
Auteur : Jacques Abeille
Illustrateur : Michel Guerard
Date de saisie : 18/10/2007
Genre : Science-fiction, Fantastique
Editeur : Ginkgo, Boulogne-Billancourt, France
Collection : Deleatur
Prix : 25.00 / 163.99 F
ISBN : 978-2-84679-053-6
GENCOD : 9782846790536
Sorti le : 18/10/2007
L’Alinea (Martigues)Dialogues (Brest)Durance (Nantes)Maison du livre (Rodez)Mollat (Bordeaux)Ombres Blanches (Toulouse)Sauramps (Montpellier)Thuard (Le Mans)
- Les presentations des editeurs : 03/11/2007
Sur toute la contree, depuis les rebords amers du plateau dont les flancs se craquelaient de combes ou les torrents menaient sans relache leur tapage jusqu’aux mornes pentes des Hautes Brandes dont les sentes s’engoncaient sous des arceaux d’aubepines tassees comme des fous rires et, entre les deux, bien sur, sous les denses nuees de la foret qui etirait ses membres gourds au vent soudain tiedi, sur toute la contree, en tout lieu et tout asile et meme sur l’onde sans remords, cette odeur verte comme une femme. Et, quand le vent se suspendait, le gout sauvage du silence.
Ecrit en 1976-1977, le Veilleur du Jour fut publie chez Flammarion en 1986 dans la prestigieuse collection l’Age d’or. A la fois roman d’enigme, recit d’aventures et livre de memoire, tisse de relations metaphoriques a la litterature et au tarot divinatoire, ce deuxieme volume du Cycle des contrees (apres les Jardins statuaires ! est aussi une reflexion premonitoire sur le pouvoir et ses ambiguites.
Jacques Abeille, ce “pieton de Bordeaux”, calligraphie sa ville de ses deambulations romanesques. De la place de la Victoire a l’esplanade des Quinconces, des “cours” aux “barrieres”, ses periples urbains eveillent une ville latente dont lui seul a la cle. A l’insu des passants, quand il marche dans Bordeaux, il traverse en fait Terrebre, cette megalopole qui est le lieu de son second roman : le Veilleur du Jour.
J.-D. Wagneur, Liberation 11986)
Jacques Abeille
Ne en 1942, orphelin en 1944, recueilli par un oncle haut fonctionnaire dont il suit les peregrinations a travers la France jusqu’a l’ete 1959, ou il debarque a Bordeaux venant de Guadeloupe. Decouvre le surrealisme et intervient dans la revue La Breche. Frequente le peintre erotique Pierre Molinier. Membre du groupe surrealiste bordelais Parapluycha. Etudes superieures de psychologie, philosophie et litterature ; puis professeur agrege d’arts plastiques. Pere de trois enfants. (La Nouvelle Revue moderne.)
- Les courts extraits de livres : 03/11/2007
Sur toute la contree, depuis les rebords amers du plateau dont les flancs se craquelaient de combes ou les torrents menaient sans relache leur tapage jusqu’aux mornes pentes des Hautes Brandes dont les sentes s’engoncaient sous des arceaux d’aubepines tassees comme des fous rires et, entre les deux, bien sur, sous les denses nuees de la foret qui etirait ses membres gourds au vent soudain tiedi, sur toute la contree, en tout lieu et tout asile et meme sur l’onde sans remords, cette odeur verte comme une femme. Et, quand le vent se suspendait, le gout sauvage du silence. Jour apres jour, de chemin en chemin selon des pentes capricieuses qu’il ne choisissait jamais, il devait arracher douloureusement chacun de ses pas a ces enchantements, comme si, sans le savoir, il eut pousse devant lui une naissance sourde. Alors il souffrait peut-etre, mais les charmes se disperserent dans les collines et, lorsqu’il eut atteint la grande plaine des vignes, hallucine dans l’incessant eventail de leurs rangs, il connut l’angoisse de ne plus rien sentir qui meritat d’etre aime et n’aspira plus qu’a mettre enfin le pied sur la route qui entrait dans Terrebre.
Terrebre. Ce nom couvrait un empire et c’etait celui d’une ville. Aucun etre humain, dans cet immense espace que reglait une administration pullulante, ne pouvait l’ignorer. A cause de ce nom qui s’imprimait au bandeau de tant de frontons, a l’entree de tant de villes sur les bornes desquelles il dominait le nom local et de tant de temples comme si toute consecration ne se pouvait tenir que de lui, au sommet des gazettes dont le titre ne venait que plus bas et sur les murs en depit de leur lepre officialisant le moindre placard, il s’etait attendu a voir surgir la ville d’un bloc au-dessus de la campagne, ordonnee et dressant, comme les lettres de son nom, ses formes austeres contre un ciel vierge. La confusion extreme – voila ce qui lui fit connaitre premierement, dans une grande deconvenue, qu’il etait aux abords de la ville. Il fallut meme quelque temps pour que se dissipassent les illusions de son esprit ou chaque chose percue gravait une trace indelebile – mais qui ne se laissait dechiffrer que fort mal et toujours tardivement, comme s’il etait hante par un oubli vigilant; un temps incertain et a jamais perdu pendant lequel il avait du s’engager dans la ville sans savoir, en sorte qu’il ne la percut d’abord que comme un piege cauteleusement ourdi et auquel il n’y avait jamais eu de commencement.
Il etait venu a pied, marchant sans hate le long des chemins deserts, couchant sur la terre poudreuse des appentis abandonnes, dans le foin craquant des granges rares et sous le porche des temples ecartes et vides dans un bosquet de chenes ou de cedres, mangeant ce qu’on lui donnait ou les fruits de menus larcins quand les paysans etaient avares. Il avait descendu les pentes selon les caprices des cours d’eau ou il se baignait au crepuscule, attentif aux tremblants debats des oiseaux. Contre son ventre, dans une double ceinture de peau de serpent dont la boucle s’ajustait sur ses reins, il tenait serrees quelques lourdes pieces, comme on n’en voyait plus guere s’echanger, et trois billets ternis d’avoir peu circule. Ce n’est qu’en abordant la route qu’il avait du puiser dans cette reserve.