Les Ostrogoths

Les Ostrogoths sont six et en realite ils s’appellent Dubois. Mais tout de meme Clovis, Theodoric, Clodomir, Clotaire, Clotilde et Nantilde, d’ou le surnom. Leur pere, au chomage depuis longtemps, passe son temps au cafe a boire des bieres avec d’autres laisses-pour-compte de la vie. Leur mere vient de perdre son travail.

Les Ostrogoths s’aiment beaucoup, mangent beaucoup de pates et de crepes a l’eau, revent d’un endroit merveilleux qu’ils appellent Paradis et s’efforcent de ne pas trop penser aux lendemains qui dechantent. Clovis trouve meme le moyen de tomber amoureux, de se faire un ami et de se decouvrir une passion pour le piano…

Mais l’avis d’expulsion tombe dans la boite aux lettres. Les Ostrogoths doivent tellement d’argent a la societe qu’il leur faudrait plusieurs vies pour rembourser. Alors le pere a une idee ; une idee qui inquiete beaucoup son fils Clovis, meme si celui-ci ne devine pas encore la terrible verite…

Le texte est suivi d’un making-off, journal d’ecriture qui fait entrer de plain-pied le lecteur dans la cuisine de l’ecrivain. Comment nait un livre ? Comment choisir les noms de ses personnages ? Comment l’histoire evolue-t-elle du premier jet au texte definitif ? Une belle idee et quelques trucs imparables pour ne plus jamais souffrir de l’angoisse de la redaction.

L’AUTEUR

Martine Pouchain est l’auteur de Meurtres a la cathedrale et de La Fete des fous (Gallimard/Folio Junior), romans dont le succes, immediat, a fait d’elle l’un des auteurs les plus etudies en classes de college. Elle a persevere dans le polar medieval avec La Couleur du crime (Castor Poche) et a egalement signe, chez Nathan, Bagdad 2004, Fugue majeure et Le Fils du loup bleu. Elle se consacre desormais a l’ecriture et intervient regulierement en milieu scolaire.

– Eh l’Ostrogoth ! Tu les as trouvees dans une poubelle tes grolles ?
60 me cherche depuis ce matin et il a enfin trouve un pretexte.
60, prononcer : Sixty. Nom de famille : Cent. Evidemment, c’est un surnom, ca vaut bien l’Ostrogoth.
Sixty a decrete un jour que 50 Cent, c’etait de la daube pour communiant, sous-entendu : il en avait vu d’autres. Moi, ca m’etonnerait, mais quelques heures plus tard, il etait devenu a l’unanimite Sixty et, l’ayant appris, s’en gargarisait.
Je dois reconnaitre qu’il est plutot grand, plutot large d’epaules et plutot rapide a la detente. Mais la ressemblance s’arrete la. Sixty est blanc, il ne sait pas raconte une tout autre version des faits. C’etait ma premiere experience d’erreur judiciaire.
Je me decide a desserrer les dents pour servir a Sixty une agressive replique.
– Ben ouais t’as devine, mec. Je les ai trouvees dans une poubelle. La meme que toi, je parie.
Il ne devrait pas se sentir vise en principe parce qu’avec son petit commerce de shit, il a de quoi s’offrir toutes les baskets qu’il veut. Meme qu’il les refourgue sitot qu’elles ont un pet plutot que d’avoir a les nettoyer.
Mais il faut croire que ce n’est pas mon jour : ses baskets ont une tache justement, en tout cas la gauche, qu’une malencontreuse canette de soda a decolore. Donc, Sixty se sent vise.
J’ai deja esquisse trois pas vers la liberte quand il me rattrape par le col du ticheurte.
– Ou tu vas comme ca l’Ostrogoth ? Tu pourrais etre poli. T’as pas remarque qu’on etait en train de causer ?
– Je n’ai pas le temps Sixty. Faut que j’aille chercher mes frangins a l’ecole.
Exactement le genre de truc qu’il ne fallait pas dire. Les charges de famille, ca lui fait le meme effet que la deche : il se bidonne, hilare, prend ses potes a temoin. Le spectacle a commence.
– C’est pas mignon ? Tu fais la nounou alors ? Et il y en a combien de petits Ostrogoths chez les Dubois ?
– Je te fais un docu sur ma famille une autre fois si tu veux.