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Les coups de cœur de Marion Revoyre de la librairie DU PARC / ACTES SUD à Paris, France

  • Le choix des libraires : Les Thermes du paradis (2 choix)Akli Tadjer Lattès, Paris, France– 08/05/2014

Vous avez aimé “Le mec de la tombe d’à côté” ? Alors vous allez adorer ce livre !

On y suit Adèle, directrice, par tradition familiale plus que par réel goût, d’une entreprise de pompes funèbres. Elle va avoir trente ans, est pleine de complexes et pour son malheur, est affublée d’une soeur qui a accaparé toute la beauté familiale.

Mais celle-ci, qui aime tendrement sa petite soeur et ne cesse de l’encourager afin qu’elle se trouve enfin un amoureux, décide de marquer le coup et de lui organiser une fête d’anniversaire mémorable. Elle loue une péniche et retrouve le banc et l’arrière banc des amis et camarades de lycée et de fac d’Adèle.

Je ne vais pas en dire plus si ce n’est que l’on s’attache à cette fille un peu paumée, soignant ses angoisses à coups de lait concentré et de Curly, et ayant une confiance en elle à raz les pâquerettes. Les personnages hauts en couleurs donnent du peps au récit et l’auteur excelle à nous tenir la dragée haute jusqu’à la toute dernière phrase.

Bref, laissez-vous tenter par ce roman sympathique et haletant, vous ne le regretterez pas.

  • Le choix des libraires : Les endormeurs (1 choix)Anna Enquist Actes Sud, Arles, France– 18/04/2014

Lui est psychanalyste, elle est anesthésiste : ils sont frères et soeurs et affrontent chacun à leur manière la perte. En effet, la femme de Drik qui était aussi la meilleure amie de Suzanne, vient de mourir des suites d’un cancer. Suzanne a tout assumé : les soins de sa belle soeur, sa vie de famille, et quand tout a été fini, elle a pris son frère sous son aile.
Le roman commence au moment où Drik reprend son activité professionnelle, tout en ayant le sentiment de n’être pas tout à fait prêt. Suzanne, quant à elle, retourne dans son service avec bonheur.
Anna Enquist se saisit de cette histoire pour mettre en opposition deux façons de se positionner par rapport à la vie : l’analyse cherche le mieux-être à travers la confrontation à la douleur du souvenir, l’anesthésie, quant à elle, a pour but ultime l’oubli, l’absence de douleur, l’évitement. Ces deux personnages vont incarner cette opposition.
Ceci posé, et nonobstant cette très intéressante réflexion, ce roman se lit comme un très très bon polar : impossible de le lâcher ! Anna Enquist installe une tension dans l’enchaînement des événements, et juste ce qu’il faut de souvenirs d’enfance traumatisants pour rendre le lecteur avide de connaître le dénouement.
Bref, nous tenons là un excellent roman qui séduira, j’en suis sûre, les lecteurs les plus exigeants.

  • Le choix des libraires : Témoin de la nuit (1 choix)Kishwar Desai Ed. de l’Aube, La Tour-d’Aigue, France– 21/12/2013

Le livre s’ouvre sur une scène de cauchemar, racontée dans un cahier par une toute jeune fille. On ne comprend d’abord pas très bien si cette fille est à l’origine du carnage ou une victime échappée. Un homme est là…
La police de caractère change et nous rencontrons la narratrice de cette histoire : Simran, travailleuse sociale qu’un ancien amant, chef de la police de sa ville natale, a appelé à la rescousse pour débrouiller les fils d’une affaire. De fil, il s’agit en fait d’une jeune fille, Durga, unique témoin du massacre de sa famille et qu’il faut faire sortir de son mutisme afin de savoir ce qui s’est vraiment passé.
Le roman alterne donc les pages du journal intime de Durga, et le récit de Simran sur l’enquête qu’elle est en train de mener. Et c’est toute la société indienne qui nous est racontée. Avec beaucoup de talent, Kishwar Desai brode dans son enquête policière un portrait de l’Inde contemporaine, du fonctionnement de son système de caste et de la place de la femme dans cette société. La description est glaçante et prend toute sa place dans le roman, elle vient appuyer l’histoire et donner de l’épaisseur aux personnages.
Je gage que ce polar ne vous laissera pas de marbre !

