Auteur : Goliarda Sapienza
Traducteur : Nathalie Castagne
Date de saisie : 15/02/2008
Genre : Romans et nouvelles – etranger
Editeur : Viviane Hamy, Paris, France
Prix : 22.00 €
ISBN : 978-2-87858-267-3
GENCOD : 9782878582673
Sorti le : 15/02/2008
- Le choix des libraires : Choix de Bernard Pradie de la librairie MAISON DE LA PRESSE SAINT-MARTIAL a LIMOGES, France (visiter son site) – 30/04/2008
“Je n’eus plus froid, et de lui j’appris que la chair a un gout de pain chaud sortant du four, que la salive desaltere, que les larmes nourrissent avec leur sel…”
“Le fil d’une vie” rassemble “Lettre ouverte” et “Le Fil de midi”, recits autobiographiques prefigurant l’intense “L’Art de la joie” (paru en 2005 chez le meme editeur). Intemporel et donc actuel. Ne passez pas a cote…
- Les presentations des editeurs : 26/02/2008
Chaque personne a droit a son propre secret et a sa propre mort. Et comment puis-je vivre ou mourir si je ne rentre pas en possession de ce droit qui est le mien ? C’est pour cela que j’ai ecrit, pour vous demander de me rendre ce droit. […] et si je meurs foudroyee par l’eclair de la joie, si je meurs videe de mon sang par les blessures ouvertes d’un amour perdu que rien n’aura pu refermer, je vous demande seulement ceci : ne cherchez pas a vous expliquer ma mort, ne la cataloguez pas pour votre tranquillite, mais tout au plus pensez en vous-memes : elle est morte parce qu’elle a vecu.
La matiere de L’Art de la joie est deja presente dans ces ecrits existentiels; bien de ses elements transmues aboutiront a cette autobiographie essentielle qu’est tout veritable roman. Ou Goliarda Sapienza va mettre en jeu sa propre vie, comme elle la met en jeu ici, directement, avec une intrepidite, une force, un discernement, d’autant plus emouvants qu’ils naissent de la fragilite que nous lui decouvrons. De quels enchantements, de quel chemin plein d’entraves sont issus sa puissance et son art de la joie ? Lisons, pour le savoir, ce double temoignage qui s’offre comme une archeologie de Modesta.
Le Fil d’une vie rassemble Lettre ouverte et Le Fil de midi, deux recits autobiographiques de Goliarda Sapienza, l’auteur de L’Art de la joie paru en 2005 aux Editions Viviane Hamy.
- La revue de presse Rene de Ceccatty – Le Monde du 4 avril 2008
Elle entreprenait vers 40 ans de decrire son enfance, puis de relater ses entretiens psychiatriques. Son enfance et son adolescence sont tracees a grands traits, souvent deliberement obscurs, parfois remarquablement mis en scene, avec un art qui annonce la romanciere d’un livre unique qu’elle sera. Ses seances de psychotherapie sont des lecons de lucidite, si peu heterodoxes soient-elles, comme le souligne Nathalie Castagne dans sa preface. Les analyses de reve a deux tentent de mettre a nu les motifs d’un malaise persistant et confinant a un reel delire. Trop de modeles (la mere, mais aussi le mari, Francesco Maselli, cineaste engage, et sa soeur Titina Maselli, peintre et decoratrice de renom) et trop peu de “realite”. Le reve se substitue rapidement a cette realite. La solution, on le verra, sera dans la redaction d’un chef-d’oeuvre, ou plutot d’une oeuvre sans modele. “Je dois naitre encore une fois, ecrit lucidement Goliarda Sapienza a la fin de son deuxieme recit, je nais avec sang et chair dechiree autour de ma tete…”…
Il y a quelque chose de profondement emouvant a suivre le destin si atypique de Goliarda Sapienza.
