Auteur : Brigitte Allegre
Date de saisie : 01/10/2008
Genre : Romans et nouvelles – francais
Editeur : Actes Sud, Arles, France
Collection : Un endroit ou aller
Prix : 17.00 €
ISBN : 978-2-7427-7810-2
GENCOD : 9782742778102
Sorti le : 01/10/2008
- Le choix des libraires : Choix de Lydie Reynaud de la librairie L’ENDROIT L’ENVERS a Pierrevert, France – 28/01/2009
Peu connu, discretion et pourtant une perle de litterature feminine. Merite un franc succes.
- Les presentations des editeurs : 30/09/2008
Il m’arrive cependant aujourd’hui une chose incroyable : je pars pour un voyage si etrange que je ne sais ou il me conduira. Dans quel cahier faudra-t-il en rapporter les circonstances, c’est impossible a dire. Madeleine Angelin vient d’appeler Constance mais n’a pas pu encore joindre son fils pour leur dire qu’a la suite d’une rupture d’anevrisme, aujourd’hui 8 septembre, a trois heures et quart, a moins de trois mois de mon trente-sixieme anniversaire, je suis decedee.
B. A.
Brigitte Allegre enseigne l’anglais dans un lycee d’Aix-en-Provence. Les fantomes de Senomagus est son premier ouvrage.
- Les courts extraits de livres : 30/09/2008
FLORE
COMME a des invites, je vais vous faire les honneurs des lieux. Mon nom, c’est Flore. Flore Duseuil. Je vis a Senomagus. Ici, on arrive souvent par hasard, en se perdant. Les panneaux indicateurs cribles de plomb par des chasseurs ont ete remplaces par d’autres avec le nom qui figure officiellement au cadastre, Senos. Si bien qu’on ne peut jamais etre certain de se trouver a l’endroit voulu. On se croit a Senos, on est a Senomagus, c’est troublant, meme pour nous, natifs du lieu. En outre, il semble qu’une deviation permanente, membrane s’epaississant au fil des jours, soit installee aux abords du village et empeche qu’on entre et sorte aisement et nous isole. Enfant, j’ai vecu la sans imaginer qu’on put vouloir vivre ailleurs. Ma mere, elle, est partie tres peu de temps apres ma naissance. Elle ne m’a pas emmenee. Mon pere, je ne l’ai pas connu. Cependant j’etais heureuse, rien ne m’etait pesant ou douloureux, je ne pensais a rien de particulierement sombre.
Adolescente, tout changea. J’etouffais et j’accusais Cosima et Jean, mes grands-parents -. ce sont eux qui m’ont elevee. Ils m’aimaient trop. Tu veux partir en vacances avec Suzel et ses parents ? Oui, bien sur. Je vais me faire du mauvais sang, tu le sais, mais tu peux partir. Ne dis rien a ton grand-pere, je vais le preparer a cette idee. Lui se fera encore plus de mauvais sang que moi, tu le connais. Le mauvais sang. J’entends cette expression depuis l’enfance et je me demandais quelle couleur pouvait avoir ce sang. Quand j’ai eu mes premieres regles, tot, a dix ans, ce sang noir grele de caillots qui s’ecoulait entre mes cuisses, je me suis dit que c’etait ca, le mauvais sang. Si je partais, fut-ce pour une journee, Jean et Cosima, c’etait ca aussi que je leur ferais subir. Je n’en pouvais plus d’etre aimee a ce point-la. Je sentais bien que je ne pouvais pas grandir en restant avec eux dans ce trou.