Auteur : Alain Battegay | Jean-Paul Payet
Date de saisie : 15/04/2008
Genre : Sociologie, Societe
Editeur : Presses universitaires du Septentrion, Villeneuve-d’Ascq, France
Collection : Le regard sociologique
Prix : 24.00 / 157.43 F
ISBN : 978-2-7574-0039-5
GENCOD : 9782757400395
Sorti le : 10/04/2008
- Les presentations des editeurs : 09/04/2008
La reconnaissance a l’epreuve
Explorations socio-anthropologiques
La reconnaissance est a l’ordre du jour de debats tant scientifiques que politiques. Depuis quelques annees, la philosophie politique, sous l’impulsion notamment de C. Taylor, M. Walzer, A. Honneth, N. Fraser, fait une place importante a ce concept pour penser la maniere dont les societes contemporaines tiennent ensemble, alors qu’elles sont marquees par la pluralite des identites, la montee en puissance de l’individu et de la subjectivite.
C’est a l’analyse concrete de processus de reconnaissance que s’interessent les etudes sociologiques et anthropologiques proposees dans cet ouvrage. Elles mettent a l’epreuve les approches philosophiques de la reconnaissance au regard d’experiences situees et dans des contextes identifies (immigration, mouvements alternatifs, exclusion sociale, relations aux institutions, droits civiques, action humanitaire). Elles questionnent egalement le sens de la reconnaissance dans des contextes nationaux varies.
Au total, l’ouvrage propose moins une theorie de la reconnaissance qu’une methode d’exploration de la reconnaissance comme figure morale et politique des societes contemporaines.
Jean-Paul Payet est sociologue, professeur a l’Universite de Geneve. Il a mene de nombreuses enquetes sur l’ecole en milieu disqualifie, dans differents contextes nationaux (France, Afrique du Sud, Suisse, Tunisie). Sa reflexion theorique porte sur les transformations des institutions contemporaines et les formes d’expression des acteurs faibles.
Alain Battegay est sociologue CNRS (Lames/ MoDys – Aix-en-Provence/Lyon/Saint-Etienne). Il a mene de nombreuses enquetes sur les migrations et la maniere dont elles travaillent les villes et les societes, en France et au Moyen-Orient. Sa reflexion theorique porte sur les epreuves publiques du vivre ensemble dans les societes contemporaines.
- Les courts extraits de livres : 09/04/2008
La reconnaissance, un concept de philosophie politique a l’epreuve des sciences sociales
Jean-Paul PAYET et Alain BATTEGAY
Depuis quelques annees, le terme reconnaissance connait un succes certain. Il fait partie du vocabulaire de revendications qui s’expriment sur la scene publique, s’inscrit dans le lexique actuel des conflits, petits et grands, prives et publics, et dans leurs cadres d’interpretation et de comprehension. Il figure au programme de discours politiques et d’institutions qui entendent corriger ou amenager le travail du negatif opere par leur propre fonctionnement et par les mouvements du monde contemporain.
Dans le champ intellectuel, la reconnaissance a fait l’objet au cours des vingt dernieres annees d’un regain d’interet et de nouveaux developpements, particulierement chez les philosophes du politique. Moins qu’une theorie unifiee de la reconnaissance, ce sont des reflexions diverses qui se sont elaborees, diverses dans leurs traditions de pensee, dans leurs contextes nationaux de reference, dans leurs visees politiques. Le debat sur le multiculturalisme qui s’est developpe Outre-atlantique a ouvert une perspective articulant reconnaissance des groupes et reconnaissance des individus (Taylor, 1994, 1998 ; Walzer, 1986, 1997; Kymlicka, 2001). En Europe, la sociologie politique d’inspiration allemande, s’appuyant sur l’heritage philosophique hegelien, s’est interrogee sur la reconfiguration des conflits sociaux dans des societes post-industrielles soumises a une radicalisation de la modernite (Honneth, 2000). Le debat s’est ensuite focalise sur la pertinence d’une description de ces nouvelles dominations et injustices sous la categorie de la reconnaissance (Fraser, 2005).
L’idee de reconnaissance largement diffusee au-dela du seul champ intellectuel monte ainsi en puissance dans l’espace politique et mediatique et dans les langages ordinaires. Les chercheurs en sciences sociales s’attachent a en circonscrire les significations et les effets, et adoptent parfois le terme ‘reconnaissance’ dans leurs propres categories analytiques, pour en faire une problematique, une thematique ou encore un objet. Qu’ils enquetent dans les institutions, aupres de groupes sociaux, dans des territoires urbains ou sur des mouvements de societe, ils se mettent en position de dire comment des actions, des relations, des discours se reconfigurent en faisant de la reconnaissance un enjeu, voire une nouvelle forme de croyance sociale. Mais pour autant qu’ils ne se contentent pas de reconduire une position de surplomb, ils doivent prendre en consideration que leurs pretentions a elaborer une perspective en terme de reconnaissance sont elles-memes impliquees dans le jeu social, qu’elles n’echappent pas a une double hermeneutique (Giddens, 1994), ce qui les incite a revisiter leur role politique, ethique et moral.
Cet ouvrage se situe dans ce triple contexte socio-politique, scientifique et professionnel. Le processus de travail dont il est issu a ete initie par l’ARIESE, laboratoire d’idees et de pratiques de recherche dans les annees quatre-vingt a deux mille, dont les travaux ont porte sur des espaces publics et des recompositions urbaines en lien avec les figures du citadin et du migrant, sur des institutions publiques et des services urbains se reconfigurant sous l’effet d’usages et de publics, sur des experiences de populations en situation minoritaire et migratoire productrices de socialites. Ils se sont inscrits dans les horizons politiques et scientifiques qui ont ete ceux de la modernisation des services publics, des fabrications d’urbanites dans la ville a l’oeuvre, et ont accorde une attention privilegiee aux liens entre socialisation et ethnicite. Sur ces terrains controverses, surpolitises et sur-mediatises, favorables aux glissements vers le miserabilisme, l’eloge de la marge ou la condescendance embarrassee, l’effort a consiste a reouvrir l’horizon politique de la sociologie critique, en redecouvrant des heritages et des traditions academiques negliges.