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La vie aventureuse d’un drole de moineau

Auteur : Trevor Ferguson

Traducteur : Jacques Fontaine | Marie-Madeleine Raoult

Date de saisie : 12/10/2007

Genre : Romans et nouvelles – etranger

Editeur : Ubu editions, La Madeleine-de-Nonancourt, France

Prix : 22.00 / 144.31 F

ISBN : 2-35197-001-2

GENCOD : 9782351970010

Sorti le : 09/02/2006

  • Les presentations des editeurs : 13/10/2007

Sparrow Drinkwater nait dans un asile de fous au Mississippi, d’une mere excentrique en proie a ses demons. Chasses, ils sont soudainement propulses dans le monde reel avant d’etre separes.

Des lors, se faisant terrassier, cambrioleur, amant, homme d’affaires, Sparrow n’aura de cesse de vouloir retrouver sa mere et de decouvrir qui manipule les fils de leur existence.

Loufoque, peuple de personnages aussi improbables que fascinants, La Vie aventureuse d’un drole de moineau est un fabuleux roman. Des annees 60 aux annees 80, des happenings americains aux OPA hostiles dans les Bahamas, Ferguson libere un imaginaire debride et s’inscrit definitivement comme un ecrivain majeur du continent americain.

Trevor Ferguson est ne en Ontario en 1947. Il est l’auteur de six romans, dont Train d’enfer et La Ligne de feu, et de romans policiers publies sous le pseudonyme de John Farrow.

Avec son art de l’anecdote, du portrait, son langage gai, fleuri et leste, Ferguson confirme ce que nous devinions deja depuis longtemps : la toute-puissance de son talent – Olivier Le Naire, L’Express

  • Les courts extraits de livres : 13/10/2007

Coeurs flottants

Est-il vrai que la vie humaine a emerge d’un marecage ? A la fin des tenebres, lassees de la fange et du limon et languissant apres quelque souffle succulent au-dela de l’air fetide, les amibes ont-elles un jour desire changer d’adresse ? Je me le demande. La vie parmi les detritus et les bestioles repoussantes est-elle devenue trop contraignante pour certaines ames sensibles qui, seduites par un royaume esoterique, ont entrepris de se frayer sur terre un passage dans le temps ? En une exacte recherche, disons, du paradis ? Ou encore, a une autre echelle, tout effort humain n’est-il en fin de compte qu’une querelle de succession ? Devons-nous admettre que le veritable sens de la vie se trouve au-dela des mobiles qui l’animent ? Existe-t-il quete plus importante que la ruee vers le pouvoir, la renommee, la richesse ou, a tout le moins, pour avoir la chance d’etre photographie ? Je pose la question : pouvons-nous honnetement accepter que la vie humaine provienne d’un marecage ?
La mienne, oui. Voila tout ce que je peux affirmer avec certitude sur les origines de mon espece. J’ai emerge d’un marecage. Le plus souvent, je m’en tiens a ca.

L’obscurite est son alliee. La nuit s’ouvre a elle sans danger.
A quatorze ans, moins d’un an avant ma naissance, ma mere avance doucement dans le noir. Elle s’oriente du bout des doigts en suivant comme sur une carte les lezardes des murs. Des eclats de clair de lune zebrent sa peau. Agile, elle s’echappe du dortoir de son ecole, glisse dans la penombre de la cour vers l’emancipation ephemere du champ. C’est une habitude nocturne. Ma mere fait le mur comme d’autres mouillent leur lit.
Et personne ne le sait. Ne la voit. Ne l’entend parler aux demons qui s’agitent dans le champ ou courir, terrifiee par les railleries des esprits haut perches dans les arbres. Ce ne sont pas les branches qui l’effraient, petite sotte, ni les bruissements furtifs ou les craquements soudains. Ce n’est pas le vent et ses fredaines qui la poussent a travers champ et prairie dans l’intimite du boise qui surplombe le marecage. N’accusez pas les demons qui se cachent, blesses par leur laideur et leur mediocrite. Montrez plutot du doigt ces esprits legers qui reclament leur propre delivrance. Des esprits souilles par l’ecorce et le maranta, lourds de desespoir, qui luisent sous le clair de lune comme de l’argent terni. Ce sont eux, surtout, qui lui font peur. Ils l’appellent par son nom, pretendent etre ses amis. Lui chuchotent des mots, de vrais mots. Et quand elle s’enfuit, ils crient – et elle doit courir en se bouchant les oreilles. Ma mere doit s’enfuir vers le doux boise, descendre jusqu’au marecage ou les arbres et les demons dans les arbres et le vent beni font tout un vacarme, engendrent la pestilence, la delivrent de cette horde d’etrangers, de monstres et d’amis.
Haletante, elle reprend son souffle, connait un moment de paix.
Elle est venue la ou elle se sent chez elle.
Comme une chatte, ma mere se creuse un petit trou dans la terre mouillee et, sous l’augure d’un croissant de lune, elle s’accroupit pour faire pipi dans la profondeur sinistre de la nuit.