  • Le choix des libraires : Les voyages de Daniel Ascher (1 choix)Déborah Lévy-Bertherat Rivages, Paris, France– 21/12/2013

Les voyages de Daniel Ascher est un de ces romans dans lesquels on plonge avec délice, pour s’immerger quelques heures dans la vie de quelqu’un d’autre et mettre la sienne en arrière plan. Ce quelqu’un d’autre, ici, c’est Hélène, toute jeune femme, hésitant encore entre les certitudes de l’enfance et une compréhension plus mouvante de la vie qu’est l’âge adulte.
Hélène commence des études d’archéologie et est hébergée par son grand-oncle, Daniel Roche. Elle ne l’aime pas, elle l’a toujours trouvé ridicule et elle est plutôt satisfaite de ne le voir que très rarement, du fait des fréquents voyages de son hôte.
C’est subrepticement que tout se met en place : de la découverte de l’histoire familiale à l’appréhension progressive du monde par Hélène. On suit petit à petit les découvertes de cette jeune femme, faites comme par hasard, un événement en amenant un autre.
Ce premier roman tout en légèreté, à la construction délicate, recèle finalement bien plus qu’il n’y paraît de prime abord. Une fois la dernière page tournée, vous ne pouvez vous empêcher de poursuivre cette réflexion amorcée, de l’angle sous lequel nous observons le monde. Que nous révèlerait ce petit pas de côté, si nous le faisions.

  • Le choix des libraires : Entre amis (1 choix)Amos Oz Gallimard, Paris, France– 13/07/2013

Le grand écrivain qu’est Amos Oz nous revient avec un recueil de nouvelles sur le fil, oscillant constamment entre humour et désespoir.
Nous sommes dans les années cinquante, au kibboutz Yikhat et ces “chapitres” nous présentent successivement les habitants de l’endroit : Nahum Asherov, le père interloqué et hésitant, David Dagan, le pilier sûr de lui et inamovible, Yoav Carni, premier enfant du kibboutz et l’intégrité personnifiée, et tant d’autres. Chaque personnage amène sa touche au tableau peint par Amos Oz. Celui-ci réussit ainsi à nous faire ressentir une atmosphère, une ambiance qui je pense n’existent nulle part ailleurs. Les individus forment le tout.
Les nouvelles se finissent dans l’attente, les personnages sont souvent hésitants, souvent écrasés par les lois du kibboutz, n’osant jamais les enfreindre. Mais conscients de cette empreinte qui marque leur destin, ils trouvent chacun leur façon de s’en accommoder. Nulle dénonciation de la part d’Amos Oz mais pas d’acceptation non plus. Le constat pourrait être glaçant, comme dans cette nouvelle Le petit garçon : un père est forcé de ramener au dortoir collectif son fils qui sert de tête de turc à tous ses camarades. Mais la tendresse de l’auteur pour cet endroit affleure, comme s’il ne pouvait se résigner à rejeter en bloc ce mode vie. On pense à Isaac Bashevis Singer dans cette façon de considérer ses personnages : moqueur mais affectueux.
Un magnifique recueil, qui pourrait être appelé roman, qui laisse le choix au lecteur…

  • Le choix des libraires : Au hasard la chance (1 choix)Michel Tremblay Actes Sud, Arles, France | Leméac, Montréal, Canada– 12/07/2013

Michel Tremblay, notre auteur de l’autre bout du monde, nous revient avec sa langue à l’accent marqué. D’aucun la verront comme une langue étrangère, je trouve quant à moi un aspect extrêmement poétique dans ces dialogues où s’entendent si bien la chaleur et la gouaille de ces Québécois.
Michel Tremblay continue de déployer son arbre généalogique et s’attaque cette fois à sa tante Ti-loup, plus communément appelée «la louve d’Ottawa». Prostituée flamboyante logeant au palace Château laurier et y recevant sénateurs et hommes d’affaire, Ti-loup doit se rendre à l’évidence, elle a vieilli.
Préférant quitter qu’être laissée, elle décide de fuir brusquement Ottawa pour Montréal, où elle compte mener une retraite paisible. Mais on ne se défait pas comme ça d’une vie de faste et d’admiration, Ti-loup devra faire des choix, et ce, dès le premier pied posé à Montréal. Et Michel Tremblay de s’emparer de ces différentes possibilités en nous offrant cinq destins différents, cinq déroulés d’événements qui dévoileront chacun un aspect différent de Ti-loup.
C’est avec une grande tendresse, mais aussi parfois un peu d’implacabilité, que Tremblay se joue de son héroïne.

