Le tango : une pure invention

Marie Nicolle – 21/05/2007

Claire Lamarre – 09/05/2007

Le Tango, on en convient maintenant, est une culture, une ecole de vie, une philosophie.

Ce fut d’abord une danse canaille, libertine, effrontee. Un defoulement dont la pratique toutefois faisait tomber certains tabous.

Puis se manifesta cet insistant vague a l’ame, cette nostalgie qui percait dans la musique, la lente emergence de quelque profond et capital souvenir enfoui dans l’ame.

Avec l’avenement du Tango-chanson et l’accueil triomphal que lui reserva Paris, il fut consacre aux yeux du monde comme un ” corpus “, une culture, une nouvelle discipline nee d’une evolution : La Danse d’abord, c’est-a-dire le corps, les mouvements, les sensations. Puis la Musique, et donc l’ame et les emotions. Enfin l’entendement et l’esprit, au travers de la Poesie et de la dramaturgie.

Quand on considere cette remarquable evolution et coherence, on ne peut s’empecher de se demander si ceci est le fruit du hasard, une pure invention, ou s’il existe peut-etre quelque conscience, quelque volonte a l’oeuvre derriere les apparences.

L’auteur est porte a croire que le Tango est l’heritier, le depositaire d’une Tradition dont on retrouve trace chez les troubadours provencaux du XIIeme siecle, les mystiques chretiens espagnols ou les poetes soufis persans.

Argentin, a Paris depuis 1959, employe par l’Unesco, il collabora avec le Groupe de Recherches Musicales, de Pierre Schaeffer. Compositeur de musique de concert puis de musique de films, il est amene a ecrire-composer des tangos et fut a l’origine avec l’ecrivain Julio Cortazar des Trottoirs de Buenos Aires, Cafe concert a Paris qui fit connaitre le tango-chanson en France. E. Canton, est egalement l’auteur de differents essais et nouvelles en langue espagnole.

TIRAMISU

L’image du voilier ou vaisseau-Personnalite fendant les flots par mer calme ou agitee est superbe. Il ne faudrait cependant pas s’imaginer que ce genre d’equipee soit monnaie courante. La Personnalite ressemblerait plutot le plus souvent a un bateau ivre faisant du surplace. La Societe alentour a cette Foire d’empoigne que nous decrivent goulument quotidiennement les journaux. Et la morale publique a l’ensemble des mesures de police destinees a eviter au maximum les heurts entre toutes les personnalites immatures et forcement rivales reunies dans un lieu donne. La moitie des forces en presence qui s’affrontent sans cesse dans ce milieu ont interet a ce que cette situation se perpetue. Celles dites forces du ” mal “. Elles ne peuvent vivre et survivre que dans la contradiction. Elles parviennent a leurs fins tant que la situation se borne a leur combat avec les forces du bien relatif ou ” bien binaire “. Il en demeurera ainsi tant que le bien binaire n’aurait pas reussi a s’aligner sur le bien tout court, apanage de l’Individualite, qui regne ailleurs. Tant qu’il n’en serait pas ainsi, toute Personnalite en formation finirait par disparaitre sans laisser de traces avant meme d’etre vraiment nee.

Au fond d’elle-meme, y compris a l’etat d’ebauche, la Personnalite sait, de rester dans l’etat, quelle serait sa fin. L’objectif des forces qui cherchent a l’y maintenir sera de la persuader du contraire ; ou tout au moins de lui faire oublier cette preoccupation. Elles s’emploieront a cette fin a stimuler ses penchants les plus immediatement nombrilistes, encourager son amour propre, son irascibilite, sa suffisance, ses reveries creuses, ses chimeres, sa paresse. Bref, a la tenir occupee, a la distraire. Cantonnee dans l’epiderme, la Personnalite ne peut percevoir ce que cachent les profondeurs, ou, a la surface, ce qui se trouve au-dela du bout de son nez.