
Auteur : Anne Brochet
Date de saisie : 10/04/2008
Genre : Romans et nouvelles – francais
Editeur : Seuil, Paris, France
Collection : Cadre rouge
Prix : 16.00 / 104.95 F
ISBN : 978-2-02-096797-6
GENCOD : 9782020967976
Sorti le : 07/02/2008
- Le choix des libraires : Choix de Anouk de la librairie LA MUSE AGITEE a VALLAURIS, France – 17/09/2008
A lire les nouvelles d’Anne Brochet, on se sent un peu comme un enfant qui arracherait les pattes d’une mouche une par une pour voir comment elle volerait.
Ainsi, une femme debordante de desir se prepare a rencontrer un homme qui ne bande pas, une autre croit pouvoir se payer un amant accroc qui va lui voler son argent. Une femme abandonnee, une autre obese, une qui ecrase des grillons aussi fort qu’elle meprise son homme. Ces memes hommes sont absents, mais leurs petites lachetes se tricotent au coeur de toutes ces histoires. Des ratages, des obsessions, du sexe energique mais sans amour, le tout ecrit avec beaucoup de precision et d’humour. A nous voir si minables sans nos ailes pour nous envoler, on en aurait presque pitie pour les mouches.
- Les presentations des editeurs : 17/09/2008
Une femme reve d’etre une chatte
une femme a envie d’une chose
une femme s’imagine des choses
une femme se prend pour un chimpanze
une femme prend son amant pour un grillon
une femme se voit dans un hamster
- La revue de presse Jean-Louis Ezine – Le Nouvel Observateur du 10 avril 2008
La Fortune de l’homme et autres nouvelles expose et detaille sans retenue, mais avec un humour discret et une elegance sans pareille, les frustrations delirantes de six femmes. Six bijoux de textes que l’on pourrait meme qualifier d’indiscrets sans craindre d’associer l’intrepide Diderot a cet hommage. Une performance rare, dans un genre ouvert habituellement a toutes les turpitudes. Elle confirme deux choses. La premiere, c’est que comme l’avait bien vu Raymond Queneau, le seksepu saksete. La deuxieme, c’est qu’Anne Brochet est un ecrivain decidement tres doue.
- La revue de presse Philippe Lacoche – Le Figaro du 3 avril 2008
On pourrait penser qu’il s’agit d’une actrice qui ecrit. Une de plus. Il n’en est rien. La lecture de La Fortune de l’homme et autres nouvelles prouve qu’Anne Brochet est un ecrivain. Un authentique ecrivain qui possede un univers fort et personnel. Elle est egalement une epatante raconteuse d’histoires…
La solitude de la femme m’interesse, reconnait Anne Brochet. Les hommes ont plus une capacite de repli. En tant que meres, les femmes ont l’obligation d’etre la malgre tout. Les hommes peuvent se retracter plus facilement. Et d’avouer qu’elle aimerait, par la suite, ecrire en se mettant dans la peau d’un homme. Ces nouvelles puissantes et evocatrices nous conduisent a attendre, une fois encore, le meilleur de cet auteur surprenant.
- La revue de presse Christine Ferniot – Lire, mars 2008
Epouse, maitresse, divorcee, mere de famille, Anne Brochet passe a la moulinette des archetypes feminins, les decryptant d’un petit air narquois…
Au cinema, au theatre (de Cyrano a Tous les matins du monde), l’actrice Anne Brochet semble toujours un peu en decalage avec la realite. Quand on l’interroge sur ses livres, elle dit qu’elle a toujours ecrit : de longues lettres a ses proches et a ses amoureux. Parallelement, elle retranscrivait ses reves chaque matin dans un cahier. Aujourd’hui, son ecriture, a la fois aigue et sensuelle, confirme ce sentiment de legere etrangete. Elle a le gout du detail, decrivant sans faiblir le fremissement des corps nerveux, des sexes tourmentes, melangeant le trivial et le poetique avec un bel aplomb, et reussit sa pirouette finale comme un fin sourire moqueur.
