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Jamel Debbouze, la verite

Auteur : Marie Jocher | Alain Keramoal

Date de saisie : 14/01/2008

Genre : Biographies, memoires, correspondances…

Editeur : Seuil, Paris, France

Prix : 18.00 / 118.07 F

ISBN : 978-2-02-097194-2

GENCOD : 9782020971942

Sorti le : 03/01/2008

  • Les presentations des editeurs : 15/01/2008

Jamel Debbouze n’a que trente-deux ans, mais sa vie pourrait deja etre un roman. Un roman sur fond de drame, mais aussi d’ascension sociale a la vitesse d’une fusee. On passe ici tres vite des larmes aux rires, de la misere a la fortune. La ou cette histoire commence, a Barbes (XVIIIe arrondissement de Paris) puis a Trappes (Yvelines), dans un milieu d’immigres marocains, la douceur de vivre et la chaleur humaine ne sont pas absentes, mais l’itineraire n’est pas vraiment celui d’un enfant gate, surtout quand frappe la tragedie. Jamel, qui n’a pas le physique d’un athlete, est en effet handicape par la perte, dans des circonstances effroyables, de l’usage d’un bras. Mais quand il est sur les planches plus rien ne l’arrete, et bientot plus personne, y compris les financiers, ne lui resiste. On a affaire a un magicien de la comedie au regard magnetique, parlant au rythme d’une mitraillette, improvisateur sans pareil, devenu l’embleme de toute une generation. A travers des temoignages intimes et des revelations sur des rencontres decisives ignorees, ce livre reconstitue pour la premiere fois le parcours vrai d’un surdoue des banlieues.

Marie Jocher et Alain Keramoal sont journalistes independants.

  • Les courts extraits de livres : 15/01/2008

Barbes

Jamel Debbouze a deja deux vies. La troisieme, il ne sait pas. Il ne sait pas si, plus tard, il ira au paradis d’Allah auquel il adresse trois prieres par jour (sa mere en dit cinq). Il se demande si la joie de l’au-dela sera pour lui encore plus belle que le bonheur d’ici-bas, mais ce dont il est sur, c’est qu’il est ne deux fois.
La premiere, pour l’etat civil : le 18 juin 1975 a 5 heures 40, a l’hopital Lariboisiere, dans le Xe arrondissement de Paris. La deuxieme fois le 17 janvier 1990, a 20 heures 6, a la gare SNCF de Trappes, dans les Yvelines, ou deux adolescents sont happes par un train. L’accident coute la vie a l’un d’eux, decapite. L’autre est un miracule…

A la mairie du Xe arrondissement, l’acte d’etat civil de 1975 mentionne ceci :
R. 831 N 1086 : 1975. A 5 heures 40 est ne Debbouz Jamel, 2, rue Ambroise-Pare [l’adresse de l’hopital Lariboisiere, NDA], de Ahmed, ne a Taza (Maroc) en 1950, ouvrier,
et de Fatima Ben Mohamed, nee a Bani-Mohyau (Maroc) en 1953, sans profession, son epouse.
Domicilies a Paris XVIIIe, 5, rue de la Charbonniere.

Quatorze ans et six mois plus tard, le 17 janvier 1990, une depeche de l’Agence France Presse (AFP) tombe a 23 heures 48 sur les telescripteurs :
Deux adolescents happes par un train en gare de Trappes : un mort. Un adolescent de quinze ans a ete tue et un autre grievement blesse, mercredi soir, apres avoir ete happes par un train en gare de Trappes (Yvelines), apprend-on aupres de la police. L’identite des deux victimes n’a pas ete communiquee. A la suite de l’accident, qui s’est produit aux environs de 20 heures 30, le trafic ferroviaire a ete interrompu pendant une heure trente et n’a ete retabli que vers 22 heures.

La premiere naissance est celle du premier enfant d’une famille marocaine a voir le jour sur la terre de France. Des youyous s’elevent a Barbes, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, rue de la Charbonniere, la ou le grand-pere Mohamed est venu installer les siens au debut des annees soixante. Une immense joie. Un petit enfant francais, ne dans un hopital francais, la maternite de Lariboisiere ou l’on s’extasie devant ce bebe d’a peine trois kilos, prenomme par ses parents Jamel.
La naissance est enregistree le 19 juin a 12 heures 15, deux jours avant le debut de l’ete 1975, au service de l’etat civil installe au rez-de-chaussee de l’hotel de ville du Xe arrondissement, rue du Faubourg-Saint-Martin, un batiment d’une solennite impressionnante avec ses colonnes elevees a la gloire de la Republique. Cette annee-la, un mois plus tot, le Festival de Cannes a decerne sa Palme d’or a un realisateur algerien, Mohamed Lakhdar Hamina, pour Chronique des annees de braise, alors que Gerard Lenormand chante La Ballade des gens heureux. Cette annee-la aussi, un president de la Republique francaise, Valery Giscard d’Estaing, se rend en visite officielle en Algerie pour la premiere fois depuis 1962, avec la volonte de normaliser les relations entre les deux pays.
L’Hexagone atteint le nombre symbolique d’un million de chomeurs et le gouvernement s’apprete a offrir des primes pour inciter les immigres, notamment maghrebins, a retourner de l’autre cote de la Mediterranee. En effet, la periode de croissance economique des trente glorieuses s’acheve tandis que se font ressentir les effets du premier choc petrolier. La main-d’oeuvre etrangere, longtemps sollicitee pour accomplir les taches les plus penibles et les moins bien retribuees dans l’industrie automobile, la siderurgie, le batiment, les travaux publics et les services domestiques, n’est plus souhaitee officiellement. Fonder un foyer en France risque de devenir un reve illusoire pour un jeune menage marocain, et les Debbouze se demandent s’ils doivent aller retrouver leur pays d’origine. Le grand-pere Mohamed decide en effet de partir avec sa femme et ses plus jeunes enfants, laissant sa fille ainee Fatima, son mari Ahmed et leur petit Jamel tenter leur chance en terre de France. On est en 1976. Il est temps pour le patriarche de ceder ses trois epiceries de Barbes pour monter de nouvelles affaires au pays du Rif.