblent echapper de nos bouches telles des bulles d’air comprime, la dans l’habitacle du vehicule. Regulierement la BMW serie 7 est deportee par les bourrasques pluvieuses, et le marquage au sol, les reflecteurs font comme un faux raccord dans le faisceau des phares. Nous evoquions quelques anecdotes, puis nous nous sommes tus, las.
Moi et Stein, moi le Francais et lui l’Allemand – ou lui l’Allemand et moi le Francais, je ne sais comment dire – sommes fourbus a l’issue du week-end de travail et de rencontre. Sur la banquette arriere, la jeune femme que nous avons prise a bord se tient raidie, un peu absente. Je l’observe un bref instant via le miroir de courtoisie. Comme nous sortions du parking, elle s’est mise en travers de la route en faisant de grands signes – elle a demande si on pouvait la ramener, sa voiture etait en panne :
– Je suis interprete de conference, a-t-elle dit en montrant son badge.
– Je ne l’avais pas remarquee lors des sessions, m’a confie Stein tandis qu’elle etait retournee chercher ses affaires.
J’ai repondu :
– Moi non plus, il faut dire qu’elles ont tendance a toutes se ressembler…
A present elle regarde autour d’elle, un peu anxieuse. Elle n’a pas quitte son manteau et demande si elle peut fumer. Un temps, elle a paru s’assoupir sur les cuirs, puis s’est reveillee en poussant un leger cri. Nous ne savons meme pas son prenom. Des halos lumineux ovales, jaunes et magenta, derivent sur le pare-brise et – en reduction – sur les lunettes de Stein, au volant ; il etouffe un baillement derriere sa main immense, tandis que je me masse les lobes frontaux, fatigue – moi moins ample que lui, plus cerebral, un peu artiste. Je l’entends inviter la jeune interprete a se mettre a l’aise et a utiliser le cendrier dans l’accoudoir, mais elle ne repond pas – il me lance un regard et je me tourne vers elle en tentant de rompre la glace, mais tout a coup quelque chose arrive, oui tout a coup la fille se met a hurler tandis que s’elevent un crissement de pneus et une volee de jurons germaniques :
– Je m’appelle Emanue… disais-je, mais je n’ai pas le temps de finir ma phrase.
Nous mordons sur les bas-cotes, puis filons en tete-a-queue au milieu de la nationale, et bientot c’est moi qui crie en voyant tournoyer le paysage, m’agrippant a la poignee quand nous partons en tonneaux, l’estomac et tous les muscles contractes par la terreur. Pendant l’envol du vehicule au-dessus des champs de culture, je revois une serie d’images personnelles imbriquees, comme une sorte de tableau cubiste. Mes maxillaires se serrent comme jamais a l’arrivee du premier choc, dans un bruit dechirant de metaux et de verre, puis c’est un nouvel envol silencieux, avant un second crash encore plus effroyable, puis mon dieu un troisieme, nos corps ballottes comme des pantins, les hurlements de la fille, la peur absolue et le sentiment de la fin.