
Auteur : Magali Duru
Date de saisie : 00/00/0000
Genre : Romans et nouvelles – francais
Editeur : Quadrature, Louvain-la-Neuve, Belgique
Prix : 16.00 €
ISBN : 9782960050677
GENCOD : 9782960050677
- Les presentations des editeurs : 12/09/2007
Les onze nouvelles de ces Beaux dimanches, plus cruelles qu’il n’y parait, jouent avec ironie de nos illusions. Naviguant du Japon au Canal du Midi, elles melent le bleu au noir, l’atroce a l’humour. Elles nous menent de la clarte des petits matins, promesses d’echappees belles, aux desespoirs des jours ou la raison se perd. A moins que le Destin, pour une fois, ne lache prise ?
Nee a Antibes, toulousaine d’adoption, Magali Duru a passe bien des annees a devorer les mots des autres avant d’oser choisir les siens. Nouvelliste, poete, publiee a l’issue de concours de nouvelles en revues et recueils collectifs, elle est aussi auteur de fictions pour Radio France (emissions Petits polars et Un soir, une histoire sur France-Bleu). Les beaux dimanches est son premier recueil.
L’objectif des Editions Quadrature est a la fois modeste et ambitieux : se dedier completement a la nouvelle de langue francaise au rythme de trois recueils par an.
- Les courts extraits de livres : 12/09/2007
Le maitre des kanji
Taneka posa son sac et son baton de bambou. Il avait atteint le col, il n’irait pas plus loin. Il leva ses mains vers le ciel puis les ramena sur sa poitrine, et se plia en deux, touchant le sol de ses doigts pour commencer une serie d’assouplissements. Le soleil d’onze heures qu’il saluait de son dos douloureux n’etait pas encore arrive a bout de la rosee d’automne. Un peu de brise agitait les buissons d’azalees sauvages.
Apres ses etirements, il se releva, contemplant la montagne, l’a-pic sur la vallee, un ilot sur le lac, tout en bas. Un pin etendait au loin ses branches epurees. Elles se decoupaient sur un ciel traverse de nuages transparents. Il resterait la un jour ou deux, decida-t-il. Les rochers qu’il venait de depasser en montant se creusaient en anfractuosites ou un homme pouvait se glisser pour dormir. C’etait plus de confort qu’un moine errant n’osait generalement en souhaiter.
Le poete en lui devint sensible a la fraicheur de l’air, a la rousseur des erables au creux du ravin. Un choucas grinca, puis se tut. Une matinee parfaite, toute la grace d’un matin d’automne dans la montagne… Le silence etait absolu, sans aucun souvenir du crissement estival des insectes. Il murmura :
Un matin d’automne…
Cinq syllabes toutes simples. Le premier vers d’un haiku, ou le dernier ?
Les autres vers lui monterent aux levres, sans effort :
Le chant des cigales
S’est eteint dans la rosee
D’un matin d’automne
Le vent piquant saisissait sa nuque apres l’arret de la marche et il s’enroula dans son manteau. Il calli- graphierait ces vers. Il avait beau s’exercer sans treve au detachement, l’ombre d’un voeu effleurait son coeur. Lui aussi, a quarante-cinq ans, entrait dans son automne. Pourvu que les cigales de ses poemes ne s’engourdissent pas, le froid venu…
L’apres-midi etait bien avance quand la brise tomba. Taneka s’eveilla de la courte sieste qui avait compense son lever avant l’aube. Il rangea la theiere et la marmite pour le riz a l’abri d’un buisson, ouvrit son sac. S’il s’installait derriere le rocher qui dominait l’arrivee du sentier, il serait au soleil, a l’abri d’un retour du vent. Il pourrait calligraphier le poeme compose le matin, peut-etre aussi un autre, choisi parmi ceux qui lui etaient venus en tete pendant la marche des derniers jours.
Il s’agenouilla sur sa natte de paille tressee, prit dans le sac une tunique chaude, qu’il deroula avec precaution. Au creux du tissu molletonne reposait un sachet de toile rouge. Il en sortit quatre pinceaux, bien emballes dans un papier rigide pour empecher leurs soies de se tordre. Puis il pecha au fond du sachet l’encrier en pierre, qu’il placa sur une serviette a cote des pinceaux. Il glissa son pouce sur le creux poli, appreciant la finesse du grain que l’age avait rendu doux comme une peau d’enfant. Il y ecraserait le baton d’encre solide qu’il venait de sortir de sa boite en paulownia. Il prit aussi dans le sac un rouleau serre, et y choisit une feuille de papier de chanvre, qu’il mit de cote. S’inclinant jusqu’a terre, il salua les objets reunis sur la petite natte, ces quatre tresors du lettre. Du dernier objet necessaire, le sceau avec lequel il signerait en l’empreignant de cinabre rouge, il n’aurait pas besoin tout de suite. Il le laissa donc dans sa pochette de soie.
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