Eux et nous : questions d’ados, paroles d’adultes

Preface de Patrice Huerre
Postface de Jean-Francois Magnin

Complexites, ambivalences, contradictions… adolescentes. Doutes, hesitations, incertitudes… de notre part. Une longue frequentation d’adultes de tous milieux, de tous statuts – parents, enseignants, educateurs, animateurs… – me permet d’affirmer que nous sommes tous, tot ou tard, plus ou moins desarconnes par une ou un adolescent. Nous savons bien et nous ressentons tous les tensions, les antinomies, les paradoxes qui traversent, fragilisent ou dynamisent, inquietent ou mobilisent, quiconque rencontre des adolescents, pretend les eduquer, qu’il ait choisi ou qu’il accepte, s’en rejouit ou le subit : que faire ? Comment faire ? Comment etre avec lui, avec elle ? Que dois-je lui dire ?

Ils chuchotent des pudeurs cachees, des derives masquees, des elans contenus, des richesses bridees. Ils clament leurs coleres, leurs amertumes, leurs detresses, souhaitent tous les possibles, revent tous les espoirs. Ils nous fuient, nous questionnent, nous contredisent, nous harcelent, nous inquietent. Ils nous recherchent, nous eclairent, nous informent, nous rassurent. JPF

Peut-on comprendre les adolescents ? Et d’abord, le faut-il ? On peut en douter en effet : apres tout comprendre, c’est prendre avec soi, embrasser dans un tout. Ainsi vouloir les comprendre, ce serait vouloir les inclure, les incorporer, les integrer, et a l’extreme prendre leur place. A premiere vue, ils n’y tiennent pas !

L’auteur a rassemble courriers, devoirs, entretiens, questionnaires… recueillis aupres de centaines d’adolescents. Il s’appuie sur ses etudes en psychologie et les travaux des chercheurs les plus recents pour eclairer et analyser ces temoignages.

Jean Francois est ancien professeur de lettres en banlieue parisienne, directeur de centres de vacances itinerantes, formateur en stage d’animateurs, intervenant dans des structures de quartiers, membre du groupe de pilotage du departement Politiques et pratiques educatives des CEMEA.

Extrait de la preface de Patrice Huerre, Chef de service de psychiatrie infanto-juvenile, VIe secteur des Hauts-de-Seine :

Encore un ouvrage parlant des adolescents ? Eh bien non ! Ou plutot, pas comme les autres. En effet, les adolescents nous y parlent aussi. L’auteur, de sa place de temoin, au sens ou il est en charge de transmettre a ses eleves des savoirs, mais aussi des questions, nous invite par les nombreux temoignages qu’il rapporte, a revisiter une adolescence que bon nombre d’adultes ont remisee dans les caves de leur memoire. Apres tout, ne sommes-nous pas tous d’anciens adolescents ? Les questions fondamentales rencontrees a cet age demeurent evidemment les memes d’une generation a l’autre. Ainsi nous est-il possible de retrouver le chemin d’une identification a l’adolescent qui le remette en place de familier et non d’etranger ou de mutant.
C’est la condition de base pour eviter la tendance la plus frequente qui consiste a designer chez l’autre, l’adolescent en l’occurrence, tout ce qui nous insupporte chez nous : les conduites addictives, la violence, le desinvestissement scolaire, les inquietudes concernant l’avenir…, comme si ces problemes ne nous concernaient pas aussi. Ou d’en faire l’etude, de l’exterieur, comme s’il s’agissait d’une sous-peuplade de la planete terre.
Ce groupe d’age s’est toujours prete admirablement a refleter, selon les epoques, nos peurs et nos travers. Grace a ce mecanisme, nous cherchons a preserver certaines illusions juveniles selon lesquelles notre generation avait une place a part, capable de changer enfin le monde ; illusions qui ne peuvent tenir qu’a condition de se differencier de la generation suivante en en soulignant les defaillances. Dans ces conditions, il importe de ne pas relever les qualites et la creativite de celles et ceux qui prendront le relais. Pas plus que ce que nous partageons avec eux : par exemple l’importance accordee a la famille, aux amis, a la solidarite ou a la justice…
C’est dire la necessite de reajuster les representations donnees aux jeunes ; de rappeler que la plupart d’entre eux sont en bonne sante et sont confrontes aux memes questions existentielles que les generations precedentes, les changements apparents du monde n’ayant pour effet que d’en changer les formes. On ne peut dire la meme chose des adultes qui semblent d’annee en annee plus troubles et en difficulte, et ne peuvent des lors etre les points d’appui dont les jeunes ont besoin pour se reperer et construire leur propre identite. Quelles representations de l’avenir donnons-nous ? Quelle place faisons-nous a leur creativite ? Ce livre montre bien comment, lorsque l’adulte ne se derobe pas aux attentes adolescentes, il peut servir de tiers, de tuteur, au sens propre comme au sens figure. A defaut, les jeunes nous cherchent, en particulier par des manifestations d’allure negative ayant pour principal resultat d’attirer notre attention. A nous de ne pas tomber dans le panneau d’une prise en compte de ces signes au premier degre. Leur confiance en nous devrait nous conduire a entendre autrement ces appels.