Auteur : Georges Seguy
Date de saisie : 07/05/2008
Genre : Biographies, memoires, correspondances…
Editeur : Archipel, Paris, France
Prix : 18.95 / 124.30 F
ISBN : 978-2-8098-0049-4
GENCOD : 9782809800494
Sorti le : 30/04/2008
- Les presentations des editeurs : 08/05/2008
Fevrier 1934 : un gamin de sept ans entame sa premiere greve pour obtenir la liberation de son professeur, un responsable syndical qui a pris part aux manifestations antifascistes. Au risque de decevoir sa mere, tres croyante, sa decision est deja prise : plutot la revolution que la communion !
Mai 1968 : secretaire general de la CGT depuis moins d’un an, Georges Seguy negocie au ministere du Travail l’historique constat de Grenelle et recueille cette confidence etonnante de Pompidou : Je prefererais etre simple fonctionnaire d’un gouvernement communiste que Premier ministre d’une France dominee par les Americains.
Entre ces deux dates, un itineraire militant. Le soutien aux republicains espagnols refugies dans les camps du Sud-Ouest. L’activite clandestine, a quinze ans, au sein d’un atelier de la Resistance. La torture, en fevrier 1944, dans les geoles de la Gestapo. La deportation au camp de Mauthausen, episode qu’il n’avait jamais raconte ainsi. Mais aussi la guerre d’Algerie, le coup de 1958, l’election de Francois Mitterrand et la disparition de l’URSS : autant d’evenements dont Georges Seguy fut le temoin engage. Autant de jalons, aussi, pour le socialisme d’avenir dont ce livre forme le voeu.
Ne en 1927 a Toulouse, Georges Seguy, employe de la SNCF, adhere au parti communiste en 1942. Deporte a Mauthausen a 17 ans, secretaire national des cheminots CGT a 22 ans, il est secretaire general de la CGT de 1967 a 1982. President d’honneur de l’Institut CGT d’histoire sociale, il est l’auteur de Le Mai de la CGT (Julliard, 1972), Lutter (Stock, 1975) et La Greve (L’Archipel, 1993).
- Les courts extraits de livres : 08/05/2008
UNE ADOLESCENCE COMBATTANTE
Resister… Si j’ai toujours accorde a ce verbe une importance determinante, il prend un sens particulier en 1944. Mon education, les rencontres, mes propres convictions vont en effet me precipiter dans une actualite brulante, et en toute conscience. Jusqu’a cette arrestation qui constitue l’element cle de mon futur engagement militant.
Le jour du destin
Toulouse, le 4 fevrier 1944. Midi va bientot sonner. Il faut imaginer la rue de la Croix-Baragnon, grouillante de vie a l’heure du dejeuner. Situee a 200 metres de l’eglise Saint-Etienne, et a 150 metres de la rue des Trois-Banquets, elle court parallelement a l’une des grandes arteres de la ville, la rue de Metz. Au numero 23, les ouvriers s’affairent dans les locaux d’Henri Lion qui tient une imprimerie dite de labeur, parce qu’elle ne dispose pas de gros moyens de production.
Henri Lion ? Un patron atypique, libertaire et antifasciste. Des 1941, il s’est engage dans la Resistance a l’occupant et au pouvoir de Vichy. Sa mission : fournir toutes sortes de documents, du simple tract aux fausses cartes d’identite, en passant par les certificats de travail et les livrets de famille necessaires aux clandestins. De ses presses sortent aussi des editions regionales de la presse interdite : L’Humanite, Combat, Franc-tireur, Liberation-Sud, Le Patriote, L’Avant-garde et diverses publications de la CGT illegale. L’engagement d’Henri Lion n’est pas un secret d’Etat. Parmi ses amis et ceux de son epouse, soprano au theatre du Capitole, beaucoup sont au courant. En cette periode difficile, ou les autorites occupantes traquent sans merci les resistants, cette activite a pu durer aussi longtemps pour une raison simple : les indiscretions etaient du domaine de la police toulousaine, dont certains responsables, plus ou moins proches de la Resistance, sont parvenus a eviter le pire. C’est ainsi qu’Henri Lion, averti de perquisitions par un ami policier, a eu tout le temps de cacher les preuves trop evidentes de ces travaux trop particuliers.
Mais, en ce 4 fevrier, tout bascule. La Gestapo, qui a pris les choses en main, n’a nul besoin de perquisitionner pour sevir. Les gestapistes font irruption, arretent Henri Lion, les employes, ainsi que toute personne a l’interieur comme a l’exterieur de l’imprimerie. Et je fais partie du lot, a un mois de mon dix-septieme anniversaire ! Aussitot, l’entreprise est transformee en souriciere. Tout visiteur, tout passant juge trop curieux par les sentinelles est apprehende sans menagement. Cette rafle n’est pas unique. Au meme moment, la Gestapo referme ses filets rue Romiguiere, a 200 metres du Capitole. Elle investit l’imprimerie bien mieux equipee du frere d’Henri Lion, Raoul, a qui je tiens aussi a rendre hommage. Entre en Resistance avec son frere, il sort de ses machines tout ce que nous ne pouvons pas produire, ce qui fait de lui une sorte de sous-traitant. Son frere reste cependant le maitre d’oeuvre de ces operations clandestines. Qu’il me soit egalement permis de celebrer la memoire du personnel de ces deux imprimeries qui travaillait en toute connaissance de cause. La plupart mourront en deportation…
Pour l’heure, je suis menotte avec un homme, membre presume d’un reseau gaulliste. Dans la traction avant qui nous transporte a la prison Saint-Michel de Toulouse, je me retrouve relie a son poignet droit. Un silence pesant regne. Aucun des passagers ne prononce le moindre mot. La main gauche entravee, je reussis, de la droite, a saisir discretement, dans la pochette de ma chemise, l’epreuve d’un tract commande par la Jeunesse communiste, que j’entreprends de macher.
Une demi-heure plus tard, le convoi s’arrete devant la porte de la prison Saint-Michel, ou les resistants sejournent avec les droits communs. C’est alors que je vois avec etonnement mon codetenu gaulliste parler en allemand au SS qui nous escorte, revolver au poing. Ce dernier part chercher un officier qui, aussitot, libere le prisonnier et l’emmene tranquillement dans les bureaux !