- Les courts extraits de livres : 17/09/2008
La fortune de l’homme
Elle s’etait arretee a une station-service. Le jour declinait. Il faisait encore tres chaud, tres lourd. Il lui restait deux heures de route, et trois avant le rendez-vous. Ca lui laissait le temps d’aller aux toilettes pendant cette halte, et une derniere fois dans la chambre d’hotel, juste avant qu’il n’arrive. Cela devait suffire, a condition qu’elle s’abstienne de boire entre-temps. Il fallait aussi qu’elle mange maintenant, pas trop, juste assez pour ne pas etre fatiguee, ne pas se sentir faible; elle aurait besoin de toutes ses forces. Elle verifia qu’elle avait bien pris un rasoir jetable qu’elle utiliserait tout de suite en arrivant, pour enlever les poils pubiens superflus et exposer un triangle net, irreprochable. Le rasoir etait bien dans son sac, ainsi que sa brosse a dents, un tube de dentifrice, du parfum et de la creme pour le corps. La lumiere du jour etait bleue, metallique. La station-service etait le dernier arret sur l’autoroute et elle n’avait pas l’intention de couper encore son elan avant d’entrer dans la ville. Elle avait reserve une chambre puis elle avait ecrit un SMS a l’homme pour lui donner le nom de l’hotel ainsi que le numero de la porte derriere laquelle elle l’attendrait. Elle avait encore du mal a croire qu’elle avait reussi cet exploit : obtenir un rendez-vous de lui. C’etait une victoire, la plus grande de sa vie, lui semblait-il. Son obstination avait paye. Elle gagnait toujours, quoi qu’il arrive. Elle parvenait toujours a le reconquerir, malgre les insultes, les longs mois de silence, les jours de peut-etre aujourd’hui, les jours de jamais plus.
Pendant tout le trajet elle avait ressenti des petits picotements dans les alveoles de ses poumons. Elle se les representait ainsi : des cavites a l’interieur des bronches semblables a du mou pour chats. Elle avait vu de cette viande exposee a la boucherie quand elle etait enfant, une matiere elastique et spongieuse, gorgee de membranes qui devaient probablement s’etirer avec l’afflux d’oxygene. Elle pensait qu’il y avait, dans son cas, des cloisons un peu retractees, un peu tendues, sans doute a cause de l’air conditionne de sa voiture, regle au maximum. Elle admettait qu’elle etait anxieuse de ce rendez-vous. Peut-etre ne viendrait-il pas. Peut-etre aurait-elle fait cinq heures de route pour rien; attendre dans une chambre d’hotel, guetter les bruits du couloir, l’ouverture d’un ascenseur, des pas feutres qui s’approchent, se prolongent puis s’eloignent. Elle aurait fixe son telephone portable seconde apres seconde dans l’attente qu’il clignote, annoncant un appel, et une voix dans l’appareil lui aurait murmure Tu me croyais assez con pour venir, dis-moi ?
Il y avait ce risque-la. Mais si elle passait cette etape, si elle le revoyait, s’ils se retrouvaient comme les amants qu’ils avaient ete autrefois, cela prouverait qu’ils etaient proteges de tout, que leur amour n’avait pas ete une illusion. Elle s’en remettrait a lui dans la confiance la plus totale. Elle etait prete a ne plus jamais douter de lui, prete a vivre des jours de silence dans la tendre comprehension de sa vie a lui, harassante, vertigineuse, comme il le lui disait, et dans laquelle il avait rarement le temps d’etre.
Dans la boutique de la station-service, elle avait fait ce qu’elle avait a faire : aller aux toilettes, acheter un paquet de bonbons au menthol, une bouteille d’eau parce qu’il n’y en aurait pas dans la chambre d’hotel, et manger un sandwich au poulet en tremblant un peu. En demarrant, elle savait a present qu’au bout de la route il y avait les bras de cet homme. Elle avait roule encore deux heures. Elle regardait l’horloge de loin en loin pour s’assurer qu’elle aurait le temps : le temps d’arriver dans la ville qu’elle connaissait a peine, le temps de trouver la rue de l’hotel, le temps de se doucher et de faire monter plus fort encore son desir.