- Les courts extraits de livres : 26/02/2008
Ce n’est pas pour vous importuner avec une nouvelle histoire ni pour faire un exercice de calligraphie, comme j’en ai longtemps fait, moi aussi ; ni par besoin de verite – ca ne m’interesse aucunement – que je me decide a vous parler de ce qui me pese depuis quarante ans sur les epaules, sans que je l’aie compris. Vous penserez : pourquoi ne se debrouille-t-elle pas toute seule ? De fait, j’ai essaye, beaucoup essaye. Mais, vu que cette recherche solitaire m’amenait a la mort – j’ai failli deux fois mourir de ma propre main, comme on dit -, j’ai pense que se defouler avec quelqu’un serait mieux, sinon pour les autres, du moins pour moi. Et que cela fasse du bien de parler de ce qui nous concerne, il m’a fallu en faire l’experience, ca a quelque fondement reel. Comme je vous l’ai dit, ces quarante ans, ou plutot les premiers vingt ans de ces quarante ans, a force de vouloir sciemment les ignorer, se sont tellement embrouilles que je ne parviens pas a les demeler, a faire de l’ordre. Malheureusement, je suis tres ordonnee, je dirais meme un peu maniaque : si bien que les faits passes me projettent comme une mouche contre les murs de cette piece qui s’est trop remplie. Vous comprenez, j’y vis depuis toujours. Il y a des livres, naturellement, des tableaux, des miroirs, des tables, tant de tables qu’elles s’empilent les unes sur les autres, des objets inutiles que j’ai achetes ou qu’on m’a offerts et que je n’ai pas ose refuser. Je vous explique : aujourd’hui Dina est venue comme d’habitude pour faire le menage ; elle vient deux fois par semaine. Et en epoussetant un petit animal stylise – suedois, bien sur – que George m’a offert, elle s’est exclamee a mi-voix : Qu’il est laid ! Je le savais, je le sais depuis qu’il me l’a offert : mais l’entendre dire m’a fait me souvenir combien il est reste laid durant toutes ces annees. Et le soupcon m’est venu qu’on ne veuille jamais se defaire des choses laides qui nous tombent entre les mains parce que nous pensons que notre voisinage peut les ameliorer. Et ainsi, avec ce soupcon qui a entame mon assurance, j’ai jete le petit animal et je me suis decidee a vous parler.
Excusez-moi encore, mais j’ai besoin de vous pour etre en mesure de me debarrasser de toutes les choses laides qu’il y a ici dedans. En parlant, a la reaction de qui vous ecoute, on peut comprendre ce qu’il faut garder et ce qu’il faut jeter. J’ai besoin de vous pour me liberer de toutes les choses inutiles qui emplissent cette piece. J’ai la bouche pleine de leur poussiere. J’ai dit un minimum d’ordre, pas de verite.
Vous aussi, vous associez le mot ordre au mot verite, et le mot intelligence au mot bonte ? J’ai toujours fait cette erreur. Ne vous meprenez pas, il ne s’agit pas de verite ; mais seulement d’un minimum d’ordre dans toutes ces non-verites, dans lesquelles, en naissant, ou mieux – comme disait mon frere Ivanoe – en tombant du celebre chou sur la terre, je me suis retrouvee d’abord a ramper, et ensuite a marcher. Je ne voudrais pas jeter le discredit sur les morts et sur les vivants que j’ai rencontres, mais vu que m’ont ete dits, comme a tout le monde du reste, plus de mensonges que de verites, comment pourrais-je maintenant, moi, esperer vous parler en imaginant arriver a un ordre-verite ? Et non : je crois vraiment que cet effort, l’effort que je vais faire pour ne pas mourir etouffee dans le desordre, sera une belle enfilade de mensonges.
Mais allons ! Esperons, du moins, parvenir a les demeler, de facon a ce qu’on puisse passer le chiffon a epousseter sans tomber sur un petit vase ebreche, un petit miroir ancien, une montre arretee a deux heures et demie (depuis quand ?).
L’un des premiers mensonges, sur lesquels j’ai bute en tombant du chou, fut de croire que les sept personnes, garcons et filles, qui dormaient, s’agitaient, mangeaient, baillaient sous notre toit, etaient tous mes freres et soeurs ; que la maison ou nous vivions nous appartenait ; que tout le monde m’aimait beaucoup ; que mon pere etait sicilien et ma mere lombarde. La premiere verite, ou qui resonna pour moi comme telle, me fut dite par mon frere Carlo un matin ou il me poussait a l’eau du precipice d’un petit escalier de bois de l’Ognina ‘ pour que je nage : et j’avais peur.