Auteur : Marilynne Robinson
Traducteur : Simon Baril
Date de saisie : 02/11/2007
Genre : Romans et nouvelles – etranger
Editeur : Actes Sud, Arles, France
Prix : 22.50 / 147.59 F
ISBN : 978-2-7427-7143-1
GENCOD : 9782742771431
Sorti le : 02/11/2007
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- Les presentations des editeurs : 26/11/2007
LE POINT DE VUE DES EDITEURS
En 1956, sentant sa fin prochaine, le reverend John Ames redige a l’attention de son tres jeune fils une longue lettre en forme de meditation, seul heritage que sa pauvrete materielle l’autorise a transmettre.
Ames a lui-meme pour pere un precheur de l’Iowa et pour grand-pere un pasteur engage, durant la guerre civile, dans la lutte pour l’abolition de l’esclavage. En rapportant les tensions dont il fut le temoin entre l’ardent pacifisme de l’un et l’activisme parfois pour le moins belliqueux de l’autre, le reverend Ames tisse, au fil des pages, le motif du lien sacre qui, entre tendresse et inevitables conflits, unit les peres aux fils.
De l’exercice du souvenir aux illuminations qu’une pratique integre de la foi peut derober a la contingence, des defaites de l’esprit a ses incertaines victoires, des enivrements de la chair ou des errements du coeur aux vertiges du mysticisme, c’est dans une langue aussi emouvante qu’elle est admirablement soutenue et inspiree, que Marilynne Robinson, a travers l’ultime sermon du reverend Ames, eleve a l’etrange et merveilleuse grace de vivre un hymne superbe, ample comme le pays dont il narre, a sa facon, l’histoire, exigeant comme toute quete spirituelle veritable, bouleversant comme une priere.
Le premier roman de Marilynne Robinson, Housekeeping (1981), publie d’abord sous le titre La Maison de Noe (Albin Michel, 1983) puis sous le titre La Maison dans la derive (Metropolis, 2002), a recu le PEN/HemingwayAward du meilleur premier roman. Publie en 2004, Gilead a obtenu le Pulitzer Prize for Fiction ainsi que le National Book Critics Circle Award. Egalement auteur de deux essais, Marilynne Robinson enseigne a l’Iowa Writer’s Worksbop.
- La revue de presse Christophe Mercier – Le Figaro du 3 janvier 2008
Prix Pulitzer en 2005, ce beau roman de Marilynne Robinson depeint une famille de pasteurs sur fond de guerre de Secession…
Gilead raconte une histoire de peres et de fils, de conflits, voire de heurts, et de reconciliations, de peres qui meurent et de fils qui ne leur ont jamais parle. Le ton du livre est grave, comme celui des milliers de sermons que le pere Ames a rediges au cours de sa vie. Pourtant, au hasard des pages, on trouve des details d’ Americana les fideles qui nourrissent le pasteur et sa famille, la premiere Ford T apparue dans cette region perdue qui nous rappellent qu’on n’est pas tres loin d’une autre histoire de pasteurs, un des plus beaux films americains, Stars in My Crown, du grand Jacques Tourneur, et on se prend a regarder John Ames sous les traits de Joel McCrea.
- La revue de presse Christine Ferniot – Telerama du 19 decembre 2007
Ce melange de banalites familiales et de luttes spirituelles fait de ce roman une oeuvre precieuse sur la transmission et l’amour. En 1981, Marilynne Robinson ecrivait un premier roman, La Maison de Noe, dans lequel deja trois generations venaient hanter les memes lieux. Cette seconde fiction, bouleversante, a ete couronnee par le prix Pulitzer en 2005.
