Auteur : Jason Goodwin
Traducteur : Fortunato Israel
Date de saisie : 27/03/2008
Genre : Policiers
Editeur : 10-18, Paris, France
Collection : 10-18. Grands detectives, n 4110
Prix : 8.60 / 56.41 F
ISBN : 978-2-264-04644-4
GENCOD : 9782264046444
Sorti le : 20/03/2008
- Les presentations des editeurs : 04/04/2008
Istanbul, 1836. L’eunuque Hachim, repute pour son flair et sa discretion dans toute la ville, mene l’enquete pour le compte du sultan Mahmud II. Les corps de quatre officiers de l’armee sont retrouves dans differents lieux de la capitale ottomane. Une jeune femme du harem royal a egalement ete assassinee. Derriere cette serie de meurtres barbares, Hachim decouvre l’ombre des terribles janissaires, confrerie sanguinaire dont les exactions terroriserent Istanbul avant leur aneantissement, quelques annees auparavant. Du Grand Bazar a la Corne d’Or, des etroites ruelles medievales aux corridors du palais de Topkapi, Hachim arpente la cite imperiale, grouillante d’activite, eblouissante et delabree, sur les traces des mysterieux janissaires…
Biographie de l’auteur Jason Goodwin a etudie l’histoire byzantine a l’universite de Cambridge. Il est l’auteur d’une histoire de l’Empire ottoman et d’un recit de voyage intitule Chemins de traverse (Phebus, 1995). Le Complot des Janissaires, couronne par le Edgar Award en 2007, et Le Tresor d’Istanbul (Pion, 2008) sont les premiers tomes d’une serie d’enquetes menees par Hachim, le detective ottoman. Tous deux ont ete selectionnes pour le Ellis Peters Historical Crime Award.
Traduit de l’anglais par Fortunato Israel
“Grands detectives” dirige par Jean-Claude Zylberstein
- Les courts extraits de livres : 04/04/2008
D’une chiquenaude Hachim delogea un grain de poussiere de sa manchette.
– Autre chose, marquise, murmura-t-il. (Elle le regarda sans sourciller.) Les papiers.
La marquise de Merteuil laissa echapper un petit rire.
– Flute ! Monsieur Hachim, depravation n’est pas un mot que nous reconnaissons a l’Academie. (Jouant de son eventail, elle lanca d’une voix sifflante 🙂 C’est un etat d’esprit.
Hachim sentait deja son reve s’effriter.
La marquise avait tire de son decolletage un papier dont elle usait comme d’un petit marteau pour tapoter sur la table. Il regarda de plus pres. C’etait un vrai.
Toc, toc, toc.
Il ouvrit les yeux et regarda alentour. Le chateau de Merteuil se dissipa sous la lueur de la bougie. Des ombres inquietantes surgirent des rayons charges de livres et des coins de la piece. Il s’agissait plutot d’une piece et demie dans une maison d’Istanbul divisee en appartements, ou Hachim vivait seul. L’edition en cuir des Liaisons dangereuses avait glisse sur son giron.
Toc, toc, toc.
– Evet, evet, grommela-t-il, j’arrive. (Il mit une cape sur ses epaules, enfila des babouches jaunes puis se dirigea d’un pas trainant vers la porte.) Qui est-ce ?
– Un page.
Plutot rassis pour l’emploi, se dit Hachim en faisant entrer dans la piece sombre le vieil homme malingre. Le brusque courant d’air affola l’unique bougie. Deux ombres engagees dans un combat de boxe se mirent a danser sur les murs jusqu’au moment ou, d’un coup de dague, la silhouette du page transperca son adversaire. Hachim prit le rouleau de papier et jeta un coup d’oeil sur le sceau. De la cire jaune.
Avec le pouce et l’index il se frotta les yeux. Quelques heures plus tot, il scrutait encore l’horizon tenebreux, cherchant dans la bruine des lumieres et le rivage. La flamme vacillante de la bougie lui rappela le balancement d’une autre lampe dans une cabine, la-bas en haute mer, lors des tempetes hivernales. Le capitaine etait un Grec au torse bombe, avec une taie sur l’oeil et une allure de pirate. A cette periode de l’annee, la mer Noire etait traitresse. Mais il avait eu malgre tout de la chance de trouver a s’embarquer. Meme aux pires moments de la traversee, quand le vent hurlait dans le greement, que les vagues fouettaient le gaillard d’avant, qu’il s’agitait et vomissait sur sa petite couchette, Hachim s’etait dit que tout valait mieux qu’attendre la fin de l’hiver dans ce palais en ruine de Crimee, cerne par les ombres de cavaliers intrepides, ronge par le froid et la grisaille. Il lui fallait rentrer au pays.
De son pouce, il brisa le sceau d’un coup sec.
L’odeur de la mer dans les narines et le sol se derobant encore sous ses pieds, il tenta de se concentrer sur le texte calligraphie.
Il soupira et mit de cote le document. Au mur etait vissee une lampe qu’il alluma avec la bougie. Les flammes bleutees monterent lentement de l’etoupe calcinee. Hachim remit en place le verre et tailla la meche jusqu’au moment ou la lumiere incertaine devint jaune et stable. Peu a peu, la piece tout entiere se trouva eclairee.
Il reprit le parchemin que le page lui avait donne et le deroula.
Salutations, et c?tera. Au bas, il vit le paraphe du seraskier, le commandant pour la ville de la Nouvelle Garde, l’armee de l’Empire ottoman. Felicitations, et c?tera. Il revint au debut de la lettre. L’experience lui avait appris a dechiffrer en quelques secondes une missive de ce type. L’essentiel etait la, glisse parmi les civilites : une convocation immediate.
– Eh bien ?
Le vieil homme etait au garde-a-vous.
– J’ai recu ordre de vous ramener sur-le-champ a la caserne.
Il lanca un coup d’oeil hesitant sur sa cape. Hachim sourit et prit une bande d’etoffe qu’il s’enroula autour de la tete.
– Je suis pret, dit-il. Allons-y.
Hachim savait que sa tenue importait peu. Il avait pres de quarante ans, etait grand, bien bati, avec une epaisse toison de boucles noires et quelques cheveux blancs. Point de barbe mais une moustache sombre aux pointes relevees, les pommettes hautes des Turcs et les yeux gris brides d’un peuple qui avait passe des milliers d’annees sur la grande steppe eurasienne. Avec un pantalon a l’europeenne, peut-etre l’aurait-on remarque, mais pas avec une cape brune. Il passait presque inapercu. C’etait la son talent singulier, si toutefois il en avait un. Sans doute, comme avait dit la marquise, etait-ce un etat d’esprit. Un etat du corps.