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Tombe de sommeil

Auteur : Jean-Luc Nancy

Date de saisie : 17/01/2007

Genre : Philosophie

Editeur : Galilee, Paris, France

Collection : Lignes fictives

Prix : 15.00 / 98.39 F

GENCOD : 9782718607368

  • Les presentations des editeurs : 16/01/2008

Le sommeil n’interesse guere la philosophie que comme une negativite sans emploi, sans autre usage que le repos du corps ou bien la production de signes d’une nuit de l’ame.

Le sommeil de la raison engendre des monstres est une sentence des Lumieres qu’il ne s’agit pas de mettre en doute. Mais il convient aussi de se demander s’il n’existe pas quelque chose comme une raison du sommeil, une raison a l’oeuvre dans la forme ou dans la modalite du sommeil. C’est-a-dire dans un etre-en-soi qui n’est pas un soi, dans une absence d’egoite, d’apparaitre et d’intention, dans un abandon grace auquel se creuse un non-lieu partage par tous.

S’y atteste quelque chose comme une egalite de tous dans le rythme du monde. Avec elle, une victoire toujours renouvelee sur la peur de la nuit. Une confiance dans le retour du jour, dans le retour a soi, a nous – chaque jour differents, imprevus, non doues de significations prealables.

Car c’est de trouver a nouveau le sens qu’il s’agit dans cette supposee perte de sens, de conscience et de controle. Non pas retrouver du sens qui serait deja pret, comme celui des philosophies, des religions, des progressismes ou des integrismes (de tous les -ismes, dont la demolition n’est jamais assez farouche), mais ouvrir a nouveau la source qui n’est pas celle d’un sens, mais qui fait la plus propre nature du sens, sa verite : l’ouverture, le jaillissement, l’infini.

Sommeil comme ressource du commencement, du recommencement. Veille d’un lendemain auquel on ne demande rien que de venir. Confiance sans promesse a travers la nuit que traverse en ce moment la terre difficile aux hommes.

(A l’aube, les betes viennent lecher les sueurs, les humeurs ou les pleurs de la nuit.)

  • Les courts extraits de livres : 16/01/2008

Je tombe de sommeil

En tombant de sommeil, je tombe a l’interieur de moi-meme : de ma fatigue, de mon ennui, de mon plaisir epuise ou de ma peine epuisante. Je tombe a l’interieur de ma propre satiete aussi bien que de ma propre vacuite : je deviens a moi-meme le gouffre et la plongee, l’epaisseur des eaux profondes et la descente du corps noye qui sombre a la renverse. Je tombe la ou je ne suis plus separe du monde par une demarcation qui m’appartient encore tout le temps de ma veille et que je suis moi-meme tout comme je suis ma peau et tous mes organes des sens. Je passe cette ligne de distinction, je glisse tout ensemble au plus interieur et au plus exterieur de moi, effacant le partage de ces deux regions supposees.
Je dors et ce je qui dort ne peut pas plus le dire qu’il ne saurait dire qu’il est mort. C’est donc un autre qui dort a ma place. Mais si exactement, si parfaitement a cette place mienne qu’il l’occupe entiere sans en delaisser ni en exceder la moindre parcelle. Ce n’est pas une partie de moi, ni un aspect, ni une fonction qui dort. C’est cet autre tout entier que je suis des lors que je suis soustrait a tous mes aspects et a toutes mes fonctions, sauf a cette fonction de dormir, qui peut-etre n’en est pas une ou bien qui ne fonctionne qu’a suspendre toute fonction.