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Histoire de la France politique. Volume 4, La Republique recommencee, de 1914 a nos jours

Auteur : Serge Berstein | Michel Winock

Date de saisie : 14/01/2008

Genre : Histoire

Editeur : Points

Collection : Points. Histoire, n 370

Prix : 12.00 / 78.71 F

ISBN : 978-2-7578-0227-4

GENCOD : 9782757802274

Sorti le : 03/01/2008

  • Les presentations des editeurs : 15/01/2008

Histoire de la France politique
4. La Republique recommencee

Ce quatrieme volume de l’Histoire de la France politique traite du XXe siecle, depuis la declaration de guerre de 1914 jusqu’aux elections de 2007. Temps des grandes violences collectives : les deux guerres mondiales, les drames de la decolonisation, les crises economiques… Le regime republicain a finalement resiste, quitte a se metamorphoser. L’ancien modele, sauvegarde vaille que vaille au lendemain des deux guerres, s’est revele inadapte aux defis du siecle. La Ve Republique a inaugure un tout autre systeme de democratie, evoluant lui-meme de la monarchie elective a un regime representatif incertain, qui appelle a nouveau la reforme constitutionnelle.
La France restera-t-elle une exception en Europe ?

Michel Winock

Professeur emerite d’histoire contemporaine a l’Institut d’etudes politiques de Paris. Il est notamment l’auteur de Nationalisme, antisemitisme et fascisme en France (Seuil, Points Histoire, 1990), du Siecle des intellectuels (Seuil, prix Medicis-essai, 1997), et de La France et les Juifs (Seuil, Points Histoire, 2005).

Serge Berstein

Professeur emerite d’histoire contemporaine a l’Institut d’etudes politiques de Paris. Il a notamment dirige Les Cultures politiques en France (Seuil, 1999) et publie recemment Leon Blum (Fayard, 2006).

  • Les courts extraits de livres : 15/01/2008

L’epreuve politique de la Grande Guerre

La conduite de la guerre est-elle possible sous une republique parlementaire ? La question est posee dans les annees qui precedent 1914. Dans Kiel et Tanger, Charles Maurras, theoricien de l’Action francaise, entend demontrer qu’un regime politique sans continuite ni memoire comme l’est la IIIe Republique ; un regime dans lequel la decision est diluee parmi trop de gens ; un regime, de surcroit, tributaire des humeurs variables de l’opinion ; qu’un tel regime ne peut assumer ni une diplomatie ferme et prevoyante, ni la direction coherente d’une guerre.
La demonstration de Maurras fait impression sur Marcel Sembat. Depute socialiste, collaborateur regulier a L’Humanite, militant pacifiste, Sembat exprime en 1913, sous un titre a sensation – Faites un Roi, sinon faites la Paix -, sa conviction selon laquelle la republique d’aujourd’hui n’est pas adaptee a l’effort de guerre, doutant meme qu’elle puisse reussir l’operation si complexe de la mobilisation generale : Non ! on ne peut adapter la republique a une politique de guerre ! Ne le lui reprochez pas ! La republique est faite pour la paix. Felicitez-la d’etre inferieure au Roi pour la guerre et la preparation diplomatique de la guerre. Un savant est fort inferieur pour les crocs a un tigre ; mais il ne se sent point humilie de n’etre pas ce fauve superbe, cette belle bete de proie.
Maurras et Sembat s’accordaient sur cette conviction que l’instabilite, vice congenital de la republique et cause premiere de l’incurie gouvernementale, interdisait toute politique appropriee a la guerre. A suivre ces auteurs, le public francais pouvait donc apprehender un double danger en cas de conflit avec l’Allemagne : soit une rapide defaite militaire, soit la chute du regime republicain, soit les deux a la fois. Un autre risque existait : que, tout en restant republicain de nom, le regime ne se transforme, sous la tyrannie de la necessite, en dictature de fait. On avait observe cette metamorphose sous la Revolution francaise. Faudrait-il une nouvelle Terreur pour soumettre le pays tout entier aux contraintes du combat ?
Ce fut la gloire de la IIIe Republique de maintenir, plus de quatre ans durant, dans une guerre impitoyable, ses lois et ses principes. Sans doute lui a-t-il fallu adapter ses pratiques courantes a une situation exceptionnelle, mais, contrairement aux affirmations de Maurras et de Sembat, la France sut faire la guerre sans changer de regime politique. Un facteur l’y a predisposee : la force du sentiment national, qui permit l’Union sacree.

L’Union sacree

Le regime republicain n’etait pas entierement desarme face aux desordres que pouvait provoquer la declaration de guerre. Le 2 aout 1914, jour de la mobilisation generale, le president de la Republique, conformement a la loi, signe le decret de l’etat de siege, etendu a tous les departements francais, y compris les trois departements d’Algerie. Ce regime d’exception, defini par la loi du 9 aout 1849, completee par celle du 3 avril 1878, donne aux autorites militaires la responsabilite de maintenir l’ordre (la police, les perquisitions eventuelles, les interdictions de reunion, les expulsions reviennent au general commandant la region militaire). Le decret, impliquant la convocation des deux Chambres dans un delai de deux jours, est confirme par la loi du 5 aout. En meme temps, a la demande du gouvernement, le Parlement vote le moratorium (suspension eventuelle des effets des obligations commerciales ou civiles) et autorise le pouvoir executif a prendre par decret les mesures necessaires a la defense nationale. D’emblee, les droits du pouvoir executif sont renforces. A partir du 3 septembre, date du decret du president de la Republique sur la cloture de la session parlementaire, et jusqu’au 22 decembre 1914, le gouvernement, preside par le socialiste independant Rene Viviani, concentre entre ses mains tous les pouvoirs, sans controle parlementaire. La bataille de la Marne se deroule sous la quasi-dictature gouvernementale. Au cours de ces mois dramatiques, qui voient le transfert du gouvernement a Bordeaux (2 septembre), le sort de la France est entre les mains du general en chef, Joffre, sur lequel le ministre de la Guerre, Alexandre Millerand, n’a pratiquement aucune prise. Cependant, apres la victoire de la Marne, la stabilisation du front, la reinstallation du gouvernement a Paris, les Chambres sont de nouveau convoquees, en session extraordinaire, le 23 decembre 1914, pour voter (a l’unanimite) les credits provisoires de l’exercice de 1915. La session normale s’ouvre le 15 janvier suivant. Le Parlement sera desormais en session continue. L’etat de siege est desserre, le 1er septembre 1915 : le gouvernement rend aux prefets et aux maires leurs attributions ordinaires de police dans la zone interieure, eloignee des champs de bataille.