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Train de nuit pour Lisbonne

Auteur : Pascal Mercier

Traducteur : Nicole Casanova

Date de saisie : 17/05/2008

Genre : Romans et nouvelles – etranger

Editeur : 10-18, Paris, France

Collection : 10-18. Domaine etranger, n 4103

Prix : 10.00 / 65.60 F

ISBN : 978-2-264-04581-2

GENCOD : 9782264045812

Sorti le : 21/02/2008

  • Le choix des libraires : Choix de Valerie Simonnot de la librairie DU PARC / ACTES SUD a Paris, France – 17/09/2008

Profondement bouleverse par les ecrits d’Amadeu de Prado, un ecrivain portugais, Gregorius, tranquille professeur installe en Suisse, decide de tout quitter pour partir sur les traces de l’auteur, a Lisbonne, sa ville natale.
On se laisse porter par le rythme certes un peu ralenti mais envoutant de cette histoire qui vous apprendra que la poursuite des ses reves n’est pas necessairement inutile…
Train de nuit fait partie de ces livres quasi initiatiques qui nous apprennent beaucoup de choses sur nous-memes…

  • Les presentations des editeurs : 17/09/2008

Decouvrant par hasard un livre d’Amadeu de Prado, poete portugais, Raimund Gregorius voit sa vie basculer. Bouleverse par ce texte qui semble ecrit pour lui, Gregorius prend le premier train pour Lisbonne, bien decide a plonger dans les meandres du passe de Prado. Il reconstitue l’itineraire intellectuel et l’engagement politique de cet homme d’exception dont chacun des actes apparait comme une lecon de vie. Avec ce roman qui sonde les territoires de l’ame et de la conscience de soi, Pascal Mercier delivre une vision philosophique peu academique du sens de la vie.

“S’il est vrai que nous ne pouvons vivre qu’une seule partie de ce qui est en nous, qu’advient-il du reste ?” Cette question, parmi tant d’autres, est portee par une ecriture venue de loin, classique et ample, apaisante pour mieux dire les devorations face aux questionnements d’une vie.
Clemence Boulouque, Le Figaro

Pascal Mercier est ne en 1944 a Berne, en Suisse, et vit aujourd’hui a Berlin ou il enseigne la philosophie. Il est l’auteur de plusieurs essais de philosophie et de trois romans. Son nouveau roman, L’Accordeur de piano, paraitra aux editions Maren Sell en septembre 2008.

Traduit de l’allemand par Nicole Casanova

“Domaine etranger” dirige par Jean-Claude Zylberstein

  • Les courts extraits de livres : 17/09/2008

Ce jour commenca a la maniere d’innombrables autres jours, pourtant, apres lui, rien ne devait plus etre comme avant dans la vie de Raimund Gregorius. Gregorius arriva de la terrasse de la Confederation a huit heures moins le quart et prit le pont de Kirchenfeld qui mene du centre de la ville au lycee. Ainsi faisait-il chaque matin de l’annee scolaire, et immuablement a huit heures moins le quart. Il y eut bien la fois ou il trouva le pont barre, et ou il fit une faute pendant le cours de grec qui suivait. Ce n’etait jamais arrive auparavant, et cela n’arriva plus jamais par la suite. Des journees entieres, toute l’ecole ne parla que de cette faute. Plus la discussion sur le sujet se prolongeait, plus grandissait le nombre de ceux qui pensaient avoir mal entendu. Finalement, cette conviction l’emporta aussi chez les eleves qui avaient assiste au cours. Il etait tout simplement inimaginable que Mundus, comme on l’appelait, commit une faute en grec, latin ou hebreu.
Gregorius regarda devant lui les tours pointues du Musee historique bernois, leva les yeux sur le Gurten, puis les baissa vers l’Aar et son eau vert glacier. Le vent soufflait en rafales, chassait au-dessus de lui les nuages bas et retourna son parapluie. C’est alors qu’il apercut la femme au milieu du pont. Accoudee au parapet, elle lisait sous les torrents d’eau ce qui semblait etre une lettre. Elle etait obligee de la tenir a deux mains. Quand Gregorius s’approcha, elle froissa soudain le papier, le petrit en une boule qu’elle jeta d’un geste violent dans le vide. Involontairement, Gregorius avait accelere la marche et il n’etait plus eloigne d’elle que de quelques pas. Il vit la fureur sur ce visage bleme et mouille de pluie. Ce n’etait pas une fureur qui pourrait se decharger a grands cris pour ensuite se dissiper. C’etait une fureur rentree, tournee vers l’interieur, qui devait depuis longtemps bruler sans flamme. A present, la femme s’appuyait sur le parapet, les bras tendus, et ses talons glissaient hors des souliers. Elle va sauter. Gregorius abandonna le parapluie a un coup de vent qui l’emporta par-dessus le parapet, il jeta par terre sa serviette pleine de cahiers d’eleves et lanca a voix haute une serie de jurons qui n’appartenaient pas a son vocabulaire habituel. La serviette s’ouvrit et les cahiers glisserent sur l’asphalte mouille. La femme se retourna. Pendant quelques instants, elle contempla sans bouger les cahiers qui noircissaient dans l’eau. Puis elle tira un stylo feutre de la poche de son manteau, fit deux pas, se pencha vers Gregorius et lui ecrivit une serie de chiffres sur le front.
Excusez-moi, dit-elle en francais, le souffle court et avec un accent etranger, mais il ne faut pas que j’oublie ce numero de telephone et je n’ai pas de papier sur moi.
Elle regardait ses mains comme si elle les voyait pour la premiere fois.
Naturellement j’aurais pu aussi… et son regard allait du front de Gregorius a sa propre main sur le dos de laquelle elle inscrivait a present le numero. Je… je ne voulais pas m’en souvenir, je voulais tout oublier, mais quand j’ai vu tomber la lettre… il a fallu que je le retienne.
La pluie sur les epais verres de lunettes brouillait la vue de Gregorius, et il tatonnait maladroitement a la recherche des cahiers mouilles. De nouveau, lui sembla-t-il, la pointe du stylo feutre glissa sur son front. Mais il s’apercut alors que c’etait le doigt de la femme qui cherchait a effacer les chiffres avec un mouchoir.
C’est tres incorrect, je sais… et elle aida Gregorius a ramasser les cahiers. Il lui toucha la main et lui effleura le genou, et quand ils voulurent tous les deux saisir le dernier cahier, leur tetes se heurterent.
Merci beaucoup, dit-il quand ils se retrouverent face a face. Il designa la tete de la femme. Ca vous fait tres mal ?
L’air absent, les yeux baisses, elle fit signe que non. La pluie crepitait sur ses cheveux et coulait sur son visage.
Puis-je faire quelques pas avec vous ?
– Ah… oui, bien sur, balbutia Gregorius.
En silence, ils marcherent ensemble jusqu’a l’extremite du pont, puis en direction du lycee. Son sens du temps disait a Gregorius qu’il etait huit heures passees et que la premiere heure de cours avait deja commence. Cela allait jusqu’ou, quelques pas ? La femme s’etait adaptee a la marche de Gregorius et trottait a cote de lui comme si cela devait continuer ainsi toute la journee. Elle avait releve si haut le large col de son manteau que Gregorius, de cote, ne voyait que son front.
Il faut que j’entre la, au lycee, dit-il en s’arretant. Je suis professeur.
– Puis-je venir avec vous ? demanda-t-elle doucement.
Gregorius hesita et passa un revers de manche sur ses lunettes mouillees. En tout cas, on y est au sec, dit-il finalement.