Auteur : Marie-Bernadette Dupuy
Date de saisie : 04/05/2008
Genre : Romans et nouvelles – francais
Editeur : Presses de la Cite, Paris, France
Collection : Terres de France
Prix : 21.50 / 141.03 F
ISBN : 978-2-258-07598-6
GENCOD : 9782258075986
Sorti le : 07/05/2008
- Les presentations des editeurs : 05/05/2008
Amours impossibles et secrets de famille : en Charente, les aventures semees d’embuches d’une jeune fille rebelle et d’un bagnard, a la fin du XIXe siecle.
Dans la vallee des Eaux-Claires, la jolie Claire, au temperament rebelle, mene une jeunesse insouciante dans les ateliers du moulin ou son pere fabrique du papier et la campagne environnante ou elle se promene avec le loup qu’elle a recueilli.
Bientot, tout s’effondre : accable de dettes, son pere la promet en mariage au fils d’un riche proprietaire, a qui elle voue une haine farouche. Or, un soir, Claire rencontre Jean, un jeune bagnard en cavale. La passion va lier ces deux etres que tout oppose. Mais il est des chaines impossibles a briser…
Avec Le Moulin du loup, Marie-Bernadette Dupuy revient a ses racines charentaises, dans le cadre superbe de la vallee des Eaux-Claires, site mysterieux et charge d’histoire.
Marie-Bernadette Dupuy est originaire d’Angouleme. Elle est l’auteur de nombreux ouvrages historiques et romans policiers. Elle dirige egalement le magazine Promenades, qui met en valeur les beautes du Sud-Ouest. Elle a deja publie quatre romans Terres de France : L’Orpheline du bois des Loups, Les Enfants du Pas du Loup, La Demoiselle des Bories et Le Chant de l’Ocean.
- Les courts extraits de livres : 05/05/2008
La battue aux loups
Vallee des Eaux-Claires, janvier 1897
– Vous avez entendu ? Ces maudites betes se rapprochent… Hortense, l’epouse de Colin Roy, maitre papetier, se signa.
Sa fille Claire et sa niece Bertille, attablees l’une en face de l’autre, s’immobiliserent pour guetter le hurlement des loups. Un meme frisson les parcourut. Ce n’etait pas a cause du courant d’air glace qui se glissait au ras de la porte… Les appels repetes que lancait la meute tapie dans la nuit les inquietaient.
– C’est ce froid, aussi ! jura la grande femme debout pres de la cheminee. Il gele depuis deux semaines. Le vent du nord nous attire ces sales betes et les fait sortir des bois.
Claire jeta un coup d’oeil perplexe a sa mere, Hortense Roy, qui ne bougeait pas. Une ride profonde marquait son front. Cela faisait des annees qu’un masque d’austerite attristait un visage qui avait du etre joli. Meme son regard clair, d’un gris bleute, laissait percer une mysterieuse amertume… Sa toilette impeccable, sa coiffe blanchie et amidonnee, son foulard de cou rouge, sa lourde jupe en laine verte, protegee d’un large tablier de toile ecrue, accentuaient terriblement ses traits affaisses et son teint blafard.
– Maman, ne te tracasse pas ! Nous n’avons pas de moutons, nous ! dit Claire d’une voix douce. Mes trois chevres sont bien enfermees, et les murs sont solides, non ? Tes maudits loups n’entreront pas chez nous.
Hortense fit la moue sans meme s’apercevoir du ton moqueur de sa fille. Elle se decida a saisir la grosse soupiere qu’elle avait maintenue au chaud, sur le coin d’une monumentale cuisiniere en fonte. Un delicieux fumet d’ail et de graisse d’oie s’en degageait. Bertille Roy s’agita dans son fauteuil.
– Non, ma tante, ne servez pas. Nous pouvons encore attendre pour diner. Oncle Colin ne va pas tarder. Il aime tant votre ragout de haricots, je n’aurais pas le coeur d’en manger sans lui.
– Oh ! Ecoutez ! s’ecria Claire bondissant du banc. Des coups de fusil…
– C’est la battue… chuchota Hortense. Il ne manquerait plus qu’il y ait un accident. Quelle idee a eue monsieur Giraud, aussi ! Celui-la, il lui manque deux brebis, et tous les hommes de la vallee doivent partir a la chasse. Un samedi soir en plus. Colin n’a jamais manie une arme, il n’avait pas besoin de suivre ses ouvriers !
Claire retint un sourire. Son pere etait un doux reveur, toute son energie et son habilete s’exercaient au moulin. L’imaginer traquant des loups, son fusil dans les mains, lui paraissait ridicule. Mais Edouard Giraud, riche fermier qui tenait la vallee sous sa coupe, en avait decide ainsi. Un de ses valets etait venu, en courant, querir tous les hommes valides du moulin, dont le papetier en personne.
– Et le vieux Moise ? demanda Bertille. Est-il rentre ?
– Qu’il aille au diable ! s’ecria Hortense. Je ne veux plus voir ce chien dans la maison. Il pue ! Et il chaparde…
Bertille bredouilla un mot d’excuse. Elle ne voulait pas deplaire a sa tante. Trois ans auparavant, ses parents etaient morts dans un terrible accident, un train avait violemment percute leur voiture a cheval. Elle avait survecu, mais ses jambes ne lui servaient plus a rien. Elles etaient devenues des objets de honte qu’elle cachait soigneusement sous ses jupes. Colin, son oncle paternel, maitre du Moulin du berger, l’avait recueillie.
Ce sera comme une soeur pour notre Claire ! avait-il dit en souriant malgre ses larmes. Il pensait a son frere parti bien trop tot…