  • Le choix des libraires : Le monde à l’endroit (5 choix)Ron Rash Seuil, Paris, France– 23/03/2013

Décidément, ces écrivains américains, quand ils sont bons, quel plaisir !
C’est le premier Ron Rash que je lis (malgré l’incitation de mes collègues à me faire lire Un pied au paradis) et j’ai été saisie, emportée, par ce roman.
Est-ce le style, est-ce la construction, est-ce l’histoire, je ne saurais le dire mais tout se combine pour vous attraper et ne plus vous lâcher. Quant à l’histoire, on peut dire que c’est un roman d’apprentissage : un jeune garçon, au seuil de sa vie adulte, se trouve confronté aux choix qui orienteront de manière définitive son avenir ; on peut dire aussi que c’est un roman sur l’histoire américaine et plus précisément, sur les traces qu’a laissées la Guerre de Sécession dans ce coin des États Unis, où au sein d’une même petite ville, une partie de la population a massacré l’autre ; on peut dire enfin que c’est un roman sur la rédemption : un ex-professeur devenu dealer, se rachète, lui et son histoire familiale.
C’est tout cela et plus encore : de ces histoires éparses, Ron Rash construit un roman dense, toujours sur le fil et à la limite de l’amertume…
Tombera, tombera pas ?

  • Le choix des libraires : Je n’emporte rien du monde (1 choix)Clémence Boulouque Gallimard, Paris, France– 23/03/2013

Il est des textes dont on sent que les auteurs les ont portés, longuement. Ils les ont polis, affûtés, pour qu’enfin nous puissions les lire dans toute leur perfection. Je n’emporte rien du monde me semble faire partie de ceux-ci : dans ce petit récit d’une centaine de pages, Clémence Boulouque livre son compagnonnage avec ses disparus, et plus précisément, avec cette amie, Julie, rencontrée au lycée, et qui a mis fin à ses jours. Son père puis son amie, rassemblés par ce geste, définitif.
Clémence Boulouque sculpte ses phrases, toute en pudeur. Elle explore, analyse, avec une douceur et une justesse qui ne peut que nous lier à son texte, à sa peine. Pas de réponse ni de solution, juste un sentiment.

  • Le choix des libraires : Le roman du mariage (3 choix)Jeffrey Eugenides Ed. de l’Olivier, Paris, France– 22/03/2013

Depuis 2002 et son magistral Middlesex, plus rien n’avait été traduit de Jeffrey Eugenides.
L’attente est finie, voici que paraît son dernier roman : Le roman du mariage. Dans la droite ligne de Virgin Suicides, Eugenides nous expose, au travers de trois personnages, Madeleine, Leonard et Mitchell, une vision estudiantine de la société américaine de la fin des années 80.
Les années 80 : les années 70 et leurs débordements sont finis, l’Amérique est en plein dans les années Reagan, la crise commence et les étudiants sont attendus au tournant. Madeleine est fille d’un président d’université, Léonard a été élevé par sa mère dépressive et Mitchell est le rejeton d’une famille “normale”. Le triangle amoureux va se mettre en place et cristalliser les dernières traces d’enfance de ces trois jeunes gens.
Eugenides bouscule la chronologie tout en alternant les points de vue. On pourrait s’y perdre mais tout s’organise. Chacun de ces trois jeunes gens s’extrait de sa gangue, plus ou moins difficilement, pour affronter les compromissions de la vie adulte.
Commencez ce roman, vous ne pourrez plus le lâcher !

  • Le choix des libraires : Dans l’ombre de la lumière (4 choix)Claude Pujade-Renaud Actes Sud, Arles, France– 22/03/2013

Claude Pujade-Renaud nous revient deux ans après son magnifique roman, Les femmes du braconnier. Cette spécialiste de la biographie en creux se frotte cette fois-ci à Saint Augustin. Elle utilise pour cela les mots de la maîtresse répudiée, de la mère du fils disparu du grand homme.
Le livre s’ouvre quelques années après cette rupture, après ce choix du renoncement à tout ce qui avait porté Augustinus pendant ses années de jeunesse, après l’entrée en catholicisme. C’est une femme brisée qui suit de loin la vie de son ancien amour, ses succès, sa réputation grandissante.
Et comme dans Les femmes du braconnier, la vie de l’esprit n’est qu’évoquée.
Telle une ombre chinoise, elle n’apparaît qu’en opposition au quotidien, au trivial de la vie de tous les jours. Augustinus a fait ce choix, il s’est exilé dans les sphères de l’esprit, laissant cette femme se débattre dans la boue.
Mais, passé le premier désespoir, Elissa la revendique, cette boue, cette réalité immédiate de la chair, des sensations.
En cette époque troublée, agitée d’invasions, de conversions et d’intolérance religieuse, Elissa se souvient, observe et ressent.
Je n’irai pas plus loin dans l’analyse, je préfère vous laisser découvrir ce roman magnifique afin que vous découvriez vous même tout ce qui se cache derrière.