
Auteur : T. Coraghessan Boyle
Traducteur : Bernard Turle
Date de saisie : 05/12/2007
Genre : Romans et nouvelles – etranger
Editeur : Grasset, Paris, France
Prix : 21.90 / 143.65 F
ISBN : 978-2-246-70271-9
GENCOD : 9782246702719
Sorti le : 05/12/2007
L’Alinea (Martigues)Dialogues (Brest)Durance (Nantes)Maison du livre (Rodez)Mollat (Bordeaux)Ombres Blanches (Toulouse)Sauramps (Montpellier)Thuard (Le Mans)
- Les presentations des editeurs : 08/09/2007
Chacun d’entre nous est somme, tous les jours et a tout propos, de decliner son identite. Qui etes-vous ? Et comment le prouver, quand personne ne vous croit, quand personne ne comprend ce que vous dites et quand tout le monde vous prend pour un redoutable escroc recherche aux quatre coins de l’Amerique ?
Tel est le cauchemar dans lequel est plongee Dana, victime d’un crime aussi violent que sournois : le vol d’identite. Cartes bancaires, numeros informatiques, mots de passe, signatures electroniques – dans ce merveilleux monde technologique, nous risquons de n’etre plus rien qu’une combinaison de chiffres et de signes, que les pirates de l’etat civil n’ont aucune peine a detourner. C’est l’un de ces vampires de l’ego, un certain William Peck Wilson, que Dana devra poursuivre sans relache pour regagner le droit d’etre elle-meme. De malentendus en faux-semblants, ce roman en forme de ” road-movie “, mene pied au plancher par un T.C. Boyle au mieux de sa forme est aussi une parabole sur la fragilite de nos identites, sur le langage et sur les dangers que nous encourons tous a vouloir vivre la vie des autres…
Tom Coraghessan Boyle est ne en 1948. Depuis 1978, il anime des ateliers d ecriture a l’Universite de Californie du Sud. Chez Grasset, il est l’auteur de plusieurs recueils de nouvelles, parmi lesquels 25 Histoires d’amour (2000), 25 Histoires de mort (2002) et 25 Histoires bizarres (2006), ainsi que de nombreux romans dont America (1997, prix Medicis etranger). Un ami de la terre (2001), D’amour et d’eau fraiche (2001) et Le Cercle des inities (2005).
- La revue de presse Samuel Blumenfeld – Le Monde du 23 novembre 2007
T. C. Boyle a imagine ce que pourrait etre l’un de ces drames quotidiens ou un citoyen se retrouve depossede de ses cartes bancaires, et de son etat civil…
L’exercice accompli par T. C. Boyle consiste a trouver une matiere romanesque dans un phenomene de societe. Elle est induite par la question sous-tendue par son recit : qui sommes-nous ? A cela, l’ecrivain avance qu’un individu ne se reduit jamais a son etat civil. Dans Au bout du monde, Boyle imaginait les racines de sa famille, preferant l’invention a la reconstitution. Sa genealogie residait dans la fiction. Au cours de son periple Dana Halter recouvre plus qu’une identite menacee, elle comprend que sa personnalite est le resultat d’un bouillonnement qui doit peu aux codes sociaux.
- La revue de presse Andre Clavel – Lire, septembre 2007
Avec Talk Talk, Boyle ne change pas de cible : la perversion est au menu de ce plantureux roman aux allures de polar…
A ce suspense de plus en plus tendu, Boyle ajoute des pages feroces contre la police americaine – une institution kafkaienne a ses yeux – et, surtout, des reflexions passionnantes sur la surdite. C’est bien sur un handicap terrible, une prison de l’ame, mais aussi, peut-etre, une maniere d’echapper a une societe qui parle trop, qui dit n’importe quoi, et dont les exces de bavardage sont une nouvelle forme de folie. Une fois de plus, Boyle fustige les travers de son epoque dans un roman superbe, brillant, digne de la meilleure Serie noire.
- La revue de presse Karine Papillaud – Le Point du 31 aout 2007
L’auteur de Water Music pose un regard toujours aussi neuf et aigu sur notre epoque avec son nouveau roman, Talk Talk, une parabole sur la fragilite de notre identite…
L’habilete de T. C. Boyle est d’interroger l’identite d’une facon nouvelle, distincte de la quete des origines ou de la psychologie. T. C. Boyle continue son travail de sape sur l’absurdite d’une certaine societe americaine, dont il pointe les travers avec espieglerie et une tres belle maitrise romanesque.
- La revue de presse Astrid Eliard – Le Figaro du 30 aout 2007
Nos ames sont vulnerables depuis qu’elles ne tiennent qu’a des codes qu’on a tot fait de subtiliser, d’effacer, de remplacer. Dans son nouveau roman, Talk Talk, T.C. Boyle s’attaque a ce crime ne avec le numerique : le vol d’identite…
Boyle, qui ne s’interesse guere aux romans de genre, vient bel et bien de signer un thriller. Un thriller sans tueur ni hemoglobine. Ici, pas d’atmosphere de crepuscule, mais un grand soleil accablant qui ne se couche jamais. Pas de forcene, mais un bon a rien, capable d’emouvoir. On a souvent reproche a Boyle sa graphomanie, qui lui fait publier ses romans et nouvelles avec la regularite des anniversaires. Dans Talk Talk – une reflexion sur le langage et l’identite, doublee d’un roman a suspense -, il ecrit au plus juste, comme si chaque mot etait compte.
