Auteur : Stephane Vial
Date de saisie : 02/10/2007
Genre : Philosophie
Editeur : PUF, Paris, France
Collection : Perspectives critiques
Prix : 16.00 / 104.95 F
ISBN : 978-2-13-056370-9
GENCOD : 9782130563709
Sorti le : 02/10/2007
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- Les presentations des editeurs : 24/11/2007
De 1838, annee ou parait son premier livre, a 1855, annee de sa mort, Kierkegaard ecrit et publie pas moins de trente-quatre ouvrages, dont dix-sept d’entre eux en l’espace de trois ans ! Sans compter cette masse enorme de notes personnelles qu’il ecrit parallelement a son oeuvre publique des 1834, et qui remplissent les treize volumes des Papiers dont on a tire son Journal. Pourquoi Kierkegaard a-t-il donc autant ecrit ? Pourquoi l’ecriture occupe-t-elle dans sa vie tant de place, au detriment d’une vie amoureuse et maritale qui lui tend les bras ? Quel est le sens de l’hypergraphie kierkegaardienne ?
Telles sont les questions qui jalonnent cette meditation tres personnelle, au carrefour de la biographie philosophique et de la psychanalyse, qui transporte le lecteur au coeur du drame prive de celui qu’on a parfois appele le solitaire de Copenhague.
Stephane Vial est professeur de philosophie a l’Ecole Boulle et psychologue clinicien a l’Hopital Tenon, a Paris.
- Les courts extraits de livres : 24/11/2007
Extrait du prologue :
Le Rosebud kierkegaardien
Apres moi, on ne trouvera pas dans mes papiers (c’est la ma consolation) un seul eclaircissement sur ce qui au fond a rempli ma vie ; on ne trouvera pas en mon trefonds ce texte qui explique tout et qui souvent, de ce que le monde traiterait de bagatelles, fait pour moi des evenements d’enorme importance, et qu’a mon tour, je tiens pour une futilite, des que j’enleve la note secrete qui en est la clef.
Kierkegaard n’a peut-etre pas encore 30 ans, lorsqu’il note dans ses papiers ces mots oraculaires qui sonnent comme un avertissement solennel a tous ses futurs lecteurs, interpretes et biographes. Pourtant, la litanie des commentaires et, disons-le, des malentendus et des fantaisies, que les plus nobles esprits ont pu produire a son sujet depuis pres de cent cinquante ans, pourrait laisser penser que ses paroles n’ont guere ete entendues.
Combien d’entre eux, en effet, avec la naivete de l’enfant qui se met au defi de faire mentir ses parents, se sont pris au jeu, certes tres stimulant, de chercher a debusquer derriere la moindre formule ambigue et allusive de ce labyrinthe grandiose que sont les Papirer, la note secrete en forme de pierre precieuse dont Kierkegaard avait pourtant clairement prevenu qu’on ne la trouverait pas ? Combien d’entre eux, oui, meme parmi les plus serieux et les plus danois, ont succombe au desir secret d’etre celui qui, comme le prophete, pourrait enfin annoncer aux autres qu’il a trouve la clef, la clef magique qui ouvre la petite porte derobee derriere laquelle on peut enfin apercevoir et reconnaitre, comme le dit le titre de l’ouvrage classique de Pierre Mesnard, Le vrai visage de Kierkegaard ? Combien d’entre eux, en somme, ont cru plus d’une fois avoir decouvert, fut-ce au prix d’un certain parfum de scandale que l’on aime tant preter a ses idoles, le Rosebud hollywoodien qui revelerait retrospectivement aux yeux de tous le sens profond et dissimule de l’enigme kierkegaardienne, a considerer qu’il y en ait vraiment un(e) ?
A l’inverse du Rosebud d’Orson Welles, cette note secrete de Charles Foster Kane que personne ne parviendra a decouvrir et qui s’evanouira dans les flammes de l’oubli, le Rosebud kierkegaardien n’existe pas. Non pas tant parce que Kierkegaard, qui a fait tout ce qui etait en son pouvoir pour amenager a son gout la rencontre avec ses futurs biographes, a ecrit qu’on ne le trouverait pas – ce que tous ceux qui l’ont cherche savaient pourtant bien. Mais plus surement parce que Kierkegaard a lui-meme fabrique l’idee de ce secret.