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Journal 1924-1927 : c’etait l’enfer et ses flammes et ses entailles

Auteur : Mireille Havet

Preface : Laure Murat

Date de saisie : 12/06/2008

Genre : Biographies, memoires, correspondances…

Editeur : C. Paulhan, Paris, France

Collection : Pour memoire

Prix : 36.00 / 236.14 F

ISBN : 978-2-912222-28-2

GENCOD : 9782912222282

Sorti le : 07/04/2008

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  • La voix des auteurs et des editeurs : – 10/06/2008

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Claire Paulhan – 10/06/2008

  • Les presentations des editeurs : 29/05/2008

Mon vice n’est donc point tant l’amour, ni la recherche du plaisir le plus bas physiquement, puisqu’au fond, je fais surtout l’amour pour gagner ma vie et obtenir de mes maitresses les rentes necessaires a mes appetits et a mon egoisme, mais en tout premier lieu et avant tout, les toxiques, et en particulier la morphine, dans l’ivresse supposee de laquelle je vautre mon ame calculatrice et mon corps amoureux de lethargies artificielles qui permettent d’oublier les deconvenues de ma carriere illicite mais tres repandue a Paris.
Je suis l’intoxiquee type, de naissance. D’ou deformation visuelle et cerebrale de tout, amoralite absolue, capacite des plus noires et indelicates actions, vols, mensonges, diffamations, imposture de toutes sortes et dont l’unique but est le gain avec un minimum de peine.
Depuis mon enfance, j’ai roule tout le monde par mes propos faux et fourbes, l’expression non moins etudiee de mon visage et les recits inventes de toute piece de ma vie passee, conflits et chagrins, ne recule devant aucune simagree utile a servir mes interets, ecrase ceux qui me genent et m’ont demasquee.
Mes livres et mes poemes ? Constructions d’intoxiquee au cerveau surchauffe par les stupefiants et l’idee fixe de camoufler ma veritable identite d’une livree et d’une aureole de poete prodige et ignorant, par exces de purete et d’insouciance intellectuelle, des realites materielles de la vie.
[…] Il est temps de m’accuser.
La punition qui n’est que justice consiste a m’abandonner definitivement, a me laisser dans mon inevitable desert et dans ma pauvrete due a ma paresse et a mon arrogance.
Que je m’arrange.
On est prevenu, et que prudemment les portes et les coeurs se ferment devant ma duplicite et mes demandes.
Personne ne me doit rien, et en voila assez.
J’ai 28 ans.

Nuit du 19 au 20 janvier 1927

Edition etablie par Pierre Plateau, prefacee par Laure Murat et annotee par Dominique Tiry, avec la collaboration de Roland Aeschimann, Claire Paulhan & Pierre Plateau.

  • La revue de presse Josyane Savigneau – Le Monde du 30 mai 2008

“Enfant perdue” d’une “generation perdue”, Mireille Havet serait demeuree une oubliee de la posterite si Dominique Tiry, descendante d’une de ses amies, n’avait retrouve, en 1995, son Journal et si Claire Paulhan n’avait pris le risque de le publier…
Ce Journal d’une “gonzesse de premier ordre” (un mot d’Apollinaire), que Chanel habilla pour jouer la mort dans Orphee, de Cocteau, qui fut dure avec les hommes, abusa des drogues, alla a New York et mourut dans un sanatorium suisse l’annee de ses 34 ans, est l’oeuvre majeure de Mireille Havet. Une chronique passionnante d’un temps, d’un milieu, d’une jeunesse saccagee par la guerre de 1914-1918…
Mireille Havet est lucide sur tout cela, dans ce Journal, scande par le constat de son age – 27 ans, 28 ans -, un moment que d’autres nomment encore jeunesse et qui la conduit, elle, a toute allure, vers sa fin. Elle sait qu’elle brule sa vie, mais cette “folie”, malgre tout, elle la “prefere”. Et elle s’observe avec minutie.

  • Les courts extraits de livres : 12/06/2008

Journal 1924

Annecy, Imperial Palace, lundi 4 aout 1924.
Il fallait venir au lac d’Annecy, sans doute, pour que mon romantisme, retrouvant la grande filiere des lacs, soit a son comble.
Le jardin etincelle de globes electriques, la musique essaie de faire danser des Anglais rouges et des dames brillantes quant a leur robe. Le lac sombre, opaque, triste, prisonnier, enchaine comme une pierre dure au creux des montagnes profondes, reflete l’enorme Palace, le grand paquebot de luxe amarre sur cette presqu’ile qui avance dans les eaux sournoises avec son orchestre, son armee de plastrons et de livrees aux armes imperiales, son tennis, ses barques vernies dans le petit port de gravier. Le lac, oeil mort qui accepte les images et ne renvoie pas les noyes.
La Savoie est triste, je m’en etais deja apercue. A chaque fois qu’allant a la frontiere de Modane, le Rome-Express traversait l’ete dernier cette Savoie couleur epinard et contournait le lac du Bourget triste et beau comme une turquoise morte, j’avais le coeur serre, heureux de la fuir quand c’etait au depart, angoisse quand c’etait au retour !
Je ne sais ce qui m’a fait venir ici, dans cette prison de platine, dans ce couvent d’or et de stuc imprime de couronnes illusoires, mais j’ai maintenant le coeur dechire. Arlequin se meurt a peine 24 heures apres son arrivee. Il faudrait reprendre toute l’histoire depuis ce dernier mois ou j’ecrivis a Amboise : j’attends Reine’ qui roule sur la route brulante et dont le retard m’inquiete. Il est curieux de penser que, sans ce court sejour de Reine a Amboise, rien ne serait arrive. Je ne serais pas a me desoler d’etre a Annecy, Olga serait heureuse, je serais pauvre mais libre et je ne frequenterais pas, comme un celibataire triste ou une Americaine a marier, les palaces.