Vous reprendrez bien un peu de verite ?

Vous reprendrez bien un peu de verite ?
Didier Nordon

Verite. Ce a quoi l’esprit peut et doit donner son assentiment (Grand Robert, 2001). Voila bien une injonction ! La verite est comme la loi : nul n’est cense l’ignorer. Serions-nous donc condamnes a etudier les deux millions d’articles scientifiques qui paraissent chaque annee et qui, tous, pretendent devoiler un peu de l’inepuisable verite du monde ? Non, rassurons-nous. Plutot qu’absorber la dose massive de verite que diffusent ces articles, nous pouvons profiter, grace a ce recueil, de l’humour dont sont porteurs leurs perles, leurs paradoxes, leurs contradictions.

Didier Nordon est chroniqueur a la revue Pour la Science. Il a enseigne les mathematiques a l’Universite de Bordeaux 1.

La chute d’une pomme et les marees – ca n’a rien a voir. Avoir mal a la tete et sucoter un bout d’ecorce de saule blanc – ca n’a rien a voir. Etre ne sous la conjonction de Saturne avec Jupiter sous ascendant gemeaux et avoir de la chance dans la vie – ca n’a rien a voir.

He bien, si. Dans les deux premiers cas, si etrange cela soit-il, ca a a voir. La gravitation explique des phenomenes aussi disparates que le mouvement de la pomme et celui de la mer. L’aspirine concentre des principes actifs presents dans certaines plantes. La troisieme mise en relation toutefois, ni plus ni moins farfelue en apparence que les autres, sera, elle, acceptee par un astrologue mais pas par un scientifique moderne. En l’occurrence, la tache est plus simple pour l’astrologue que pour le scientifique. En effet, affirmer que deux phenomenes sont lies est plus facile que de demontrer qu’aucun rapport ne peut ni ne pourra jamais exister entre eux. Or les decouvertes les plus excitantes pour l’esprit sont celles qui prennent deux phenomenes apparemment tres eloignes, et reussissent a les mettre en relation.

Aimant toutes deux trouver un lien entre des phenomenes qui, a priori, semblaient etrangers, la science et l’astrologie, aujourd’hui soeurs ennemies apres avoir ete amies (jusques et y compris en la personne de Newton), sont, quoi qu’elles en aient, destinees a rester longtemps encore inseparables.