- Les courts extraits de livres : 26/11/2007
Je t’ai dit hier soir que je partirais peut-etre un jour. Tu m’as demande : Ou ? Je t’ai repondu : Rejoindre le Seigneur. Alors, tu m’as demande : Pourquoi ? Et je t’ai repondu : Parce que je suis vieux. Tu m’as dit : Je ne te trouve pas vieux. Tu as mis ta main dans la mienne et tu m’as dit : Tu n’es pas tres vieux – comme si le probleme etait regle. Je t’ai explique que tu aurais peut-etre une vie tres differente de la mienne, ainsi que de celle que tu as vecue avec moi, et que ce serait formidable, car il y a de nombreuses facons de bien mener sa vie. Tu m’as dit : Maman me l’a deja dit. Et puis tu t’es ecrie : Ne ris pas ! parce que tu croyais que c’etait de toi que je riais. Tu as tendu le bras et tu as pose tes doigts sur mes levres en me jetant ce regard que, de ma vie, je n’ai jamais vu ailleurs que sur le visage de ta mere. Une sorte de fierte farouche, fervente et grave. Je suis toujours un peu surpris de decouvrir que mes sourcils n’ont pas roussi apres avoir essuye un de ces regards. Ils vont me manquer.
Cela parait ridicule de s’imaginer que les morts puissent manquer de quoi que ce soit. Si tu es grand quand tu lis ceci – mon intention est que tu lises cette lettre une fois devenu adulte -, je serai parti depuis longtemps. Je saurai a peu pres tout ce qu’il y a a savoir sur la mort, mais vraisemblablement je le garderai pour moi. C’est comme cela que ca se passe, on dirait.
Je ne sais pas combien de fois les gens m’ont demande a quoi ressemble la mort, parfois alors qu’ils n’etaient qu’a une heure ou deux de le decouvrir par eux-memes. Quand je n’etais qu’un tout jeune homme, des gens aussi ages que je le suis aujourd’hui me posaient deja la question, m’agrippaient les mains et me fixaient de leurs vieilles pupilles vitreuses, comme s’ils savaient que je savais et qu’ils comptaient me tirer les vers du nez. En general, je repondais que c’etait comme de rentrer chez soi. Nous n’avons pas de chez-nous dans ce monde, leur disais-je avant de regagner cette vieille maison ou je me preparais du cafe avec un sandwich aux oeufs, et ou j’ecoutais la radio (quand j’en ai eu une), bien souvent dans le noir. Tu te souviens de cette maison ? Je suis sur que oui, au moins un peu. J’ai grandi dans des presbyteres. J’ai passe l’essentiel de ma vie dans celui-ci, et j’en ai connu beaucoup d’autres, car les amis de mon pere et la plupart des membres de notre famille vivaient eux aussi dans des presbyteres. Et quand j’y songeais a l’epoque, c’est-a-dire pas tres souvent, il me semblait que celui-ci etait le pire de tous, le plus vente et le plus lugubre. Enfin, voila ce que j’en pensais dans le temps. De fait, elle est tres bien, cette vieille maison ; mais alors j’y vivais seul, c’est pour cela qu’elle me paraissait etrange. Le fait est que je ne me sentais pas vraiment chez moi dans ce monde. Maintenant, si.
Et voila qu’ils me disent que mon coeur faiblit. Le docteur a utilise le terme angina pectoris, qui sonne tres theologique – comme misericordia. Bon ; a mon age, ce sont des choses qui arrivent. Mon pere etait vieux quand il est mort, mais ses soeurs, elles, n’ont pas vraiment vecu tres longtemps. Alors je ne peux qu’etre reconnaissant. Je regrette neanmoins de n’avoir presque rien a vous laisser, a toi et a ta mere. Juste quelques vieux livres dont personne d’autre ne voudrait. Je n’ai, pour ainsi dire, jamais gagne d’argent, et je ne me suis jamais soucie de celui que j’avais. J’etais loin d’imaginer que j’allais laisser derriere moi une femme et un enfant, crois-le bien. J’aurais ete un meilleur pere, si j’avais su. J’aurais mis quelque chose de cote pour toi.