Auteur : Joyce Carol Oates
Traducteur : Francis Ledoux
Date de saisie : 09/10/2008
Genre : Romans et nouvelles – etranger
Editeur : Points, Paris, France
Collection : Points. Signatures, n 2023
Prix : 14.00 / 91.83 F
ISBN : 978-2-7578-0944-0
GENCOD : 9782757809440
Sorti le : 09/10/2008
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- Les presentations des editeurs : 23/10/2008
Il se fait une certaine idee de moi, de ma vie. Il dit qu’il aimerait ecrire l’histoire de ma vie, comme document social. Mais j’ai dit Pourquoi, bon Dieu ? Tout ce qui m’est arrive avant ceci n’est rien – ca n’existe pas ! – ma vie commence seulement aujourd’hui. Maureen Wendall et son clan : une famille ordinaire eprouvee par trente ans de drames et de combats, dans cette ville de Detroit qui semble faire echo a toutes les crises de l’Amerique, de la Grande Depression aux emeutes raciales de 1967.
Nee en 1938, Joyce Carol Oates est l’auteur d’une oeuvre considerable. Son roman Blonde, inspire de la vie de Marilyn Monroe, lui a valu les eloges unanimes de la critique internationale. File a recu le prix Femina en 2005 pour Les Chutes, disponible chez Points.
National Book Award 1970
- Les courts extraits de livres : 23/10/2008
Par un chaud apres-midi d’aout 1937, une fille amoureuse se tenait devant un miroir.
Elle s’appelait Loretta. C’etait son reflet dans le miroir qu’elle aimait, et de cet amour reveur et agreable s’elevait un trouble qui etait inquiet et aveugle – de quel cote s’orienterait-il ? Qu’allait-il se passer ? Elle s’appelait Loretta ; ce nom aussi lui plaisait, encore que Loretta Botsford lui plut moins. Son nom de famille lui pesait, il n’etait pas harmonieux. Elle se tenait la, a loucher dans le miroir a bordure de plastique pose sur sa commode, s’efforcant d’attraper le meilleur eclairage; elle voyait dans sa joliesse ordinaire, saine et haute en couleur, un soupcon de quelque chose de hardi et de dangereux. A regarder dans son miroir, il lui semblait regarder dans l’avenir ; tout etait la, en attente. Ce n’etait pas seulement ce visage qu’elle aimait. Elle aimait d’autres choses. Pendant la semaine, elle travaillait a la blanchisserie-nettoyage a sec Ajax ; c’etait une grande veine d’avoir ce boulot, et l’atmosphere languide et embuee dans laquelle elle accomplissait la semaine un travail mecanique suscitait en elle un sentiment de trouble. Qu’allait-il se passer ? On etait samedi.
Elle avait le visage assez rond, et une legere et malicieuse boursouflure des joues la faisait paraitre plus jeune qu’elle ne l’etait (elle avait seize ans); ses yeux bleus, d’un bleu doux et quelconque, n’etaient pas tres vifs. Ses levres etaient peintes d’un ecarlate sombre, a la mode exacte du jour. Ne revait-elle pas de ressembler aux physionomies du supplement week-end et ne s’attardait-elle pas, en se rendant a son travail, pour contempler les photos du Trinity Theater ? Elle portait une robe bleu marine serree a la taille. Cette taille etait etonnamment mince sous des epaules un peu larges, presque masculines ; c’etait une fille solide. Sur ses epaules affirmees etait posee cette tete papillonnante, reveuse, avec une chevelure blonde gonflee et retombant en boucles aguicheuses derriere ses oreilles, du col jusque dans son dos, de sorte que, quand elle courait le long du trottoir, cette chevelure explosait derriere elle et les hommes s’arretaient pour la suivre du regard. Jamais elle ne se souciait de leur retourner un coup d’oeil – ils etaient comme ces personnages qui, dans les films, ne paraissent jamais au premier plan, mais nourrissent l’intrigue, et indiquent ou doit se fixer l’attention. Elle etait amoureuse de cette idee. Derriere sa belle peau nette se trouvait un univers de peaux, toutes saines. Elle aimait cela, elle etait amoureuse de ce que des filles comme elles fussent venues a l’existence, encore qu’elle eut du mal a exprimer exactement ses sentiments. Elle disait a son amie Rita : Je me sens parfois si heureuse que je dois etre folle. Trainant le matin, s’efforcant de faire lever son pere ou d’arriver a ce que son frere Brock fut nourri et sorti avant que quelqu’un ne declenchat une bagarre, elle n’en eprouvait pas moins un sentiment particulier de joie, un picotement d’excitation que rien ne pouvait diminuer. Qu’allait-il arriver ? Oh ! tu n’es pas folle, repondait Rita d’un air pensif, tu n’as rien vu encore.