- Les courts extraits de livres : 19/12/2007
ELLE etait en retard, toujours en retard, c’etait un de ses defauts, elle le savait, mais, d’abord, elle n’avait pas retrouve son sac, et une fois qu’elle l’avait retrouve (sous sa veste en velours bleu pendue a la patere dans l’entree), c’etaient ses clefs qu’elle avait cherchees. Elles auraient du etre dans son sac mais elles n’y etaient pas et elle fit le tour de l’appartement – deux, trois fois – avant de songer a verifier dans les poches du jean qu’elle portait la veille. Mais ou etaient-elles donc ? Pas le temps de prendre un toast. Ou de faire griller du pain. Pas de petit dejeuner. Plus de jus d’orange dans le frigo. Plus de beurre, plus de fromage frais, non plus. Le journal sur le paillasson ne fut qu’un obstacle supplementaire. Du cafe tiede comme du jus de chaussettes (etait-ce un terme acceptable ? oui), du jus de chaussettes dans un mug macule, puis verification succincte du rouge a levres et de la coiffure dans le retroviseur et la voila qui mettait le contact et reculait dans la rue.
Sans doute remarqua-t-elle a la peripherie de sa vision une camionnette qui passait, fugace, dans la direction opposee, le chien pie qui reniflait une tache sur le bord du trottoir, l’arrosage automatique d’un voisin qui accrochait la lumiere dans un miroitement de gouttes translucides, mais la montee d’adrenaline (ou les nerfs, qu’importe) ne lui permit pas d’y preter attention. Sans compter qu’elle avait le soleil dans les yeux – ses lunettes noires, mais ou etaient ses lunettes noires ? Il lui semblait les avoir vues sur la commode, dans un enchevetrement de bijoux – ou etait-ce sur la table de la cuisine, a cote des bananes ; elle avait d’ailleurs songe emporter une banane, ca se mangeait vite, c’etait riche en potassium et en fibres – mais elle y avait renonce parce qu’avec le Dr Stroud, mieux valait ne rien avoir dans le ventre. Elle se sustenterait d’air. Rien que d’air.
Se hater, se depecher, se tremousser : racines latines, meme triste et connotatif couperet du sens. Elle n’avait pas les idees claires. Elle etait tendue, stressee, en retard. Et lorsqu’elle rejoignit l’angle de la voie rapide au bout de sa rue, elle connut un instant de bonheur car la voie etait libre ; helas, alors qu’elle faisait semblant de ralentir et passait la seconde avec une preste et experte pression sur l’embrayage, elle remarqua la voiture de police garee plus haut a l’ombre marbree d’un 4×4.
Le temps s’arreta, le flic fige au volant, elle-meme lancant un regard impuissant, d’un air de se justifier, puis elle le depassa en se maudissant tandis qu’elle le voyait executer un paresseux demi-tour et allumer son gyrophare. Elle percut alors nettement tous les alentours : les palmiers aux troncs en forme d’ananas, aux jupes qui pelaient, les epines cuirassees des yuccas partis a l’assaut de la colline, les rochers jaunatres et rougeatres, une camionnette gris metallise qui ralentissait pour la devisager beatement lorsqu’elle se fut arretee sur une bande brune de terre – et, en contrebas, l’etendue pentue des toitures de tuiles avec, au loin, l’immensite bleue du Pacifique. Aucune raison de se presser desormais, absolument aucune raison. Elle observa le flic – l’agent de police – dans son retroviseur lateral lorsqu’il ouvrit sa portiere et releva sa ceinture (ils faisaient tous ca, comme si la ceinture, la matraque, les menottes et le coit a poignee noire, a eux seuls, resumaient leur personnalite). Puis il vint a sa hauteur, rigide.
Elle avait deja prepare son permis et les papiers de la voiture : elle les lui tendit en offrande, l’air suppliant. Mais il ne les prit pas – pas encore. Il parlait, levres claquant comme s’il machait un paquet de nerfs. Mais que disait-il donc ? Ce n’etait pas permis ou papiers de la voiture. Qu’est-ce que ca pouvait bien etre… Est-ce le soleil, la-haut dans le ciel ? Quelle est la racine carree de 144 ? Savez-vous pourquoi je vous ai indique de vous garer sur le cote ? Oui. C’etait ca. Et elle connaissait la reponse. Elle n’avait pas marque le stop. Parce qu’elle etait pressee – pressee d’aller a son rendez-vous chez le dentiste, pensez ! – et qu’elle etait en retard.
Je sais, dit-elle. Je sais mais… j’ai retrograde, tout de meme. Il etait jeune, ce policier, pas plus vieux qu’elle, un conscrit, un contemporain, elle aurait pu danser a cote de lui, avec lui, au Velvet Jones ou dans un autre club du Lower State. Ses yeux etaient trop gros pour sa tete, exorbites comme ceux d’un boston-terrier… Comment s’appelait cette particularite ? L’exophtalmie. Le terme savant lui etait venu instantanement et elle en ressentit un eclair de satisfaction en depit des circonstances. Mais le flic, le policier… Il avait une sorte de mollesse dans la machoire, qui, combinee a ses yeux – liquides, mouilles -, lui conferait un air d’inacheve, comme s’il n’avait pas du tout son age a elle mais etait encore adolescent, un enfant hydrocephale qui se serait deguise, aurait revetu un uniforme pour jouer a representer l’autorite. Des qu’elle ouvrit la bouche, elle vit son visage se metamorphoser. Elle avait l’habitude.