M l’Intrepide

M a perdu les renes de son destin et deambule seul parmi ses contemporains. Une mere alcoolique qui le brime, un rabatteur degoulinant qui se fait appeler L’abbe, une jeune femme digne et melancolique… il cotoie le pire et effleure le meilleur. Jusqu’au jour ou il se fait happer par les slogans racoleurs du mouvement Liberte Nouvelle. Un nouvel horizon aux charmes trompeurs se presente alors a M, qui le menera de facon fulgurante vers un monde crepusculaire.

Braquant les projecteurs sur la normalisation des extremismes dans une frange de plus en plus grande de notre societe, Olivier Coyette met en lumiere le mode de recrutement des militants extremistes dans le ventre mou de la population, profitant du desarroi social, culturel et affectif des plus fragiles… et l’indifference aveugle des autres qui preferent ignorer ou minimiser le probleme.

Une implacable reflexion politique qui se traduit certes par le rire… mais un rire qui fait peur.

Diplome en theatre du Conservatoire de Bruxelles et de l’Universite de Paris III-Sorbonne Nouvelle, Olivier Coyette est auteur, metteur en scene et comedien. Il impose aujourd’hui son incontournable personnalite dans le paysage du theatre francophone tant en France qu’en Belgique.

Olivier Coyette : Ne a Bruxelles en 1975.Diplome du Premier prix de declamation du Conservatoire de Bruxelles et titulaire d’un DEA en etudes theatrales de l’Universite de Paris III-Sorbonne Nouvelle, Olivier Coyette est egalement licencie et agrege en philologie romane et diplome d’etudes specialisees en anthropologie a l’UCL.

Laureat de la fondation belge de la vocation en 1999 et finaliste du prix Jacques Huisman en 2003, il a ete deux fois boursier de la Communaute francaise de Belgique pour l’ecriture dramatique ; il a donc sejourne deux fois en residence a la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon, en 1999 et en 2004, ou il a notamment ecrit Forfanteries

Dorothy (apporte les boissons) : Voila.

L’abbe (l’observe et la suit des yeux alors qu’elle retourne au bar) : Etrange. Cette absence de sourire. Croyez-vous que ce soit culturel ? Voyez-vous, j’ai une petite theorie la-dessus. J’ai fait mon enquete et j’ai pu constater, selon une methode que l’on pourrait qualifier de scientifique, si vous voulez, que l’on peut observer, entre des gens de differentes cultures, de tres nettes tendances comportementales. Ceci toujours en rapport, bien entendu, avec ce que je vous disais tout a l’heure au sujet des “cultures hautes”. Eh bien, figurez-vous qu’il y a des cultures basses. Et il me semble, j’en suis meme presque certain, que cette serveuse en est une des plus dignes representantes. Observez son air ferme, bute. Regardez la forme des yeux et la taille des orbites. Les pommettes hautes, cette maniere dans le visage de contenir une violence que l’on peut presumer revancharde. Revancharde, oui, et qui ne demande qu’a se deverser. Sur la societe. Seulement la societe, voyez-vous, c’est nous ! C’est nous, oui, et je peux le dire a voix haute, sans trembler, car je suis, Cher Monsieur, et a votre air detache et determine a la fois je puis affirmer que vous en etes aussi, un representant de ce que, selon mon enquete, j’ai pu determiner comme la classe haute. C’est un phenomene culturel, mais nous devons nous proteger, Cher Monsieur, de toute cette violence de la classe basse, contenue, pour l’instant, comme l’agressivite et l’ardeur revancharde de cette serveuse en ce moment, mais qui va bientot sortir de ses gonds et nous exploser a la figure.