Auteur : Michel Claise
Date de saisie : 09/05/2008
Genre : Romans et nouvelles – francais
Editeur : L. Wilquin, Avin, Belgique
Collection : Smeraldine
Prix : 16.00 / 104.95 F
ISBN : 978-2-88253-369-2
GENCOD : 9782882533692
Sorti le : 22/04/2008
- Les presentations des editeurs : 10/05/2008
Qui est-il vraiment, ce personnage antipathique, surgi dans l’imaginaire d’un auteur a succes, a qui son editeur a commande un best-seller sulfureux ? Il pretend etre le Diable et vouloir l’inspirer. Mais pas question de parler de peches, qui ne sont qu’invention de cures, dit-il. Il est bien plus passionnant d’evoquer les vertus, dans ce qu’elles ont de plus attrayant : leurs perversions. Car l’homme est la victime des exces des valeurs que la societe impose.
Les decors se succedent au fil des soirees qu’ils passent ensemble : le diner chez l’editeur, un chateau sombre dans la Prusse du debut du XIXe siecle, l’aile psychiatrique d’un hopital francais en 1950, les chantiers de construction d’une cathedrale au Moyen Age, la scene du theatre de la justice, une prise d’otage dans le Bagdad d’aujourd’hui. Heureusement que dans tout cela tout est faux, a moins qu’il ne s’agisse d’un vrai dialogue interieur avec nos propres demons…
Michel Claise, ne en 1956, fut avocat durant vingt ans et est aujourd’hui juge d’instruction a Bruxelles. Il etait entre en ecriture avec un premier roman tres remarque. Salle des pas perdus (2006).
- Les courts extraits de livres : 10/05/2008
Qui est-il ?, se demandaient les clercs reunis en chapitre. Le Tres Sage apaisa l’assemblee d’un geste de la main. Il ne fait qu’un, sous toutes ses apparences, visible ou invisible, bruyant ou taciturne, a vos cotes sans que necessairement vous le remarquiez; il peut vous prendre la main ou ignorer votre salut, mais retenez ce principe : le Malin, quel que soit le nom qu’il se donne alors, prend l’apparence de l’homme lorsqu’il veut le perdre.
Aloysius Feuerbach, Traite de l’Exorcisme et des Possessions, 1863
VERSET 1
RENCONTRE DEVANT UN BUFFET ITALIEN
Je suis ce qu’on appelle un ecrivain a succes, vivant le paradoxe de reussir ma vie et de rater mon oeuvre. J’ai donc place mes ressources dans l’economie de vrais romans. Le labyrinthe des hasards profanes m’a conduit a ecrire des histoires salaces et policieres, sans grande intelligence, dont les droles de trames rejouissent bon nombre de lecteurs, sans grande intelligence eux aussi.
Mais celui qui noircit les pages ne peut que rever au chef-d’oeuvre universel, celui qui le consacrerait enfin comme auteur, et le conduirait tout droit au Pantheon des academiciens, ceux qui ont une rue, voire une avenue, a leur nom et qui assument le but reel et inavoue de leur genie : figurer dans le dictionnaire.
Cette preoccupation me touche peu, quoiqu’il m’arrive d’y penser comme on reve d’un pelerinage a Compostelle.
Mon editeur, en professionnel avise, se montre satisfait de mes echecs litteraires, qui garnissent les kiosques des gares et nourrissent les fantasmes des voyageurs quotidiens.
– Ce que j’aime chez vous, aime-t-il a repeter, c’est que jamais vous ne commencez un manuscrit par Je. Il n’y a rien de plus insupportable pour un lecteur que de tenter de se distraire en plongeant dans une apparence d’autobiographie.
Il a sans doute raison, vu le succes commercial remporte par mes recits bacles, et le montant des cheques que me remet le service tresorerie de sa societe, comme prix de ma turpitude.
C’est dur d’avoir pour qualite celle de faire sa propre critique.
Les faits que je vais relater, et qui n’ont rien a voir avec une quelconque entreprise litteraire, ont commence un vendredi de printemps, lorsque je me suis presente a la comptable, a qui je rends des visites mensuelles, en quete de mon du.
– Le patron veut vous voir, me dit-elle, souriante, les dents blanches comme la feuille de papier que j’avais abandonnee ce matin-la sur mon bureau.
Son patron, pas le mien, pensais-je dans un sursaut de fausse independance.
Je gravis l’escalier des trois etages menant a son bureau, dedaignant l’ascenseur dont la cabine retient les effluves des fumeurs de cigarettes, desormais condamnes a consommer leur nicotine a l’exterieur de l’immeuble, par tous les temps.
Il m’attendait – parlant de lui, j’aime utiliser l’imparfait – et me fit asseoir dans le fauteuil reserve aux visiteurs de marque.
– Cher ami, vous savez a quel point j’apprecie notre collaboration (ne de parents resistants, c’est un mot qui me heurte…), mais il est temps de passer a la vitesse superieure.
Il se placa devant la fenetre et se mit a scruter le paysage de la ville, eclaire par un soleil de saison.
– Vos romans se vendent bien, certes, et ce n’est pas facile en ces temps de surabondance de choix, mais il faut nous adapter, vous et moi, a ce qu’attend le public d’aujourd’hui de l’ecriture et de l’edition, sous peine de decroitre, voire de disparaitre. Ce public est sans pitie et nous contraint d’etre a la mode, qui n’est – je vous le concede -, qu’une manipulation qui fait vendre.
– L’universel ne transcende-t-il pas le passager ?, osais-je l’interrompre.