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Les Americains

Auteur : Robert Frank

Preface : Jack Kerouac

Traducteur : Michel Deguy

Date de saisie : 09/10/2007

Genre : Photos

Editeur : Delpire, Paris, France

Prix : 39.50 / 259.10 F

ISBN : 978-2-85107-233-7

GENCOD : 9782851072337

Sorti le : 03/09/2007

  • Les presentations des editeurs : 17/09/2008

Publie dans l’indifference en 1958, ce livre est devenu un classique. Juge triste ou pervers, voire subversif, par la presse americaine d’alors, son importance n’a pourtant cesse de croitre an fil des annees.
Car les photographes, les critiques et le grand public ont salue en Robert Frank un veritable novateur.
Ce livre n’a rien d’un reportage. Il ne raconte pas le periple d’un homme a travers les Etats-Unis.
Il rassemble une suite de notes prises sur le vif par un ecorche vif.

  • Les courts extraits de livres : 17/09/2008

Extrait de l’introduction de Jack Kerouac
Traduction de Michel Deguy

Cette folle sensation d’Amerique dans les rues torrides quand la musique sort du juke-box ou du funeral d’a cote, c’est ce que Robert Frank a capte dans ces cliches etonnants pris en parcourant les quarante-huit Etats, pratiquement, au volant d’une vieille voiture d’occasion (grace a une Guggenheim) ; il a photographie avec agilite, sens du mystere, genie, et avec la tristesse et l’etrange discretion d’une ombre, des scenes qu’on n’avait encore jamais vues sur la pellicule. De quel grand art il fait preuve ici, on va le reconnaitre une fois pour toutes.
Vous regardez ces images et a la fin vous ne savez plus du tout quel est le plus triste des deux, un juke-box ou un cercueil – parce qu’il est toujours en train de prendre des juke-box et des cercueils – ou des mysteres intermediaires, tel ce pretre negre agenouille pour des raisons a lui sous cette brillance liquide, ce boyau de mer du Mississippi, a Baton Rouge, c’est le soir ou la pointe de l’aube, il a une croix d’un blanc de neige et des incantations secretes que personne ne connait en dehors du bayou – ou cette image d’une chaise dans un cafe avec le soleil dans la fenetre et qui vient se mettre sur cette chaise en un halo sacre et je ne pensais pas qu’on pouvait prendre en photo des choses que les mots decriraient encore beaucoup moins bien, dans leur integrale splendeur de visible.
Le gout, la tristesse, le cote ca-ou-autre-chose, l’americanite de ces images ! Le grand cow-boy mince qui se roule un megot devant Madison Square a New York a l’epoque du rodeo, triste, interminable, incroyable – Ce long coup de la route de nuit filant en fleche eperdue dans les immensites plates d’une Amerique a-ne-pas-le-croire au Nouveau-Mexique sous une lune pour prisonnier – sous les coups de guitare des etoiles. Ou la vieille bonne femme hagarde de Los Angeles, desoignee, se penchant a travers la vitre avant de la voiture de grand-pa, curieuse, c’est dimanche, la bouche beante pleine de commentaires pour expliquer l’Amerik’ aux gosses sur la banquette arriere eclaboussee – Le gars tatoue qui dort sur l’herbe dans un parc de Gleveland, ronflant a mort au monde un dimanche apres-midi rempli de ballons et de voiliers – Hoboken New Jersey en hiver, une plate-forme bourree de politiciens qui ont tous l’air convenu jusqu’a ce qu’au bout a droite vous en voyiez un la bouche en cul-de-poule machant une oraison politico (il reprime un baillement sans doute) tout le monde s’en fiche – Un vieil homme debout hesitant sur une canne de vieux sous un vieil escalier depuis longtemps descendu – Un dingue siestant sous un drapeau-housse sur un siege d’auto epave dans une fantastique arriere-cour a Venice Californie, je pourrais m’y asseoir et jeter trente mille mots sur le papier (quand j’etais cheminot serre-frein, on frolait des arriere-cours comme ca en se penchant depuis le vieux bastringue a vapeur) (bouteilles de tokay vides dans l’herbe des palmiers). Robert ramasse deux stoppeurs et leur passe le volant, la nuit, et les gens regardent les deux visages, leur air sinistre tendu dans la nuit (ca me rappelle Allen Ginsberg : Des anges visionnaires indiens qui etaient des anges indiens visionnaires), et les gens disent Ooh, quelle sale gueule, mais, eux, tout ce qu’ils veulent, c’est s’enfiler la route et retourner au pieu – Robert est la pour nous le dire – Saint Petersburg Floride les vieux types a la retraite sur un banc dans le trafic de la grand-rue, appuyes sur leurs cannes, causant de securite sociale, et une espece d’incroyable bonne femme seminole, je dirais, a moitie negresse, tirant sur sa cigarette perdue dans ses pensees, elle est pure cette image comme du plus beau solo tenor de jazz…