Auteur : Colette Nys-Mazure
Date de saisie : 20/10/2006
Genre : Romans et nouvelles – francais
Editeur : Albin Michel, Paris, France
Prix : 14.00 / 91.83 F
ISBN : 978-2-226-17288-4
GENCOD : 9782226172884
Alors que l’anglais dispose de quatre mots, le francais n’en a qu’un pour dire seul, evoquer les visages changeants que peut emprunter la solitude, souligner son plaisir aussi bien que sa souffrance, ses mille nuances selon les ages, les situations, les evenements.
Marquee par la mort de mes parents lorsque j’avais sept ans, j’ai toujours ete sensible aux gestes, aux mots qui trahissent la solitude. Petite fille jouissant d’un jardin secret, j’ai cheri les greniers aussi bien que les maisons sous les tables, favorisant l’isolement provisoire du groupe familial. Enseignante, j’ai pressenti les passages a vide, les vertiges de mes eleves et etudiants. Mere de famille nombreuse, j’ai connu des moments de plenitude pres d’un nourrisson repu, mais aussi les intermittences du coeur entre gens qui s’aiment. Avec l’avancee en vie, lorsque la maladie, la mort viennent creuser les rangs, se manifestent d’autres nuances.
Ce sont les echos de ces experiences vecues, revees, rememorees, que laissent percevoir ces recits -vitrail aux facettes mouvantes. Tous pareils, tous uniques, tantot dans les tenebres et tantot en douce lumiere, epelant tour a tour chaque lettre d’un mot tres quotidien seul ; trouvant reconfort dans l’intime conviction : Tu n’es pas seul
Colette Nys-Mazure
- Les presentations des editeurs : 08/09/2006
Dans le mot seul il y a quatre lettres, quatre definitions de la solitude. S comme solitaire c’est-a-dire seul par gout de la solitude, E comme esseule, c’est-a-dire seul parce qu’abandonne des autres, U comme unique, seul de son espece et enfin L comme libre c’est-a-dire seul a decider, ecrit Michel Hannoun.
La vie moderne est marquee du sceau de la solitude. L’angoisse existentielle est palpable. Les malentendus, l’indifference, le mensonges, la mort creusent le gouffre qui nous separe de l’autre. Et pourtant, nous ne sommes pas juxtaposes, mais mysterieusement relies, tisses dans la trame universelle.
Si la solitude est notre condition commune, il suffit d’un rien – un mot, un sourire, un regard inattendu – pour que la distance soit abolie, que flambe la joie des retrouvailles. La mission des poetes n’est-elle pas de nous ouvrir a ce parcours, de provoquer la rencontre ? En une trentaine de recits brefs, Colette Nys-Mazure nous invite a penetrer au coeur de ce reseau secret qui soutient tous les etres.
- Les courts extraits de livres : 11/09/2006
Sur la route du retour, halte devant les affiches du cinema voisin. Celle de gauche retient mon attention : un enfant endormi, frileusement recroqueville – bottes, collants, anorak et capuchon -dans un antre de verdure au bord d’un marecage embrume. Aucune autre presence humaine dans ce paysage d’herbe, d’eau, d’arbres espaces.
Mon enfance est si etrangere a la sienne. Comme j’aimais nos pique-niques de juillet – nous trois, six, huit et onze ans, reunis l’espace d’un mois. Tot le matin, nous quittions la maison des grands-parents, en tirant la carriole en bois, bourree de nos provisions du jour : une couverture de cheval, deux boites de petits Lu croquants, des tablettes de chocolat, une demi-douzaine d’oranges juteuses, trois bouteilles de limonade, une vaisselle elementaire. En route !
Nous abritions la charrette sous les hauts tabacs clandestins de Bon-Papa et nous courions, poulains fous, a travers les patures au-dela du verger, du potager. Cris, rires et chutes dans l’herbe haute, halte sous un noyer, visages tournes vers les nuages entre les branches. A dix heures, nous deballions notre viatique : sur de larges feuilles de rhubarbe s’etalaient les gateaux couronnes de carres de chocolat que le soleil s’empressait de fondre delicieusement. Dans un bol, nous en ecrasions d’autres et nous arrosions les miettes du jus des oranges pressees.
Bonne-Maman surgissait, inquiete de notre sagesse :
– Vous mangez ca !
Mine ecoeuree. Qu’elle s’en aille ! Les grandes personnes ne connaissent pas ce qui est bon. Apres son depart outrage, nous allions ramasser quelques reines-claudes fissurees, chaudes, delicieuse