Auteur : Virginia Woolf
Traducteur : Pierre Alien
Date de saisie : 00/00/0000
Genre : Essais litteraires
Editeur : Bourgois, Paris, France
Collection : Titres
Prix : 5.00 / 32.80 F
ISBN : 978-2-267-01872-1
GENCOD : 9782267018721
L’Alinea (Martigues)Dialogues (Brest)Durance (Nantes)Maison du livre (Rodez)Mollat (Bordeaux)Ombres Blanches (Toulouse)Sauramps (Montpellier)Thuard (Le Mans)
- Les presentations des editeurs : 29/10/2006
Quand Virginia Woolf deambulait sur les quais de la Tamise, dans les boutiques d’Oxford Street ou dans la maison de Dickens, elle aurait pu donner des lecons aux adeptes du nouveau journalisme, qui n’a jamais ete que celui du talent et de l’ecriture. Publies en 1931 1932 dans Good Housekeeping, ces cinq articles ont ete reunis pour la premiere fois aux Etats-Unis en 1975 par Frank Allman et edites en Angleterre par Hogarth Press en 1982 pour le centenaire de la naissance de Virginia Woolf. Le sixieme chapitre, paru en decembre 1932 dans Good Housekeeping ne figurait pas dans les editions americaine et anglaise de The London Scene et a fait l’objet d’une publication inedite par Christian Bourgois en 1984.
Nee a Londres en 1882, Virginia Woolf a grandi au sein d’une famille d’intellectuels. Apres la mort de ses deux parents, elle s’installe avec sa soeur en 1904 a Bloomsburry et forme le noyau du cercle intellectuel eponyme. Des 1905 elle commence a ecrire pour le supplement litteraire du Times. Son premier roman, The Voyage out, est publie en 1915. Elle est sujette a de frequentes depressions nerveuses qui ont marque toute sa vie et son oeuvre riche d’une vingtaine de titres, a la fois des essais et des romans. Grace au soutien permanent de son mari, Leonard, elle a aussi edite de grands auteurs etrangers, comme Dostoievski ou Freud, au sein de Hogarth Press, la maison qu’ils avaient fondee. Mais sa souffrance psychique est trop forte et Virginia Woolf se suicide en 1941.
- Les courts extraits de livres : 29/10/2006
Se peut-il que ce soit de la terre, qu’il y ait eu un jour des champs et des moissons sous cette desolation et ce desordre ? Arbres et prairies semblent une survivance incongrue, l’exemple d’une autre civilisation au milieu des usines a savon et des fabriques de papier peint qui ont elimine les gazons et les terrasses d’antan. Encore plus incongrue, nous depassons une vieille et grise eglise de campagne qui fait toujours sonner ses cloches et entretient la verdure de son enclos comme si les gens de la campagne venaient toujours a travers champs assister au service. Plus bas une auberge aux fenetres bombees evoque encore, etrangement, le plaisir et la dissipation. Vers le milieu du XIXe siecle c’etait le rendez-vous prefere des noceurs, et elle a figure dans certains des proces en divorce les plus celebres de l’epoque. Maintenant le plaisir est parti, le labeur est venu ; elle se dresse, abandonnee, telle une beaute dans sa parure de minuit qui regarde la plaine de boue et les fabriques de chandelles, tandis que des amas de terre malodorante ou des camions deversent sans cesse de nouveaux chargements ont entierement devore les prairies ou des amoureux, il y a cent ans, se promenaient en cueillant des violettes.
En remontant a la vapeur vers Londres nous rencontrons ses ordures qui descendent le fleuve. Des peniches chargees de vieux seaux, de lames de rasoir, d’aretes, de journaux et de cendres – – tout ce que nous laissons dans nos assiettes et jetons dans nos boites a ordures – dechargent leurs cargaisons sur le sol le plus desherite du monde. Voici cinquante ans que ces interminables tumulus exhalent vapeurs et fumees, abritent d’innombrables rats, se couvrent d’une herbe reche et drue et degagent un air acre et putride. Annees apres annees les tas montent plus haut, se font plus larges, plus herisses de boites en fer-blanc, les sommets couverts de cendres sont de plus en plus escarpes. Alors, le long de toute cette crasse, glisse avec indifference un grand vaisseau de ligne en partance pour l’Inde. Il se fraie un chemin vers la mer parmi les peniches depotoirs, les barges chargees d’ordures et les dragues. A main gauche, un peu plus loin, nous sommes brusquement surpris – cette vue bouleverse une fois de plus toutes nos proportions – par les batiments les plus majestueux qui semblent avoir jamais ete eleves de main d’homme.