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La traversee du Potomac

Auteur : Jeanne-Martine Vacher

Date de saisie : 17/07/2008

Genre : Romans et nouvelles – francais

Editeur : Ed. du Panama, Paris, France

Prix : 19.00 / 124.63 F

ISBN : 978-2-7557-0318-4

GENCOD : 9782755703184

Sorti le : 13/03/2008

  • Les presentations des editeurs : 17/09/2008

Novembre 1963, l’assassinai de John Fitzgerald Kennedy bouleverse la vie d’une jeune fille, plus une enfant, pas encore une femme. Pour ne rien perdre des derniers details du drame, elle se met a collectionner tous les articles de Match, du Monde ou de Marie Claire, l’oreille collee febrilement a la radio.
Son monde a elle, la petite bourgeoisie, et son drole de cocon : une mere, centre de son univers, et un pere a mi-temps.
Pour pimenter le quotidien, elle lit, en cachette, La Question d’Henri Alleg et Histoire d’O, ecoute Tous les garcons et les filles de Francoise Hardy, fait les quatre cents coups au lycee, babille avec ses copines, se baguenaude avec son copain Mark sur sa puissante moto…
Jusqu’au jour ou elle rencontre Eunyce, une jeune femme noire americaine, imprevisible, ecorchee vive. Avec elle s’ouvre un nouveau monde rythme par des echos de blues et de gospel, un monde brut ou les sentiments sont plus difficiles encore a dechiffrer, un monde ou chaque mot, chaque geste porte son poids d’incertitude.
Un roman emouvant et sensuel, ou l’histoire intime se mele a la grande Histoire, avec en bande-son Beethoven et la musique noire americaine.
Un recit intense sur la mort et sur la batardise : etre l’enfant cachee d’un pere arabe.

Jeanne-Martine Vacher est productrice de l’emission Decibels sur France Culture. Elle a publie la biographie de reference sur Janis Joplin, Sur la route de Janis Joplin, et un roman, Silence, tous deux parus aux Editions du Seuil.

  • La revue de presse Fabienne Pascaud – Telerama du 16 juillet 2008

Son recit est net, drole, cinglant, il va vite. Le monde traverse est marque de figures si vraies qu’on finit par entendre leurs voix. Un seul personnage est insaisissable : le pere dont la presence est toujours fugace…
Connue pour sa belle biographie de Janis Joplin, Jeanne-Martine Vacher construit une oeuvre qui touche aux grandeurs de l’amour quotidien sans artifice. Il y a la beaucoup a apprendre

  • Les courts extraits de livres : 17/09/2008

C’etait huit heures moins cinq en novembre. Un soir qui ressemblait a tous les autres. Dehors, la nuit etait pleine et le froid glacial. Dans l’appartement surchauffe, le gros poste radio acajou diffusait, comme a l’ordinaire, ses ondes apaisantes. Installee confortablement dans la petite cuisine orange, dedaignant les basses besognes scolaires, je lisais Histoire d’O tout en lechant avec delectation mon index droit que je trempais avec une regularite mecanique dans un pot de Tartinoise decouvert dans les reserves du placard. Soudain, le paysage radiophonique se brisa net. Les ondes se brouillerent, puis, d’un ailleurs quelque peu chaotique, surgit une voix lointaine et blanche :… Stupeur et desolation… surprise horrifiee sur les visages… Los Angeles… l’effroi et le recueillement. Effroi, recueillement, effroi, recueillement, effroi… Les mots virevoltaient dans ma tete, ne me lachaient plus, l’un, bref, fouettant l’air, l’autre s’etirant en une sonorite sourde et mouillee, intime psalmodie, effrenee et delicieuse sarabande virant en quelques secondes a une cacophonie plaisante et desarticulee, froi cueille, froi / cueille, froaaac, froaaac, fraacc, exercice absurde et rejouissant, auquel j’aurais pu m’abandonner des heures si ce qui etait devenu pour moi un arriere-plan sonore inhabituel, fievreux et agite, n’avait fini par forcer mon attention. Je tendis l’oreille, me mis a ecouter les voix aux accents melodramatiques… Victime d’un attentat…, … subir une transfusion…. Les choses, manifestement, prenaient mauvaise tournure. Une certaine Lise jeta : Et les enfants ? Ou sont les enfants ? La question, brutale dans sa simplicite, m’assaillit, s’insinua en moi, aiguille tenue, portee au rouge, infiltrant la chair. La femme, elle, haussait la voix de plus belle : etait-elle vraiment terrifiee par sa propre question ou s’agissait-il seulement de se faire entendre de l’homme lointain et invisible avec lequel elle avait tant de mal a converser ? Ou sont les enfants ? Les mots suintaient de peurs innommees. La liaison fut de nouveau interrompue. L’on entendit encore une suite de gresillements agressifs, puis quelques secondes de silence… Enfin, la fameuse Lise qui s’epoumonait toujours a Paris se resigna a annoncer ce que l’on savait deja : la liaison avait ete coupee… Ce stupide jeu de cache-cache radiophonique etait propre a mettre les nerfs en pelote. Une chose etait sure, la vie, la-bas, avait bascule et, curieusement, je me sentis, moi aussi, en desequilibre. Le rythme des voix qui semblait avoir retrouve son cours habituel, lent et compasse, a nouveau, s’accelera : … Meme a Dallas, on pense que ce geste ne peut qu’etre l’oeuvre d’un fou. La seule mention de la cite texane declencha, chez moi, comme par reflexe, le ricanement qui constituait ma marque de fabrique et qui agacait tant les populations familiales. Moi, j’en etais tres fiere. Je l’avais travaille sans relache, apres l’avoir entendu dans Le Traitre du Texas. Une reference cinematographique qui me paraissait tout a fait appropriee a l’instant present. Quant a l’oeuvre d’un fou, pas la peine d’aller chercher loin, ce ne pouvait qu’etre encore un coup de Billy the Kid, un petit gars, ne en novembre comme moi et qui avait eu sa premiere grosse embrouille a douze ans…
Le poste faisait maintenant un bruit d’enfer qu’entrecoupaient brutalement des silences, veritable charge de brigade legere qui aurait soudain pris du poids. Je fus saisie d’un acces de rage impuissante et administrai une bastonnade en regle a l’appareil. Il redemarra aussitot : … deux pretres catholiques viennent d’etre appeles… Le moindre detail qui entourait la tragedie, marque du sceau du pittoresque, de la soudainete, de la precipitation, m’excitait maintenant prodigieusement, sans effacer toutefois le trouble etrange qui s’etait empare de moi, s’aiguisant meme lorsque je repensais aux enfants. Les enfants. Ou etaient-ils ? Que savaient-ils ? Avaient-ils appris la nouvelle que diffusaient deja les Lise du monde entier : Le President Kennedy vient de mourir, trente-cinq minutes exactement apres avoir ete touche par les balles du tueur inconnu. A cet instant precis, j’entendis la clef dans la serrure. Le hasard avait decidement un sens deconcertant de la dramaturgie. Le petit bruit, familier a mon oreille, sonna comme chaque soir la fin de ma solitude, annoncant le debut de la geste domestique. Ma mere lanca un joyeux c’est nous !. Je me levai d’un bond, propulsee par la fievre trouble du journaliste en possession d’un scoop tragique. Sans meme les embrasser, je me campai face a eux et, l’air grave de celle qui sait, je leur balancai, d’un trait, la terrible nouvelle, me regalant d’avance d’une stupeur dont, pour quelques secondes, j’etais maitresse. Tres loin, aux confins les plus tenebreux de mon esprit, j’avais enfoui l’effrayante question. Ou sont les enfants ?