Auteur : Pascal Bruckner
Date de saisie : 18/11/2007
Genre : Romans et nouvelles – francais
Editeur : Grasset, Paris, France
Prix : 13.90 / 91.18 F
ISBN : 978-2-246-73141-2
GENCOD : 9782246731412
Sorti le : 07/11/2007
- Les presentations des editeurs : 14/11/2007
On connait la chanson populaire : ” Mon pere m’a donne un mari, Mon Dieu, quel homme, quel petit homme, qu’il est petit… “, mais sait-on que la plaisante ritournelle pourrait devenir realite ; au moins chez Pascal Bruckner, amateur de conte cruel, ou l’enfance perverse voisine avec l’age adulte…
Le jour de son mariage, Leon doit se hisser sur les pieds pour embrasser son epouse, la plantureuse Solange. Quoique de gabarits differents, ce couple ideal donne naissance a de robustes enfants. Etrange ! A chaque naissance, Leon perd quelques centimetres : cet avorton de la toise rapetisse inexorablement, et il a beau consulter le corps medical, rien n’y fait. Avec sa taille, ses responsabilites diminuent, son autorite s’emousse. C’est bientot Lilliput, Leon le moucheron, un corpuscule, et de pere ideal il s’inverse en victime des appetits familiaux… Le microbe survit en se cachant dans la bibliotheque, bivouaquant dans de la mie de pain : la description de son calvaire permet a l’auteur des pages grincantes et cruelles a la fois ! On ne vous dira pas la fin. Tout conte a une morale.
Ne en 1948 a Paris, se partageant entre l’essai et le roman, Pascal Bruckner a obtenu les plus grands prix pour ses livres, parmi lesquels on retient Les Voleurs de beaute (Prix Renaudot en 1997), La Tentation de l’innocence (Prix Medicis, 1995), Misere de la prosperite (prix du meilleur livre d’Economie, 2002). Son dernier livre La Tyrannie de la penitence (2006) a ete un grand succes public.
- Les courts extraits de livres : 18/11/2007
Les vases communicants
Ils s’installerent dans un quartier central de Paris, non loin de la Bastille, face a un square, et prirent un appartement avec terrasse au sixieme etage pour jouir d’une vue degagee. Les parents de Solange, des commercants avises qui avaient acquis un peu de bien, avancerent l’acompte pour l’achat. Le couple, a peine dans sa trentaine, s’endetta pour vingt ans aupres des banques, a un taux interessant. Solange, fille unique, avait pu suivre les meilleures etudes jusqu’a devenir chirurgien-dentiste a vingt-neuf ans, specialisee dans les traumatismes de la machoire. En attendant d’ouvrir son propre cabinet, elle travaillait chez un confrere et ses talents, son habilete a soigner sans souffrance lui valaient l’estime de ses patients. Leon, orphelin depuis l’age de quatre ans, avait vecu de bourses et d’aides publiques. Il avait connu Solange a la faculte, s’etait specialise en oto-rhino-laryngologie ou il excellait egalement. Le voisinage de leurs disciplines les rapprochait encore.
Comment s’arrangeaient-ils de leurs gabarits respectifs, comment s’y prenaient-ils ? Cela ne regardait qu’eux. Ils n’en formaient pas moins le couple le plus epanoui. Que Leon soit flanque de cette Walkyrie flamboyante lui valait de nombreux suffrages feminins. Il n’y pretait nulle attention : Solange, de par son lustre, balayait les rivales potentielles. Il ne les voyait pas, n’avait d’autre ambition que d’aimer sa legitime et de la feconder autant de fois qu’elle le souhaiterait. L’idee que cet avorton partage la couche d’une telle beaute revoltait les males de leur entourage. Ces persiflages laissaient les epoux indifferents. Les statistiques soulignent que les femmes preferent les hommes grands et surs d’eux. Solange n’etait pas de ces femmes. Son petit docteur la comblait tout a fait. Elle le menait bon train. Il devait faire trois pas quand elle en faisait deux, ce qui constituait a la fin du jour plusieurs centaines de pas supplementaires. Elle ne ralentissait jamais l’allure, il avait pris l’habitude de courir pres d’elle, legerement essouffle. En voyage, il trottinait derriere elle en portant les valises, elle marchait devant, altiere, sans se retourner. Dans certaines soirees, quand elle avait un peu bu, Solange prenait Leon sur ses genoux, l’appelait mon Lion, mon Superbe Etalon, l’agacait de mille chatouilles auxquelles il s’abandonnait comme un gosse, les jambes repliees, se tortillant, faussement gene. Peut-etre parce qu’il avait perdu ses parents tres tot, Leon revait d’une famille nombreuse et cherissait les enfants par-dessus tout. Ils constituaient sa passion, sa raison d’etre. Les vagissements d’un nouveau-ne, le chaud regard d’un marmouset le consolaient de toutes les avanies de l’existence.